Le dynamitage du barrage Marmot aux États-Unis, en 2007 / Image : capture vidéo YouTube National Geographic.
Les barrages hydroélectriques sont précieux, car ils produisent de l’électricité renouvelable. Mais les États-Unis semblent de moins en moins enclins à en accepter les coûts. Aussi bien financiers qu’environnementaux. Conséquence : ils en démolissent des centaines.
Dans les esprits, énergie renouvelable rime surtout avec solaire et éolien. La réalité, c’est que l’hydroélectricité reste la première source d’énergie renouvelable dans le monde. Même s’il a été démontré que certains réservoirs émettent plus de gaz à effet de serre que des centrales fossiles. La faute à la décomposition des matières organiques inondées. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production hydroélectrique a encore connu une croissance supérieure à toutes les autres sources — sauf l’éolien — sur la décennie 2010. Et pour atteindre le zéro émission nette d’ici 2050, elle devra afficher une hausse de près de 4 % par an jusqu’en 2030.
Des barrages hydroélectriques devenus obsolètes
Aux États-Unis, pourtant, une vaste opération de démolition de barrages hydroélectriques est en cours. Il faut dire que selon l’inventaire de l’U.S. Army Corps of Engineers, le pays compte plus de 90 000 de ces retenues artificielles. Alors qu’il y aurait à peine plus de 2 000 centrales hydroélectriques actives sur le territoire. Beaucoup de barrages, donc, qui ne servent plus.
Mais les démolitions sont désormais guidées par le fait que les coûts estimés commencent à dépasser les bénéfices. Par coût, il est question bien sûr de coûts financiers, au premier plan. Car 85 % des barrages hydroélectriques aux États-Unis ont plus de 50 ans. Leurs besoins en travaux de maintenance deviennent importants.
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Les coûts socioculturels ou environnementaux sont également pris en compte. Les barrages, en effet, rendent difficile la migration des poissons et autres espèces aquatiques. Or aujourd’hui, aux États-Unis, seulement une faible fraction des 5 millions de kilomètres de rivières restent « libres » de couler. En 2022, les 65 barrages supprimés ont permis de regagner quelque 700 km de ces rivières dans 20 États. Et en fin d’année, la décision a été prise de supprimer quatre barrages à la frontière entre la Californie et l’Oregon, sur la rivière Klamath, pour restaurer l’habitat d’espèces de saumons en danger. 90 % de la population a été perdue depuis la construction de ces barrages. La destruction du plus petit d’entre eux vient de commencer. Celle des trois autres devrait être lancée début 2024.
Au cours de la dernière décennie, plusieurs ruptures ou quasi-ruptures de barrages ont aussi entraîné l’évacuation de milliers de personnes. Et causé des millions de dollars de dégâts. Un coût de plus pour faire pencher la balance. Pour de nombreux barrages aux États-Unis, il est désormais devenu difficile d’offrir des avantages dépassant ces impacts. Même en considérant, en plus de la production renouvelable d’hydroélectricité, le contrôle des inondations et l’irrigation — deux points qui peuvent désormais être améliorés par d’autres moyens — ou encore les loisirs associés à ces structures.
À lire aussi Le démantèlement et le recyclage des éoliennesEntre 1912 et 2021, près de 2 000 barrages hydroélectriques ont déjà été démolis aux États-Unis. Dont seulement 20 % recensés dans l’inventaire de l’U.S. Army. Même si le rythme n’a fait que s’accélérer — 45 barrages détruits entre 1976 et 1986 pour 637 entre 2005 et 2015 —, il reste donc encore à faire.
Démolir des barrages hydroélectriques coûte cher
Mais les démolitions coûtent cher, elles aussi. Selon des chercheurs, la facture pour 668 des barrages hydroélectriques supprimés entre 1965 et 2020 s’élève à 1,52 milliard de dollars ! Et parmi eux, plus de 80 % mesuraient moins de 5 mètres de haut. Une catégorie pour laquelle le coût de démolition reste raisonnable. De l’ordre de 150 000 dollars. Mais pour les barrages de plus de 10 mètres, la facture peut s’envoler jusqu’à plus de 6 millions de dollars. Avec un montant total qui peut augmenter encore, suivant les moyens à déployer pour atténuer les effets de la destruction sur l’environnement — risque de libération de toxines accumulées dans les sédiments, risque d’augmentation de la turbidité de l’eau ou de changements de température, etc. — et pour restaurer ensuite les écosystèmes. L’analyse devrait aider les parties prenantes à estimer le coût de la suppression prévue d’ici 2050 de 4 000 à 32 000 barrages hydroélectriques dans le pays.
Pour revenir à l’exemple des quatre barrages hydroélectriques de la rivière Klamath, les plus gros barrages en destruction aux États-Unis, il devrait en coûter quelque 450 millions de dollars. Mais l’opérateur estime que cela restera moins cher que d’avoir à aménager des passages pour les saumons. Même la production électrique — l’équivalent de la consommation de 70 000 foyers à pleine puissance — devrait pouvoir être plus économiquement remplacée.
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Commentaires
Le nombre des grands barrages dans le monde n'a fait qu'augmenter depuis une centaine d'années (800 000 très grands barrages dans le monde d’aujourd’hui, voir l’article « Le Monde 12/05/2020 ») Hors les volumes et surfaces qu'ils représentent, essentiellement en montagne, sont capables de capter des quantités faramineuses d’énergie solaire (10 W/ m2 selon Pierre Gentine )qu’ils restituent à l'air par l'intermédiaire de la vapeur qui s'en échappe en permanence. Ce qui retarde d’autant les apports de neige, donc la quantité de glace à fondre aux beaux jours .Avec comme conséquences : Un réchauffement plus rapide de l’atmosphère - Une réduction de l’approvisionnement en eau par manque de neige et de glace, des sources, puits, ruisseaux, rivières, fleuves – Une amplification des fréquences de sècheresse et une réduction de la capacité de refroidissement de l’air. Donc des pluies moins fréquentes, ou catastrophiques puisque la vapeur pour se condenser et se refroidir doit monter plus haut dans l'atmosphère ,etc..
C'est sans doute moins pour les poissons que pour les raisons précédemment invoquées que les Américains se détournent de ces ouvrages ? Mais nous les français, n'y voyons pas d'intérêt parce que l'eau des barrages est nécessaire au fonctionnement du nuke !
Bonjour,
Vous croyez réellement à ce que vous écrivez ??? Il me semble que le recul des glaciers suit le phénomène du réchauffement qui est plus récent que les barrages. A vous lire il devrait le précéder, vous avez des preuves de ce que vous avancez?. De plus les lacs de montage ont peu de surface au regard des grands lac de plaine car ils sont placés dans des vallées encaissées. Ce qui fait que une augmentation de 1% de la puissance solaire que vous citez au regard la surface de la montagne c'est peanuts au regard de l'ampleur du réchauffement. Les barrages ont un effet localisé, mais de là à agir sur les sécheresses et la pluviométrie générale... Je reste poli donc je n’écris pas ce que j'en pense .
Et ce d'autant plus que c'est actuellement et de loin le seul cas d’électricité bas carbone, en volume important, à prix abordable, suffisamment souple pour permettre de réduire fortement les émissions de GES car complète efficacement les ENRi intermittentes ou le nucléaire. Si c'est pas de l'hydro c'est du gaz ou du charbon, qui servent de backup nettement moins bons... Faut des fois savoir mettre les priorités dans le bon ordre...
Bonjour Hervé,
Savez-vous que le seul barrage des trois gorges ralentit la rotation de la terre de quelques microseconde ? https://sciencepost.fr/barrage-de-chine-ralentit-rotation-de-terre-de-006-microseconde/ Je précède donc votre pensée pour dire comme vous que ça n'a rien à voir , mais quand même, si un seul barrage est capable d'une telle "prouesse" on est quand même en droit de se poser la question de l'impact de ces infrastructures... non ?
"Il me semble que le recul des glaciers suit le phénomène du réchauffement qui est plus récent que les barrages"
Bah non ! il y a même une correspondance certaine !-L'évolution des températures moyennes annuelles en France métropolitaine montre un réchauffement depuis 1900. Ce réchauffement a connu un rythme variable, avec une augmentation particulièrement marquée depuis les années 1980. Sur la période 1959-2009, la tendance observée est d'environ +0,3°C par décennie.
Avec la construction des premiers grands barrages !
Ce n’est que peu à peu qu’apparurent des ouvrages de 20 à 30 mètres de hauteur : La Bourboule (1896), Avignonet (1903), Rochebut10 (1909, hauteur 50 m, volume de la retenue 26 hm3 ) sur le Cher est le premier réservoir de production d’électricité à des fins commerciales.
Les barrages du canal de Bourgogne11 (1830-1838) : ils sont au nombre de 5 pour alimenter le bief de partage passant par le tunnel de Pouilly de 3.349 m de longueur. Deux barrages en terre, Cercey et Panthier, trois en maçonnerie, Grosbois, Chazilly et Le Tillot, avaient ensemble une capacité de stockage de 26 millions de m3
Le barrage voûte Zola12 (1847-1854) conçu et construit par François Zola, père de l’écrivain, qui fut pour peu de temps le barrage le plus haut de France (42 mètres). I
Le barrage poids du Furens13 (1862-1866) en amont immédiat de Saint-Etienne, marqua un saut technologique dans la conception et la construction des grands barrages en maçonnerie. Ce fut alors le plus haut barrage jamais conçu et réalisé par l’homme (56 mètres).
Cette réalisation eut un retentissement mondial et demeura un modèle pendant près d’un demi-siècle. 70 «grands barrages» furent ainsi construits jusqu’en 1919
L’implantation en altitude des barrages vient corroborer ces observations. Avant 1919, 4 barrages sont implantés aux alentours de 2 000 m, tous dans les Pyrénées
Vous avez ici toutes les infos concernant les lieux ,dates ,volumes, altitude, vous permettant de vous faire une idée plus précise https://www.barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/barrages-jlb.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_barrages_hydro%C3%A9lectriques_les_plus_puissants
"Ce qui fait que une augmentation de 1% de la puissance solaire que vous citez au regard la surface de la montagne c’est peanuts au regard de l’ampleur du réchauffement"
D'abord peanuts n'est pas une mesure qui permet une évaluation .De plus, en disant ça vous oubliez juste que la chaleur transmise en permanence à cette altitude par l'intermédiaire de la vapeur d'eau, réchauffe le climat environnant .Ce qui va ensuite nuire à la précocité des chutes de neige et donc au volume de glace accumulé pendant la saison froide. Années après années les champs de neige et de glace s'amenuisant il fera moins froid .En laissant le rocher nue celui ci absorbera mieux la chaleur solaire . A la fin on entre dans le cercle vicieux du réchauffement qui fini par entrainer des sècheresses à répétition et un manque d'eau qui ira en se généralisant.
"mais de là à agir sur les sécheresses et la pluviométrie générale…"
C'est pourtant très simple à comprendre ! Ce sont les masses d'air froides qui permettent la condensation de la vapeur d'eau contenu dans l'air chaud . Si vous n'avez plus d'air froid ou plus suffisamment , suivant la formule de Claudius Clapeyron, l'air se réchauffe de plus en plus en se chargeant de plus en plus de vapeur d'eau . Ceci explique très bien la fréquence des catastrophes qui arrivent de plus en plus souvent dans toutes les parties du monde.
"suffisamment souple pour permettre de réduire fortement les émissions de GES "
Est ce que vous vous êtes posé la question de savoir qui de la chaleur ou du CO2 est le pendant de l'autre ?
Est que sans chaleur vous pourriez nous prouver que le CO2 réchauffe quelque chose ?
"Si c’est pas de l’hydro c’est du gaz ou du charbon, qui servent de backup nettement moins bons"
Effectivement ! Mais il pourrait l'être tout autant sans influer sur le réchauffement ! Il suffirait pour ça de turbiner l'eau de surface -comme les barrages naturels- en la ramenant vers le fond, afin d'éviter quelle se réchauffe. Dans certains barrages la température atteint en été parfois plus 30 °C. C'est énorme ! Vu les surfaces et volumes concernés !
Une Question :
Les Bords de Loire ont été asséchés sur des surfaces énormes, idem sur le Rhone et même la Seine (le VIIème un ancien beau marécage !) et que dire des "Landes" - Quel devrait être les impacts avec votre raisonnement des dizaines de milliers d'hectares asséchés presque partout en France ?
La différence entre les espaces humides dont vous parlez et barrages de montagne c'est l'altitude .
Sachant que l'air se refroidit d'environ 6,5 °C par 1000 mètres d'altitude, un calcul simple permet de comprendre la différence entre un barrage construit à 1000/2000 ou 3000 mètres et une zone humide située à la même altitude que le fleuve. Surtout quand on sait qu'une différence de 1 petit degré, change la neige en pluie qui elle ruisselle et ne conserve pas le froid.
Maintenant je pense aussi que les zones humides ont leur utilité .Puisque ce sont des éponges capables de restituer de l'eau pendant un temps très long et d'accueillir la vie de nombreuses espèces .
Ce phénomène peut être largement amoindri en installant des fermes solaires flottantes sur le lac de retenue. Mais on ne pourra plus y faire de kite-surf.
Oui ! à un moment il faut choisir entre l'utile ou l'agréable ou le nécessaire et le superflu ?Mais il me semble que ce qui caractérisera le plus notre époque, sera d'avoir su prévoir ce qui allait arriver, sans rien changer à notre façon de faire les choses ?
1 mW d eolienne alimente 1000 foyers. Donc 70000 foyers pourraient etre alimente par 5 eoliennes offshores de derniere generation a 15 mW chacune.Chaque eolienne a un cout de 20 millions . Ça fait du 100 millions d euros (installation comprise)
L'ennui c'est que si les exemples de foyers alimentés à 100% par de l'hydraulique sont courants (quand c'est pas un pays entier, cf Norvège... ) les cas du remplacement par de l'éolien seul sont plutôt rare (petites puissance à un cout du kwh prohibitif une fois l'amortissement du stockage inclus).