Après 11 ans de pugnacité, la première pierre vient d’être officiellement posée à Livré-la-Touche. Elle sert de support au projet de méthanisation Oudon biogaz porté par des éleveurs et agriculteurs du pays de Craon. L’ouverture des vannes dans 16 mois permettra de doubler quasiment la production de biométhane en Mayenne.
25 % du gaz vert consommé en 2025
A l’heure où le gaz naturel russe ébranle l’économie et le ravitaillement énergétique de l’Europe, les exploitants agricoles réunis au sein du programme Oudon biogaz peuvent se réjouir de n’avoir pas plié devant les difficultés et les lourdeurs administratives. A l’automne 2023, quand les robinets de leur unité de méthanisation s’ouvriront, la production de biométhane du département connaîtra une progression très importante.
En provenance des 4 sites déjà actifs de Château-Gontier, Meslay-du-Maine, Méral et Chammes, elle s’élève annuellement aujourd’hui à 60 GWh. L’unité de méthanisation qui s’étendra sur un terrain de 5 hectares ajoutera 55 GWh. Sans compter les 19 autres projets recensés dans le département.
La Mayenne est clairement très bien engagée sur la voie du biogaz. A échéance 2025, 25 % du gaz vert consommé sur ce territoire sera d’origine locale.
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L’établissement déjà en cours de construction depuis le début de cette année, à proximité du lieu-dit La Garenne, a été dimensionné pour obtenir jusqu’à 660 Nm3 à l’heure de biogaz. Ces chiffres tiennent compte d’une petite marge, puisque la production réelle devrait être limitée à 600 Nm3/h.
Pour exemple, cette unité de méthanisation pourrait, au choix : alimenter 9 000 logements neufs chauffage compris, fournir la moitié de la consommation de gaz de la ville de Laval, couvrir 80 % des besoins domestiques du pays de Craon, ou 30 % en incluant la part industrielle.
Pour Richard Chamaret, président de Territoire d’énergie Mayenne, il paraît évident « d’accepter les aléas liés à la consommation d’énergie ». Ce mercredi 27 avril 2022, à l’occasion du lancement officiel des travaux à Livré-la-Touche, il a rappelé qu’à l’échelle des Pays de la Loire, seulement 25 % de l’énergie consommée est actuellement produite sur place : « On ne se demande pas d’où vient le reste ».
Economie circulaire
Richard Chamaret a également souligné les différentes boucles vertueuses activées avec la méthanisation. Et en particulier la valeur ajoutée aux exploitations agricoles engagées, la baisse des émissions carbonées, une plus grande souveraineté nationale concernant les énergies, la possibilité de faire rouler au biogaz les camions qui amèneront les déchets et les citernes qui repartiront avec le digestat.
Un précédent site avait été identifié, touché par des oppositions du fait de sa proximité avec des habitations. Le nouvel emplacement est idéal, pour plusieurs raisons. Tout d’abord les 72 exploitants de Oudon biogaz sont localisés dans un rayon moyen de 10 kilomètres. Ils fourniront 87 % de la matière organique entièrement d’origine agricole. Le solde proviendra d’agriculteurs tiers.
Le lieu est entouré de champs et bois à 360 degrés, desservi par un maillage routier satisfaisant et une voie dédiée. De quoi optimiser le transport d’intrants et de digestat. Les rotations pour l’acheminement des effluents d’élevage seront assurées 5 jours sur 7, par des camions appartenant au collectif. Le tout concourt à limiter les nuisances. Un atout appréciable pour un programme d’une telle envergure.
140 000 tonnes de matières organiques traitées
Président de la SAS Oudon biogaz créée en juin 2013, Hervé Nicolas a lui aussi évoqué les commodités de la situation de son unité de méthanisation. Il a cité des déplacements moins importants pour gérer le fumier, l’absence de ruissellement et de pollution en incorporant cette matière organique alors qu’elle est fraîche, la gestion collective de l’épandage des digestats liquides (113 500 tonnes par an) et solides (32 500 t).
S’y ajoutent l’abandon des engrais coûteux et qui ne sont pas forcément produits en France, et la création de 11 emplois. « En nous regroupant, nous avons évité des investissements qui auraient été trop lourds à supporter par les exploitants. Cette action nous permet aussi d’accéder à la transition énergétique », a-t-il mis en avant.
A l’année, l’unité de méthanisation devrait engloutir 140 000 tonnes de matières organiques (fumiers, lisiers, fientes, déchets végétaux, etc.).
2 lignes distinctes
« Nous avons prévu 2 lignes de traitement séparées. Une première pour le gisement conventionnel, et une seconde pour le bio et les matières éligibles, c’est-à-dire non industrielles », a détaillé Hervé Nicolas. Un mur en béton d’une hauteur de 3,5 m de haut séparera les 2 univers. Chacun disposera de son propre accès. Les processus de méthanisation comprendront une phase d’hygiénisation à 70° C d’une durée d’une heure.
« Des puits de pompage seront installés sur chacune des deux poches souples pour transférer le digestat liquide dans des citernes spécifiques », certifie Oudon biogaz. Ce découpage permettra de réserver à l’agriculture biologique une partie des fertilisants obtenus. L’exploitation de pendillards limitera dans tous les cas la volatilisation et les odeurs de ces produits riches en azote, phosphore et potasse.
26 millions d’euros
Une enveloppe légèrement supérieure à 26 millions d’euros a été constituée pour mener à bien le projet Oudon biogaz. La mise des éleveurs apporteurs de biomasse s’élève à environ 3 millions d’euros. Auxquels s’ajoutent 220 000 euros de la SEM Energie Mayenne et 1 million d’euros de la part de Ter’Green, filiale du groupe Keon, spécialisée dans le co-développement et le co-investissement de programme de méthanisation.
« Nous disposons d’une expérience de 20 ans, et sommes toujours séduits par des projets bien montés qui cumulent autant d’externalités positives qu’ici. En plus d’apporter des fonds, nous offrons une supervision et une surveillance par des mesures en temps réel », a justifié Aurélien Lugardon, président de Ter’Green.
Une campagne de financement participatif via Lendosphere a permis de rassembler 750 000 euros de la part de 456 obligataires engagés pour 5 ans contre un intérêt annuel de 5 %. Cette plateforme sélectionne des programmes solides en rapport avec la transition énergétique. L’Ademe, la région, et le département ont respectivement accordé 800 000 + 800 000 + 200 000 euros de subventions.
Les 20 millions restants proviennent de 4 établissements bancaires qui ont déjà procédé à la signature des contrats.
Injection dans le réseau de gaz
Les porteurs du projet Oudon biogaz présentent ainsi leur démarche : « Un projet collectif et territorial mené par et pour les habitants du craonnais ». Vendue à Save Energies, la production de l’unité de méthanisation sera intégralement injectée dans le réseau de distribution de gaz du pays de Craon, propriété de Territoire d’énergie Mayenne et exploité par GRDF.
Parmi les difficultés rencontrées pour développer le projet, l’absence de point d’injection à proximité. En 2011, il était question de devoir tirer une ligne d’une longueur de 17 kilomètres. « Demander d’ajouter des tuyaux pour livrer du gaz n’est pas un problème. Mais en 2011, vouloir le faire pour aller chercher du gaz à ajouter au réseau était compliqué. Les gestionnaires n’avaient pas l’habitude », a témoigné Richard Chamaret.
Entre temps, d’autres projets de méthanisation ont permis d’écourter la liaison spécifique à Oudon biogaz. « Une extension du réseau de distribution de GRTgaz, menée par GRDF, permettra de connecter le site », indique le service de communication de la SAS.
Rendez-vous avant la fin de l’année 2023 pour la mise en service de l’unité de Livré-la-Touche.
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Les commentaires datent un peu mais je pense que le débat peut se poursuivre. Je ne crois pas que les agriculteurs cultivent des céréales pour ensuite les méthaniser. Sur un pied de maïs, par exemple, il y a les panouillons qui sont très certainement ramassés et c’est la tige, les feuilles et le reste qui sont méthanisés et ça fait beaucoup de déchets. Laissé en tas, le méthane s’échappe librement dans l’atmosphère, contribue au réchauffement et nécessite l’utilisation et l’achat de gaz fossile… On marche vraiment sur la tête dans notre beau pays. Les agriculteurs produisent beaucoup de déchets totalement… Lire plus »
Très intéressant en effet. Cependant, dans la liste des intrants il y a un étrange « etc ». Que contient-il? en effet la méthanisation peut prêter à critique si on y envoie autre chose que des déchets. Par exemple des céréales cultivées uniquement pour être méthanisés. Il s’agit alors d’agrocarburant qui n’a rien d’écolo. Ce genre de dérive s’observe déjà sur certaines grosses unités de méthanisation.
la loi de l offre et de la demande corrigera ces aleas.
Pour l’instant c’est plutôt la loi du maximum de subventions!
Bonjour, Wouah ! 140 000 T / an d’intrants pour Métha: impressionnant ! Joli projet ! 72 agriculteurs ce qui peut paraitre fort nombreux pour mettre tout le monde d’accord…facilement, mais tous ds un rayon de 10 km, ceci justifie celà. 600 Nm3 / h de bio-méthane injectés ds réseau gaz, obtenu après purification du biogaz produit. Il y a même une participation financière citoyenne à la dette avec Lendosphère…. 2 lignes distinctes pour adresser, semble-t-il, l’agriculture bio (AB) et l’agriculture conventionnelle: ceci doit tenir aussi aux intrants carnés présents ds les bio-déchets collectés, le digestat résultant si de tels… Lire plus »
Mouais, pas assez calé pour savoir si le bilan global de cette filière est positif, notamment en tenant compte de l’objectif de réduire la consommation de viande, donc l’élevage, donc les résidus disponibles.
La réduction de conso de viande ne se fera pas si vite. De plus elle peut faire baisser les importation, si bien qu’il restera encore longtemps assez d’animaux locaux pour alimenter la machine!