Berlin, novembre 2013 : manifestation en faveur de la transition énergétique.
Après la catastrophe de Fukushima en 2011, l’Allemagne a décrété la sortie du nucléaire et décidé de développer fortement les énergies renouvelables. Une décision fort critiquée, principalement en France, championne du monde du nucléaire. Nos voisins germains sont accusés d’accroître leur consommation de charbon, ce qui entraînerait une augmentation de leurs émissions de CO2. Un mythe qui a toujours la vie dure …
Lorsqu’il est question du développement des énergies vertes ou d’abandon progressif de l’énergie nucléaire, les partisans de celle-ci ou les adversaires des renouvelables (souvent les mêmes personnes) pointent invariablement l’exemple de l’Allemagne. Comme nous le savons, nos voisins ont décidé en 2011 de sortir du nucléaire et développent fortement les énergies renouvelables.
Selon la rumeur répandue avec persistance en France, cette politique aurait des conséquences catastrophiques pour la lutte contre les changements climatiques. Certains partisans du nucléaire et opposants aux énergies vertes soutiennent mordicus que « l’Energiewende » (virage ou transition énergétique) décidé outre-Rhin entraîne un recours accru au charbon et une augmentation des émissions de CO₂. En réalité, rien n’est plus faux.
Pour s’en convaincre, il suffit de consulter ce graphique posté récemment sur Twitter par Paul Neau de l’Association négaWatt.
Nous constatons qu’en 2011 la production d’électricité des centrales au charbon (courbe noire) était environ égale à 110 TWh, à peu près au même niveau que celle des réacteurs nucléaires (courbe violette). 8 ans plus tard, la fermeture de plusieurs centrales atomiques allemandes a provoqué une chute d’environ 1/3 de la production électrique nucléaire qui a régressé en 2019 à 75,2 TWh. Pendant la même période les centrales au charbon n’ont certainement pas accru leur production : au contraire, elle a dégringolé de presque 50% en chutant à 56,9 TWh.
Pendant ce temps, le lignite, cette autre énergie fossile très polluante (courbe brune), n’a pas pris le relais non plus, puisque d’une production de 150 TWh en 2011, ces centrales n’ont plus injecté sur le réseau allemand que 114 TWh en 2019. Quant aux centrales au gaz (courbe grise), leur production est restée au même niveau d’environ 91 TWh.
Forte progression des renouvelables
Au total, la sortie du nucléaire en Allemagne s’est accompagnée jusqu’ici d’une forte régression des énergies fossiles responsables des émissions de CO₂. Du moins pour ce qui concerne la production d’électricité : leur part cumulée dans le mix électrique allemand ayant chuté de 89 TWh pour une diminution de 35 TWh du nucléaire.
Les énergies renouvelables sont les seules qui ont fortement progressé pendant ce temps (courbe jaune). En passant de 120 TWh en 2011 à plus de 242 TWh en 2019 elles ont plus que doublé leur part dans le mix électrique. Devenant, et de loin, la technologie de production d’électricité la plus importante avec 40% de part de marché.
Cette démonstration magistrale anéantit en même temps l’argument selon lequel la progression des énergies variables comme le solaire et l’éolien nécessiterait la mise en services de nouvelles centrales « pilotables » au charbon ou au gaz.
Vers une double sortie
Évidemment, les émissions allemandes de gaz à effet de serre sont encore plus élevées que celles de la plupart des autres pays européens, mais ce n’est pas la forte progression des renouvelables qui est en cause.
Il y a plus d’un siècle, les Allemands ont misé principalement sur leurs mines de charbon et surtout de lignite pour leur production d’électricité. À l’époque, il n’était évidemment pas question de changements climatiques. Ils ont développé tout un savoir-faire et une industrie performante dans ce domaine. Il est quand même compréhensible qu’ils ne puissent pas démanteler complètement cette filière en moins de 10 ans.
Cela se fait progressivement et plusieurs étapes ont déjà été franchies : fin 2018, la dernière mine de charbon allemande a été fermée. Certes, du charbon (moins cher) est encore importé, notamment des États-Unis, de Pologne et d’Australie et il reste toujours des mines de lignite à ciel ouvert. Mais sous la pression de son opinion publique, le gouvernement d’Angela Merkel a fait voter en juillet dernier la loi visant à sortir le pays du charbon (la Kohleverstromungsbeendigungsgesetz).
Le calendrier est fixé et je ne doute à aucun moment que nos voisins avec leur légendaire efficacité réussiront leur objectif de sortir en même temps du nucléaire et du charbon. Un exemple à suivre par tous les États.
Commentaires
Le problème est qu'en France pour justifier ce que l'on fait c'est que l'on accuse les autres de faire pire ou oubliant ce qu'ils font de mieux. Les écologistes allemands s'occupent d'écologie et ont fait bouger les choses dans ce domaine. En France, un écologiste ne va rien faire contre le nucléaire, le diesel, la pollution, les conseils pour la transition énergétique et écologique, il va s'allier à la nupes pour critiquer, hurler mais ne va pas s'occuper d'écologie, les vrais écologistes ont disparu il y a plus de 20 ans.
Comment osez vous écrire que la dernière mine de charbon allemande a été fermée en 2018 quand, en 2023, les mines de Hambach et Garzweiler tournent encore à pleins régime et doivent être ouverte jusque minimum 2028 ?!?
Bonjour, Hambach et Garzweiler sont des mines de lignite, pas de houille (le charbon à proprement parler), c'est d'ailleurs précisé dans le paragraphe.
La France reste le seul pays Européen à miser sur le nucléaire. De 2 choses l'une, soit nos amis Européens sont des crétins soit ... Quand on reste les seules, il faut se poser les bonnes questions. Et le coût de l'installation du renouvelable dans le temps est une misère en rapport à notre nucléaire qu'il faudra surveiller en permanence et sans aucune production d'énergie. Et en effet on achète de l'électricité verte en période de pics et on en vend de moins en moins. Rien n'est figé dans ce monde mon pauvre max, sauf les indécrottables pro-nucléaires.
Je vois dans vos chiffres de production électrique
autres 20 TWh
nucléaire 75
renouvelables 242,6
producteur CO2 267,4
La plus grosse production en Allemagne, c'est bien du CO2
Désolé de démonter l'argumentaire partisan de M. Deboyser, mais il y va un peu fort.
Rappelons-lui pour commencer que les émissions allemandes de CO2 du 1er semestre 2021 ont augmenté de plus de 25 % par rapport à la même période de 2020 ! (https://www.transitionsenergies.com/emissions-electricite-augmente-25-pourcent-allemagne-au-premier-semestre-faute-de-vent/)
Ensuite sa formation scientifique devrait lui permettre de comprendre que l'Allemagne "mange son pain blanc" en augmentant considérablement la production intermittente éolienne, ce qui lui permet de réduire d'autant la production nucléaire ET fossile, ce qui est facile AU DEBUT, ces deux énergies étant pilotables et donc adaptables au rythme intermittent de production éolienne.
Il n'en reste pas moins que les centrales fossiles (lignite, charbon et gaz) allemandes continuent à émettre des quantités impressionnantes de CO2, même en faible diminution.
La prochaine étape de l'Energiewende est la substitution du charbon par du gaz (Russe !) ce qui devrait mécaniquement réduire encore ces émissions (le gaz émet environ deux fois moins de CO2 par kWh produit).
Mais au delà du coût astronomique payé par les consommateurs pour la construction des éoliennes et bientôt pour le gaz russe, cette stratégie va se heurter à un mur : en effet la stabilité du réseau d'électricité empêche de dépasser 40 % EN MOYENNE (ou en énergie) de sources intermittentes, ce qui laisse le choix grosso modo entre 60 % de nucléaire ou 60 % de gaz : les Allemands ont choisi le gaz, leurs émissions ne vont donc plus pouvoir décroître et ce pays restera l'un des deux plus gros pollueurs de l'UE avec la Pologne.
Le plus risible, c'est que ce pays a encore rapproché les échéances auxquelles il ambitionne d'atteindre la "neutralité carbone" (2045) : il n'y arrivera pas, sauf évidemment miracle technologique hautement improbable (mais souhaitable tout de même pour le bien de la planète).
Qu'on se le dise : notre voisin a fait le choix de sacrifier la lutte contre le dérèglement climatique pour préserver son hégémonie économique autant que pour protéger l'idéologie antinucléaire qui affecte malheureusement une bonne part de son peuple. Et le comble est que leur dirigeante Merkel, physicienne, est une pro-nucléaire ! Mais elle a fait le choix d'en sortir pour éviter de perdre le pouvoir politique (ceux qui n'en sont pas persuadés en trouveront la preuve sur le net, ou liront le dernier livre de M. Proglio).