Le concept n’est pas nouveau. En 2016 déjà, un décret permet d’utiliser les Combustibles Solides de Récupération (CSR) pour produire de l’électricité ou de la chaleur. Les nombreux avantages liés aux déchets industriels sont bien connus, mais la filière tarde pourtant à se développer. Depuis juin dernier, il semble que la France veuille donner aux CSR un nouvel essor : 14 projets pourraient voir le jour sur tout le territoire.
Également appelés combustibles dérivés des déchets (CDD), les CSR sont fabriqués à partir des refus de tri de déchets solides, et se présentent sous la forme de granulés, de poudre ou de flocons issus du broyage et du compactage des déchets non recyclables.
Leur avantage principal est qu’ils ont un haut pouvoir calorifique, et peuvent dès lors être utilisés comme source d’énergie en remplacement des combustibles fossiles. La réglementation interdisant l’enfouissement de ces déchets ultimes, et leur incinération étant difficile faute de capacités, les CSR sont, pour l’heure, le seul moyen d’éliminer des déchets non recyclables, notamment certains plastiques.
Le 5 octobre 2017 a marqué le démarrage de la filière lorsque le Groupe Séché Environnement, spécialisé dans la valorisation et le traitement des déchets, inaugura la toute première chaudière française dédiée à la valorisation thermique des Combustibles Solides de Récupération sur son site de Changé (53). Depuis cette date, l’installation innovante, qui consomme 16.000 tonnes de CSR par an, chauffe de l’eau à 117 degrés pour alimenter le réseau de chaleur de Laval, et fournir du chauffage à 6.400 ménages ainsi qu’à des équipements publics de la ville. En période estivale, la chaleur produite est utilisée pour la déshydratation des fourrages de la coopérative Deshyouest, installée à proximité de la chaudière.
Avantages écologiques et circuit court
Avec un taux moyen de 50% d’éléments biogènes[i] (bois, carton…) et un taux d’émission de CO2 proche de celui du gaz, les CSR permettent de réduire sensiblement les émissions de CO2 d’une chaudière au charbon. Mais attention : il n’y a d’avantage environnemental que si les fumées sont strictement traitées par des dispositifs de dépollution efficaces.
Les projets actuellement à l’étude pourraient permettre d’économiser jusqu’à 350.000 tonnes de CO2 par année, et d’éviter un import d’énergie équivalent à plus d’1,8 million de barils de pétrole. Avec l’énergie récupérée des déchets, il sera possible de chauffer une ville de 1,2 millions d’habitants, équivalent à la somme des réseaux de chaleur de Lyon, Grenoble et Toulouse.
De plus, grâce à des normes strictes concernant l’origine locale des déchets, ceux-ci contribuent efficacement à la mise en place d’une économie circulaire.
Les projets sortent de terre
En juin dernier, le Comité Stratégique de la filière « Transformation et Valorisation des Déchets » a annoncé les résultats d’un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI). Grâce à celui-ci, quatorze projets répartis sur tout le territoire sont sur les rails et vont contribuer à l’émergence d’une véritable filière industrielle pour les CSR.
Suez a déjà dans ses cartons une dizaine de projets pour l’agrochimie, la chimie, la papeterie et l’agroalimentaire. Paprec, autre spécialiste du traitement des déchets, travaille sur trois projets de chaufferie pour le secteur papetier et des industriels de la construction. Mais on note également un regain d’intérêt pour les CSR chez les cimentiers, qui cherchent à diminuer leur empreinte CO2.
En Meurthe-et-Moselle, Solvay et Veolia ont annoncé le 23 janvier dernier la création de la coentreprise Dombasle Energie. L’entreprise exploitera une installation de cogénération de 180 mégawatts (MW) thermiques et 17,5 MW électriques, alimentée exclusivement en combustibles solides de récupération sur le site Solvay de Dombasle-sur-Meurthe. Cette chaudière de 180 millions d’euros, qui consommera 350.000 tonnes de CSR par an, remplacera trois chaufferies au charbon. Sa mise en service est prévue pour la fin 2022.
Il reste à trouver des industriels qui ont besoin de chaleur tout au long de l’année, par exemple un chimiste ou un papetier.
Et en Europe ?
Près de la moitié des CSR produits et consommés en Europe le sont en Allemagne. Alors que l’Europe produit entre 18 et 20 millions de tonnes de CSR, la production de l’Allemagne s’élève à 8,7 millions de tonnes.
Dans plusieurs pays, les déchets utilisés pour produire des CSR sont des ordures ménagères. C’est le cas de la Grande-Bretagne, de l’Autriche, de l’Italie et de la Finlande. La France a une production qui provient exclusivement de déchets d’activités économiques (DAE). Quant à l’Allemagne, elle recourt aux deux catégories pour répondre à ses besoins en CSR.
Pour l’instant, seules 300 à 400.000 tonnes sont valorisées par an en France, alors que le gouvernement s’est fixé un objectif de 3 millions de tonnes à l’horizon 2025. La filière n’a donc pas fini de faire parler d’elle.
[i] Biogène : relatif à ce qui est produit par les êtres vivants
Vous avez oublié un chiffre il me semble, c’est le prix du kWh. Le plus gros problème, comme vous l’avez dit, c’est de bien filtrer la fumée. Y a t-il encore des déchets de déchets ?
En cimenterie, l’on recycle assez facilement les pneus usagés. mais, ces derniers seraient mille fois plus polluants avec leurs usures (fines particules laissées sur les routes) que la pollution des gaz d’échappement ! La solution serait-elle même de passer à des plastiques biodégradables, car une fois ceux-ci également en os poumons, quelle en serait les conséquences ? Faut-il généraliser les drones autonomes, légers pour acheminer nos courses alimentaires directement des supermarchés, au lieu de s’y rendre en véhicules lourds et polluants…? L’autre solution serait des petits hyperloop de marchandises magnétiques ou pneumatiques entre centres d’approvisionnement et local d’accueil en villages… Lire plus »