La transition énergétique allemande prévoit de vastes projets d’interconnexion pour répartir sa production d’énergies renouvelables intermittentes. Or, ces projets ont du mal à passer. Dernier exemple, la Suède. On vous explique pourquoi.

À l’origine, un vaste projet, nommé Hansa PowerBridge. Il désignait une ligne électrique de 300 km qui devait relier l’Allemagne et la Suède au travers de la mer Baltique. Le projet a été promu notamment par 50Hertz, l’un des quatre opérateurs réseau d’Allemagne, issu de l’énergéticien Vattenfall et responsable de l’exploitation du réseau électrique dans l’est du pays.

Le Hansa PowerBridge avait pour objectif d’aider à stabiliser les prix de l’électricité en Allemagne. Outre-Rhin, en effet, les prix sont très variables, du fait de deux facteurs, notamment. En premier lieu, une forte dépendance au prix du gaz, dont nous avons pu observer en direct les conséquences lors de l’envolée de ces derniers à la suite des sanctions prises par l’Union européenne sur le gaz russe. En second lieu, la variabilité de la production des énergies renouvelables, qui conduit à des chutes du prix de l’électricité lorsque les moyens intermittents produisent au même moment. L’idée qui soutenait le projet était de pouvoir compter sur le marché suédois pour stabiliser les prix du réseau allemand.

La technologie envisagée était le HVDC, pour « High Voltage Direct Current », soit en français « courant continu haute tension », technologie permettant d’assurer de pertes faibles de transmission sur la longue distance prévue pour l’interconnexion. La capacité de la ligne était de 700 MW. Le coût, de l’ordre de 600 millions d’euros, était réparti à 50 % / 50 % entre 50Hertz et Svenska Kraftnät, le gestionnaire suédois du réseau.

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Le gouvernement suédois ferme la porte au projet

Dans un communiqué de presse (en suédois) du 14 juin 2024, le gouvernement de Suède déclare avoir décidé de ne pas autoriser le lancement de projet de connexion entre l’Allemagne et la Suède. La raison principale avancée par le gouvernement suédois est l’inadéquation entre les systèmes de production électrique allemands et suédois. Tout d’abord est mis en avant le fait que le projet conduira à connecter le nord de l’Allemagne au sud de la Suède, et que ce dernier est aujourd’hui peu doté en infrastructures de production d’électricité. Ensuite est évoqué le fait que le marché de l’électricité en Allemagne ne « fonctionne pas de manière efficace ». Cette tournure de phrase désigne bien sûr les fortes variations de prix, oscillant entre les prix positifs très élevés et les prix négatifs.

Les craintes de Stockholm résident dans le fait que le marché allemand pourrait participer à la perturbation du marché suédois, conduisant à augmenter les prix locaux. Ebba Busch, ministre de l’Énergie et l’industrie, a ainsi déclaré : « La Suède a besoin de conditions prévisibles pour construire des réseaux de production et de distribution d’électricité qui favorisent un système électrique offrant des prix compétitifs. ». Le communiqué indique que les acteurs de l’énergie en Suède n’ont pas identifié de besoin qui justifierait cette interconnexion. Il ajoute que le sud de la Suède est déjà une des régions d’Europe ayant le plus d’interconnexions avec d’autres régions d’Europe.

La grande difficulté des interconnexions allemandes

Rappelons qu’en mars 2023, le gouvernement de Norvège avait, lui aussi, refusé d’autoriser une telle interconnexion avec l’Allemagne. Cela montre la difficulté que rencontre l’Allemagne avec son Energiwende, c’est-à-dire son modèle de transition énergétique. Ce modèle conduit à des comportements erratiques des prix de l’électricité, et une grande difficulté dans l’équilibrage des capacités de production.

Si une possible solution pour l’Allemagne réside dans l’interconnexion avec les pays voisins, les exemples de la Norvège et de la Suède démontrent que du point de vue de ces mêmes voisins, cela ressemble plus à une « exportation des problèmes » allemands, plutôt qu’à une solution. Et ces problèmes ne vont faire que s’amplifier avec les très vastes projets d’éolien offshore dans la mer du Nord, en l’absence de systèmes de stockage de très grande ampleur associés.