EDF n’a pas convaincu le gendarme du nucléaire français de l’intérêt de l’EPR 2. L’ASN apporte en effet un soutien inattendu au SMR[1] français. Un demi siècle après sa défaite, l’ex-Commissariat à l’énergie atomique (CEA) va-t-il prendre sa revanche nucléaire ? Rien n’est encore fait. Mais le ciel s’assombrit au-dessus de l’avenir atomique d’EDF.
Petit bond en arrière. A la fin des années 1960, la France dispose de cinq filières de réacteurs nucléaires : eau lourde, uranium naturel graphite gaz, neutrons rapides, eau bouillante, eau pressurisée (REP). Développées dans l’Hexagone, les trois premières technologies sont portées par le CEA. L’eau bouillante est l’apanage de General Electric, partenaire de la Compagnie générale d’électricité et d’Alsthom. Conçue par l’américaine Westinghouse, la filière REP a les faveurs d’EDF.
58 réacteurs en 24 ans
Le président Pompidou se range à l’avis de l’électricien national. Le 6 mars 1974, son premier ministre, Pierre Messmer, annonce la construction de 13 REP. Ce n’est qu’un début ! Entre 1978 et 2002, 58 tranches de 900 MW, 1300 et 1450 MW sont mises en service. Le CEA fera une percée « surgénératrice » en obtenant la commande de Phénix et Superphénix, deux réacteurs à neutrons rapides (RNR). Prometteuse (les RNR peuvent consommer une partie des déchets du parc nucléaire), la filière est définitivement abandonnée en 2009.
De Fessenheim 1, tête de série du programme Messmer, à l’EPR de Flamanville, toujours en travaux, tous les réacteurs tricolores sont les descendants de la tranche expérimentale de Shippingport, mise en service sur l’Ohio en 1957. Une filiation appelée à se poursuivre. Pour compenser la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035, EDF propose de construire six tranches de l’EPR 2. Il s’agit d’une version allégée de l’EPR de Flamanville, moins complexe et moins coûteuse. Ce qui ne devrait pas être difficile. 15 ans après les premiers bétons, la troisième tranche de la centrale cotentinoise devrait coûter 19 milliards d’euros, selon la Cour des comptes.
Périlleuse inflation
Initialement, EDF espérait limiter à 5 milliards le coût unitaire d’un EPR de nouvelle génération. Le montant du devis frôle désormais les 8 milliards. Cette inflation ne favorisera pas son acceptation par le public. L’entreprise compte, en effet, faire payer aux consommateurs (comme c’est le cas au Royaume-Uni pour les deux EPR de Hinkley Point C) une partie de la facture. Ce n’est pas gagné. La Commission européenne devra confirmer que ce partage des risques financiers est conforme aux règles encadrant les aides d’Etat.
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Autre écueil : la sûreté. Le 7 avril, devant la commission des affaires économiques du sénat, le président de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) n’a pas masqué la piètre estime en laquelle il tient l’EPR 2. Lors de son audition, Bernard Doroszczuk, a notamment rappelé que l’EPR 2 ne disposerait que d’une seule enceinte, contre deux pour celui de Flamanville.
Exclusion de rupture
Le gendarme en chef du nucléaire français s’inquiète aussi de l’option « d’exclusion de rupture » prise par EDF pour concevoir son prochain réacteur. Pour un industriel, l’exclusion de rupture consiste à prendre de très importantes marges de sécurité au moment de la conception, à s’assurer d’une réalisation parfaite et à surveiller attentivement les points sensibles. Engagée sur les circuits primaire et secondaire d’un réacteur, cette démarche permet de limiter les études de sûreté. Un appréciable gain de temps et donc d’argent pour le concepteur.
Mais cela ne marche pas à tous les coups. Lors de la construction de l’EPR de Flamanville, la qualité attendue des travaux n’a pas été au rendez-vous, notamment pour le circuit secondaire. Ce qui oblige EDF à refaire une centaine de soudures : un travail complexe qu’il a fallu confier à des professionnels venus de l’étranger. Et à un robot made by … Westinghouse.
Voilà deux ans qu’EDF veut convaincre l’ASN qu’elle peut réussir la démarche d’exclusion de rupture sur l’EPR 2, là où elle a échoué sur l’EPR 1. Sans résultat pour l’instant. Or, il y a urgence. L’opérateur historique souhaite lancer son programme EPR 2 en 2022.
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Un calendrier tenable ? Rien n’est moins sûr. Car le président de l’ASN n’a pas masqué l’intérêt qu’il porte au projet de petit réacteur modulaire (SMR). « Les SMR présentent potentiellement des avancées très significatives en terme de sûreté. Ce n’est pas le cas de l‘EPR 2. Un SMR pourrait aller beaucoup plus loin. Le risque de fusion du cœur est exclu. Pas de risque de rejet de produit radioactif à l’extérieur. S’il y a un choix de nouveau nucléaire à faire par le gouvernement, c’est certainement une option qu’il faut regarder. Il présente des avantages en terme de sûreté supérieurs à ceux que l’EPR 2 peut aujourd’hui offrir », a indiqué Bernard Doroszczuk devant des sénateurs médusés.
Porté par le CEA, l’une de ses anciennes filiales (Technicatome), Naval Group et par EDF, le projet Nuward vise à transformer des réacteurs de sous-marins en tranches électrogènes. Avantage : la petite taille de la machine permet de la fabriquer en usine. D’où un potentiel gain de temps et de qualité d’usinage déjà vanté par ses concepteurs. N’existant que sur le papier (avant-projet sommaire), le SMR français présente comme autre intérêt d’être, en partie, « enterrable » : de quoi réduire sa vulnérabilité aux chutes d’avion commerciaux.
Conçu pour le marché international, Nuward pourrait néanmoins constituer un challenger à l’EPR 2 sur le marché hexagonal. A condition de réduire ses coûts. Pour le moment, ses concepteurs assurent que le prix du MWh produit par le SMR tournera autour de 120 €. C’est 50% de plus que l’EPR 2. Si celui-ci voit le jour.
À lire aussi Nucléaire : Rolls Royce projette la construction de 16 nouveaux réacteurs SMR[1] SMR : les petits réacteurs modulaires (en anglais : Small Modular Reactors) sont une catégorie de réacteurs nucléaires de taille et puissance plus faibles que celles des réacteurs conventionnels, fabriqués en usine et transportés sur leur site d’implantation pour y être installés.
Le nucléaire a toujours été un sujet passionnel générant une opposition entre partisans et opposants. Cette opposition empêche une part conséquente de la population de rejoindre la cause environnementale. Les Français n’y connaissent rien: 80% d’entre eux croient que le nucléaire contribue au réchauffement climatique alors que c’est le contraire. Une manière de classer les énergies en fonction de leur nuisance environnementale: classe 1: les renouvelables (ou plutôt un système complet à base d’ENR) classe 2: le nucléaire classe 3: le gaz (énergie de transition servant de back-up) classe 4: le charbon et le pétrole (à éliminer le plus tôt… Lire plus »
L’avenir du nucléaire dépendra sans doute des résultats des réacteurs de 4ème génération en matière de coût et de sureté. L’Histoire s’écrira sans doute en grande partie en Chine.
La filière actuelle est très limitée par les réserves en uranium facilement exploitables.
Il est possible que, dans 30 ans, de nouveaux réacteurs nucléaires viennent remplacer les éoliennes, PV, batteries et centrales à biomasse dans certains pays, ou que ce soit tout le contraire.
Le Royaume-Uni semble vouloir miser en grande partie sur les SMR avec suivi de charge pour compenser les fluctuations de l’éolien offshore.
Si un SMR fonctionne avec un facteur de charge de 40%, est-ce que cela est susceptible de doubler sa durée de vie ?
Le SMR sur le camion: on dirait un classique bidon de lait!
SMR: submarine reactor?
Je pensais que le SMR était forcément immergé, un générateur offshore finalement, ce qui favorise le refroidissement et le rend totalement invisible. Et ce qui est invisible ne va pas émouvoir les foules de râleurs!
SMR = Small Modular Reactor
(c’est écrit dans les sources de l’article en bas de page).
Et sans avoir besoin de l’immergé, rien que de faire une centrale au bord de la mer cela évite d’avoir à construire des tours aéroréfrigérantes, et du coup personne ne remarque que c’est une centrale nucléaire 😉
C’est bien le cas une tentative de civiliser un appareil militaire hors de prix ce qui ne compte pas quand il s’agit d’armement mais qui importe dans le onde civil.
C’est moche de tirer sur une ambulance….
Ce n’est pas en se voilant la face que l’on fera avancer le problème. Il y a déjà longtemps que l’ambulance n’est pl’us qu’un corbillard