Le 21 avril dernier, le gouvernement français adoptait la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) pour 2023-2028. Le décret prévoit des objectifs ambitieux, notamment celui de multiplier par 2,5 les capacités de production éolienne d’ici 2028. Problème : les contraintes aéronautiques trop nombreuses compromettent sérieusement l’atteinte de ces objectifs.
France Energie Eolienne (FEE), la fédération du secteur éolien français, a publié récemment l’Observatoire de l’éolien 2020. Il y apparaît que la filière arbore de belles couleurs et affiche des résultats positifs. En 2019, sa production s’est hissée à 34,1 térawatts-heure (TWh), en hausse de 22,7%. Cette performance est le fruit de la conjonction de trois facteurs : une année plus venteuse que d’habitude, une capacité installée accrue de 1.336 mégawatts (MW), et un meilleur facteur de charge[1] technique, résultat d’une technologie qui évolue.
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La puissance totale installée s’est élevée à 16.600 MW en 2019 (+8,75%), ce qui permet de couvrir les besoins en électricité de sept millions de ménages.
Désormais, la France peut se targuer de voir ses éoliennes couvrir 6,3% de sa production d’électricité. Elle est toutefois encore loin du Danemark, où le vent assurera fin 2020 près de 50% de la production électrique.
La filière est le premier employeur dans le secteur des énergies renouvelables
La bonne santé de la filière éolienne a créé l’année dernière plus de 2.000 postes de travail. Leur nombre total s’est élevé à 20.200 à la fin 2019. Des collectivités et des coopératives citoyennes sont notamment engagées dans des projets aux quatre coins de l’Hexagone. D’ici 2028, l’éolien devrait générer près de 50.000 emplois en France, notamment grâce à la concrétisation des parcs éoliens en mer qui entreront en service entre 2022 et 2024.
La construction prochaine des parcs offshore de Saint-Nazaire, de Fécamp et de Saint-Brieuc contribuera par exemple à dynamiser le marché de l’emploi en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France.
Mais les objectifs visés sont élevés : la PPE prévoit le lancement, chaque année, d’un appel d’offres pour 1.000 MW d’éoliennes offshore et un doublement de la capacité installée d’ici 2028 pour l’éolien terrestre. Ce deuxième objectif nécessitera l’ajout d’environ 6.500 machines aux 8.000 existantes, et le maintien d’un rythme de 1.300 MW supplémentaires par an en moyenne.
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Des contraintes à lever d’urgence
Toutefois, cet objectif ambitieux ne pourra être atteint qu’à la condition de supprimer certains obstacles structurels. Il devient en effet urgent de résoudre le problème des contraintes aéronautiques. Pour Nicolas Wolff, le président de FEE, les territoires interdits aux éoliennes sont trop vastes. L’atteinte des objectifs de la PPE et l’harmonisation du développement éolien sur le territoire français passent inéluctablement par la libération d’espaces. « Nous attendons du gouvernement la mise en cohérence des objectifs de la PPE avec les problématiques de libération d’espaces. Aujourd’hui 47% du territoire national sont interdits à l’éolien. L’urgence est donc à la cohérence entre objectifs et moyens mis en œuvre pour les atteindre » déclare M. Wolff.
FEE réclame une concertation interministérielle pour assouplir les normes, et tester sans attendre de nouvelles technologies qui permettent de filtrer les échos radar générés par les éoliennes.
La France n’est pas la seule à faire face aux contraintes aéronautiques : la Belgique voisine doit surmonter les mêmes difficultés pour assurer son développement éolien. Côté wallon, Fawaz Al Bitar, directeur de la Fédération Edora[2], a réussi à négocier avec l’armée la libération de quelques poches dans les domaines militaires. Mais lorsqu’on additionne les zones d’entraînement pour les hélicoptères de l’armée, celles qui sont réservées à la navigation aérienne à basse altitude ou aux exercices de parachutage, et les zones d’approche radar, force est de constater que les surfaces interdites aux éoliennes sont encore très étendues sur le territoire wallon.
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Une industrie résiliente
En France, la production d’électricité renouvelable a été importante pendant toute la période de la crise sanitaire, avec un taux de couverture moyen de 8,8% pendant le premier semestre, et même de 31% en mai. FEE rappelle que le secteur éolien a pu démontrer non seulement sa capacité de résilience en assurant la continuité de sa production, mais également le rôle primordial qu’il joue pour assurer la sécurité d’approvisionnement du pays, sans oublier son impact positif sur le climat.
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Entre opposition croissante et réchauffement climatique
Le développement éolien en France sera tout sauf un long fleuve tranquille. Poussé par le réchauffement climatique et l’urgence de réduire nos émissions de dioxyde de carbone, la filière éolienne aura toutefois besoin de l’acceptation des communautés locales pour continuer à croître.
Le défi n’est pas mince. Il faudra convaincre les citoyens de la nécessité de faire leur part d’effort, alors que des associations de riverains de plus en plus nombreuses sont vent debout contre la multiplication des machines en les accusant de transformer le paysage et de porter atteinte au patrimoine. « Le consensus autour de l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays », affirmait le président Emmanuel Macron en janvier dernier à Pau.
L’éolien a pourtant plusieurs atouts dans sa manche. Son impact environnemental se réduit grâce aux avancées technologiques, notamment en matière de protection des oiseaux et des chauves-souris, et la préservation de la qualité de vie des riverains fait l’objet de nombreuses attentions.
Mais l’évolution vers des mâts plus hauts et des rotors plus grands augmente l’impact visuel des éoliennes et rend leur acceptation plus difficile.
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[1] Le facteur de charge correspond au rapport entre l’énergie effectivement produite durant un laps de temps donné et l’énergie qu’elle aurait pu générer à sa puissance nominale pendant la même période.
[2] Fédération des énergies renouvelables en Wallonie
Commentaires
Le mensonge de la création d'emploi, je devrais relativiser parce que s'il y a créations d'emplois ce n'est pas en France puisque la production des éoliennes est massivement chinoise et en Allemagne pour l'Europe. Quant à la construction elle est assurée et réalisée par des travailleurs Polonais, Roumains....
C'est faux. D'abord les éoliennes installées en Europe ne sont pas chinoises. Elles sont quasi toutes fabriquées par des constructeurs européens. Il y a en France plusieurs usines qui fabriquent des éléments pour éoliennes. Notamment l'usine de pales d'éoliennes de Cherbourg et celle de nacelles et de turbines à Montoir-de-Bretagne. D'autres composants (câbles électriques, systèmes électroniques, etc.) sont aussi fabriqués par des usines françaises. Quant aux travaux sur sites ils sont entrepris par des entreprises et de la main d'œuvre locales (terrassements, aménagement des plateformes, pose des câbles, construction de la cabine de tête, réalisation des fondations, etc.). Les grues utilisées pour le montage sont fournies par des entreprises locales (elles ne viennent pas de Chine ni même d'Allemagne). Le béton est aussi fabriqué par des centrales à béton locales, ... Et puis surtout, le suivi et le pilotage journalier du parc, de même que l'entretien et la maintenance des éoliennes sont évidemment effectués par de la main d'oeuvre locale. EDF a même créé une filiale spécialisée dans ces opérations. Dans le domaine des éoliennes flottantes en pleine expansion, la France possède même des leaders mondiaux avec Ideol, spécialiste des fondations flottantes, Naval Energies et l'Ifremer, Bourbon Subsea Services, société basée à Marseille, spécialiste du remorquage, etc.
Ne venez donc pas parler de mensonge quand vous-même propagez de fausses informations. Et puis je trouve que votre commentaire a des relents de nationalisme nauséabond qui ne sont plus de ce temps. Nous ne sommes heureusement plus dans les années 1930 et aujourd'hui le marché est européen, pour les éoliennes comme pour tout le reste.
J'habite dans les Alpes. Il y a des crêtes où les éoliennes seraient performantes. Il y a des vallées inhabitées qui pourraient retenir de l'eau pour alimenter des centrales hydrauliques. Mais lorsque je discute avec des habitants ou avec des élus, ils sont scandalisés par mes propositions. Esthétique et traditions, s’exclament-ils, me trouvant scandaleux.
Tout ça pour 1% des GAS...
Ah oui,le véritable but c'est que, la fin de l'énergie abondante et bon marché, après avoir enrichi le green business, permettra ensuite de mettre fin au système économique actuel pour nous plonger dans les délices de l'utopie...
« En France, la production d’électricité renouvelable a été importante pendant toute la période de la crise sanitaire, avec un taux de couverture moyen de 8,8% pendant le premier semestre, et même de 31% en mai. FEE rappelle que le secteur éolien a pu démontrer non seulement sa capacité de résilience en assurant la continuité de sa production, mais également le rôle primordial qu’il joue pour assurer la sécurité d’approvisionnement du pays, sans oublier son impact positif sur le climat »
On peut le vendre comme le fait l’auteur de l’article ou alors on peut dire que l’éolien n’étant soumis quasiment à aucun mécanisme de marché, il n’a pas fait sa part du boulot en continuant à produire le maximum possible y compris pendant les épisodes de prix négatifs sur le marché spot où le système électrique était trop long. Ce point couplé au fait que les éoliennes ne participent pas aux services systèmes pour le réseau, on pourrait aussi dire que de nouvelles contraintes doivent s’appliquer à la filière car elle n’est plus négligeable et doit donc prendre sa part a l’équilibrage du système
Benoit,
effectivement, l'éolien, en France, est très peu soumis au curtailment, consistant à mettre à l'arrêt certains moyens de production (en particulier renouvelables) en cas de surproduction.
Concernant la période du confinement, je dois dire que le fait que l'éolien et ses 7% de production à l'année d'électricité totalement décarbonée, n'ai pas été mis à l'arrêt ne me choque pas outre mesure...
En revanche, constater que l'on continuait à utiliser massivement le gaz dans ces mêmes périodes m'a d'abord surpris, avant que je ne m'aperçoive que c'est en fait du à la cogénération gaz qui produit en base sans se soucier le moins du monde des contrainte de réseau et de marché, alors même que le gaz est l'exemple même de l'énergie parfaitement pilotable (on pourrait même envisager d'utiliser l'énergie excédentaire dans le réseau pour produire la chaleur que ne produit plus le moteur gaz pendant les périodes de surproduction).
En bref, on fait souvent porter la responsabilité des épisodes de prix négatifs aux énergies renouvelables intermittentes, alors que dans une très large proportion ces épisodes sont dus à une trop faible flexibilité des moyens de production thermique (charbon ou CCG gaz que les producteurs préfèrent laisser tourner pour éviter d'avoir à la relancer plus tard, vu que leur capacité à faire varier rapidement leur production est faible et que souvent les investissements qui leur aurait permis de devenir plus réactives n'ont pas été faits, cogé gaz pour laquelle aucun "signal" réseau n'est transmis aux producteurs...).
Obliger aujourd'hui les producteurs de solaire et d'éolien à s'effacer du réseau pour faire plus de place aux centrales thermiques me semblerait en l'état passer un message assez gênant !
Les cogenerations sont par nature de la production opportuniste: la chaleur produite a d’autres finalités industrielles et le gaz serait consommé de toute façon. Les soumettre au signal prix semble néanmoins effectivement intéressant. Les charbons n’étaient pas démarrés pendant le confinement pas plus que les CCG pendant les périodes de creux (ces usines démarrent et s’arrêtent régulièrement et offrent globalement de la souplesse). Il ne s’agit pas d’arrêter des nouvelles EnR (par opposition à l’hydraulique) pour laisser de la place au thermique mais bien de dire qu’il est illusoire de penser qu’on peut injecter à n’importe quelle heure du jour et de la nuit sans tenir compte de la demande d’une part et des congestions réseau d’autre part. Si la filière veut effectivement être un acteur majeur, elle ne peut plus être hors tout mécanisme d’équilibrage du système. L’exemple espagnol est intéressant à ce titre : 2x plus de puissance installée, des mécanismes qui conduisent à l’arrêt lorsque les prix sont trop bas et en plus l’obligation d’offrir le disponible au GRT pour la majorité de la filière, sachant que les contraintes physiques sur les machines en font un levier très souple (s’arrêtent et redémarrent très rapidement ). L’arrêt des filières thermiques pilotables (fuel déjà réalisée et charbon à venir) ne peut pas être compensé par une filière qui ne prend pas sa part à l’équilibre du système
Benoit,
votre vision de la cogénération me semble un peu idéale...
En réalité la cogénération c'est autours de 34% de rendement électrique, une efficacité globale quand on y ajoute la part thermique, autour de 80% PCI, et un fonctionnement en base, soit à l'année sur certains sites industriels ayant des besoins de chaleur à l'année, soit du 1er novembre au 31 mars pour les cogénérations avec le tarif hiver...
En pratique on a un peu plus de 500 MW électriques de cogé gaz sur la période estivale et un peu plus de 2GW sur l'hiver (voir sur Eco2mix, prod par filière, détail gaz), nuits et jours, y compris les WE.
Hors, l'alternative à ces cogénérations, si on reste sur du 100% gaz, c'est cycle combiné gaz pour l'électricité (~58% PCI), et chaudière à condensation pour la chaleur (~105% PCI)
Si on considère une cogé d'un MW électrique, elle va produire autours de 1,35 MW thermiques.
Pour ce faire elle consommera 2.94 MWh PCI de gaz par heure.
La CCG gaz consommerait 1,72 MWh PCI pour produire un MWh électrique.
la chaudière à condensation consommerait 1,28 MWh PCI pour produire les 1.35 MWh de chaleur.
Soit un total de 3 MWh pour une production équivalente à la cogé.
Au final un gain énergétique négligeable en faveur de la cogénération (~2%...) au prix d'un subventionnement massif, et d'une perte de flexibilité tant du coté électrique que thermique.
Il est aujourd'hui plus que nécessaire de mettre fin à ce mécanisme de soutien à la cogénération gaz qui est le fruit de l'intense lobbying de Dalkia et consorts, et de le remplacer par un dispositif répondant aux contraintes réseau, voir une suppression pure et simple du soutien à la cogé.
A une période ou l'état envisage de remettre en cause sa parole sur le mécanisme de soutien au photovoltaïque, la persistance du tarif cogénération sonne encore plus comme un anachronisme.
Effectivement ma connaissance des cogenerations est très limitée, ça ne me semble pas être un sujet majeur ou d’avenir de toute façon vu le volume dont on parle. Ce ne sont pas les 2 GW en bande l’hiver qui font les prix négatifs (même si ça n’aide pas). On parle beaucoup du manque de pilotabilite des EnR sous prétexte de leur intermittence, le vrai problème est leur manque de pilotabilite « réglementaire », elles ont de la souplesse à offrir (et à valoriser) pour le système à la baisse qui n’est pas possible pour celles sous obligation d’achat et pas (encore j’espère) mise en œuvre pour celles sous complément de rémunération