Elon Musk, patron de Tesla avait fait sensation lorsqu’en 2017 son entreprise avait installé en Australie et en moins de 100 jours une batterie géante de 100 MW (129 MWh). Le record de puissance détenu depuis lors par Tesla vient d’être battu par LS Power qui a mis en service à San Diego (Californie) une batterie de 230 MW.
Cette puissance sera portée à 250 MW à la fin de ce mois d’août. La capacité de stockage sera alors de 250 MWh ; cela signifie que l’installation sera capable de délivrer du courant à pleine puissance pendant une heure. Mais LS Power compte augmenter progressivement son potentiel de stockage pour le porter à 1.000 MWh d’ici un an. La batterie baptisée Gateway pourra alors injecter son électricité dans le réseau pendant 4 heures (à pleine puissance).
En battant le record détenu par la batterie de Tesla à Hornsdale, en Australie (record porté entre-temps à 150 MW/ 193,5 MWh), LS Power ne pouvait pas rêver d’un plus beau coup de projecteur. En proie à une vague de chaleur sans précédent et à une explosion de la consommation électrique des climatiseurs, le Golden State[1] est confronté à des pénuries d’électricité qui ont contraint certains fournisseurs à opérer des coupures et des délestages pour éviter un black-out généralisé. Gateway pourra maintenant être utilisée pour soulager le réseau en stockant l’énergie solaire excédentaire pendant la journée et en la restituant pendant le pic de consommation du soir.
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LS Power n’en est pas à son premier essai. En 2018 l’entreprise avait déjà mis en service le projet Vista : une batterie de 40 MW inaugurée juste à temps pour lui permettre d’intervenir pendant la vague de chaleur qui a sévi en Californie pendant cet été-là, et surtout de bénéficier des importantes hausses du prix de vente du courant pendant les pics de la demande. L’expérience engrangée avec Vista a permis au management de LS Power de valider son business model et d’établir la rentabilité de ces installations de stockage.
La Californie a pour ambition de produire son électricité avec 60% d’énergies renouvelables en 2030 et 100% d’ici 2050. Son unique centrale nucléaire et ses centrales à gaz qui fournissent encore aujourd’hui environ 56% de l’électricité produite dans l’Etat, sont donc à terme vouées au démantèlement.
Si le mix électrique californien est actuellement constitué d’une proportion non négligeable fournie par des centrales hydroélectriques et géothermiques, le Golden State compte évidemment s’appuyer principalement sur le soleil, si généreux dans sa région, pour développer fortement ses productions photovoltaïques. Et pour remédier à leur variabilité, la feuille de route californienne prévoit aussi un important déploiement des batteries de stockage.
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Montée en puissance des batteries
Plusieurs autres grands projets devraient encore être finalisés d’ici fin 2020 et au cours des prochaines années. Alors que les californiens ne disposaient que de 136 MW de stockage au début de cette année, ils devraient en compter 923 avant fin décembre. Dans ce contexte, Steve Berberich, président de California ISO, le gestionnaire du réseau électrique californien, a qualifié le projet Gateway de tournant dans la montée en puissance des capacités de stockage de l’Etat.
LS Power ne compte pas en rester là. La compagnie développe d’autres grands projets de stockage d’électricité, dont une batterie de 316 MW, encore plus puissante que Gateway, cette fois dans le Queens, un arrondissement de New York.
Mais il est peu probable qu’elle détienne le record pendant longtemps. Une concurrente, Vistra Corp. projette la construction d’une batterie de 400 mégawatts dans la baie de Monterey, en Californie et la société a récemment annoncé l’obtention d’un permis pour porter ultérieurement sa puissance à 1.500 mégawatts et sa capacité à 6.000 MWh.
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Rendez-vous compte : ce stockage pourra délivrer pendant 4 heures une puissance quasi équivalente à celle de l’EPR, le réacteur nucléaire de 3e génération en construction depuis plus de 13 ans à Flamanville dans la Manche. Et cette batterie aura un avantage de taille : en cas de déséquilibre du réseau, elle peut démarrer et monter en puissance en quelques fractions de secondes alors que cette opération nécessite plusieurs heures dans une centrale nucléaire.
La course à la puissance et aux records de capacité est donc lancée. Nous ne serions pas étonnés qu’Elon Musk et Tesla y participent aussi, d’autan que cette compétition se joue principalement sur leurs terres, en Californie.
[1] Golden State est le surnom officiel donné à la Californie
Commentaires
De toutes façon, tout st possible, mais il faudra en payer le prix.
Les 20,0 cents par kWh que les ménages de Los Angeles ont payés pour l’électricité en juillet 2020 étaient 46,0 pour cent de plus que la moyenne nationale de 13,7 cents le kWh. En juillet dernier, les coûts de l’électricité ont augmenté de 36,4 p. 100 à Los Angeles par rapport à la nation. Au cours des cinq dernières années, les prix payés par les consommateurs de la région de Los Angeles pour l’électricité ont dépassé la moyenne américaine de 24,5 p. 100 ou plus au cours du mois de juillet.
https://www.bls.gov/regions/west/news-release/averageenergyprices_losangeles.htm
Merci pour cet article, peut-on connaitre le coût de cette Giga batterie ?
Avec en plus bientôt une batterie propre qui permettra la reforestation (comme le recommande d'urgence certains scientifiques...) et sentira presque bon ?
- https://sciencepost.fr/et-si-on-remplacait-les-batteries-lithium-ion-par-des-batteries-ecologiques-a-base-de-durian/
https://greenjillaroo.wordpress.com (> 1 - FR en haut de page)
Si on repart du concept initial, qui est de stocker l’électricité produite par des modes alternatifs, l’idée est de diminuer l’impact carbone. Aussi, parmi les moindres inconvenients des batteries lithium-ion, je m’étonne de ne pas trouver le haut niveau de production de CO2 nécessaire à leur fabrication. On en parle pour les voitures électriques, qu’en est-il de ces Giga-batteries ?
@JIPE : "Le haut niveau d'émission de CO2 nécessaire à la production des batteries" est à relativiser. C'est une critique lancée principalement par le lobby du pétrole qui ne voit pas avec satisfaction la montée en puissance des véhicules électriques. Elle se base sur des études qui font l'hypothèse que les cellules des batteries lithium-ion sont fabriquées en Chine avec de l'électricité produite par des centrales au charbon. Or cette hypothèse n'est plus d'actualité. En Europe, il y a maintenant 16 usines de cellules pour batteries en service, en construction ou en projet et elles sont presque toutes alimentées en électricité d'origine renouvelable. Et cette tendance va s'accentuer. L'objectif, en tout cas en Europe est de produire 100 % de l'électricité par les énergies renouvelables d'ici 2050. On l'a déjà assez expliqué sur ce site. Donc la construction des batteries émet et émettra de moins en moins de CO2. Ne pas oublier non plus que ces batteries sont recyclables et recyclées ...
Merci pour cette réponse. Juste un commentaire sur la production de CO2 des voitures électriques: l’ étude comparative allemande de Sinn et M. Buchal de 2019 ne semblait cependant pas être le dépendante du y’a lobby pétrolier. Concernant le recyclage des batteries, question en effet essentielle, cela pourrait faire l’objet d’un article ad hoc, à niveau européen, car le panorama y est certainement très inégal. Par exemple en Asturies (Espagne) où une seule société gère le tri des déchets, dont les batteries, lesquelles terminent stockées dans des hangars depuis des années. Où en est-on actuellement ?
Et arriverait une batterie presque inusable à base de diamants issus des déchets nucléaires de carbone 14 !
https://trustmyscience.com/batterie-alimentee-par-dechets-nucleaires/
Bernard, à quand un article sur l'expérimentation RINGO que RTE est en train de mettre en place en France ? Je viens de découvrir ce projet et je n'avais encore jamais rien lu sur cet usage possible des batteries.
Pour résumer, RTE n'ayant pas le droit contactuellment de faire de stockage d'électricité (mais seulement d'assurer son acheminement), le projet, qui a bénéficié d'une dérogation à ce sujet, est d'utiliser des batteries pour déplacer la puissance électrique non plus dans le temps (comme avec le lissage classique) mais dans l'espace, pour équilibrer le réseau. Donc dès qu'il y a congestion avec trop de production d'un côté, on charge une batterie tout en en déchargeant une autre ailleurs là où le courant manque. Résultat, il n'y a (virtuellement) pas de stockage et l'équilibre est assuré.
Ce projet expérimental est mené sur plusieurs années sur trois sites en France.
@ Sam : oui, c'est un sujet qui a retenu mon attention. Un article est prévu prochainement. Ceci dit, RTE a bien le droit de stocker (c'est ce qu'il fait dans ce projet). Par contre en tant que gestionnaire du réseau il n'a pas le droit de produire de l'électricité pour ne pas faire de concurrence aux producteurs (c'est normal). En stockant et déstockant ailleurs pour équilibrer le réseau, il ne produit pas et surtout il crée une ligne virtuelle (en transportant virtuellement du courant d'un lieu de surproduction vers un lieu de sous-production, le but étant surtout d'éviter de devoir renforcer ses lignes. C'est ça surtout l'intérêt et l'originalité du projet.
N'est-ce pas s'imposer des contraintes techniques inutiles, juste pour satisfaire une obligation (en fait une interdiction) réglementaire? Quand la loi est inadaptée, il vaut mieux la changer que chercher à la contourner!