Illustration : Rcphotostock, modifiée par RE.
Il est particulièrement difficile et coûteux de produire de l’hydrogène vert à partir de sources d’électricité renouvelables. Si bien que cette technique n’a pas encore été massivement mise en œuvre. Mais un projet en Espagne veut renverser la table, avec une nouvelle approche.
La production d’hydrogène vert à partir de sources d’électricité renouvelables met principalement en œuvre aujourd’hui l’électrolyse de l’eau, et ce procédé se heurte à de nombreuses difficultés. D’abord, l’opération consomme de grandes quantités d’énergie, de l’ordre de 50 kWh/kg d’hydrogène. De plus, les moyens de production d’électricité renouvelables, comme les centrales photovoltaïques et éoliennes, sont intermittents. Cela n’est pas sans conséquence. En effet, si l’on connecte directement un électrolyseur à une source d’énergie intermittente, cela implique que le fonctionnement de l’électrolyseur sera lui aussi intermittent, avec un niveau de puissance variable.
Cette intermittence de la production de l’électrolyseur affecte directement ses coûts de production : il ne pourra pas être utilisé en permanence au maximum de sa puissance. Cela se traduit par un taux de charge faible, une production plus faible pour un niveau de puissance donné, et donc une plus grande difficulté à rentabiliser son investissement. De plus, ce mode de fonctionnement à puissance variable ne ménage pas le matériel, lequel peut s’user plus rapidement. Et c’est précisément ce qui s’est passé dans le plus grand électrolyseur vert au monde, à Kucha, en Chine.
À lire aussi Tout savoir sur les couleurs de l’hydrogène : vert, bleu, gris, jaune, blanc, brun, rose, noir, turquoiseDes inconvénients majeurs rencontrés en Chine
L’installation, gigantesque, atteignait une puissance de 260 MW, laissant espérer à Sinopec, son exploitant, une production de près de 20 000 tonnes d’hydrogène par an. Après quelque mois, toutefois, il s’est avéré que les électrolyseurs présentaient des défauts de conception. Ils étaient prévus en effet pour fonctionner entre 30 et 100 % de puissance, pour s’adapter aux variations de puissance des centrales photovoltaïques et éoliennes associées. En pratique, il s’est avéré nécessaire de limiter leur puissance à un minimum de 50 %, compromettant ainsi la rentabilité de l’installation.
En dépit de ce retour d’expérience négatif, l’Espagne vient toutefois de lancer un projet pilote d’électrolyseur pour générer de l’hydrogène vert. Va-t-elle se heurter aux mêmes difficultés ? On peut penser que non, car ces aspects techniques ont été pris en compte dans la conception d’un système tout à fait particulier.
L’Espagne veut dépasser ces difficultés
Le projet appelé « H2-24/7 » est un projet technologique ambitieux. Il réunit les entreprises RPow, et H2B2 Electrolysis Technologies au sein d’un consortium, lequel a obtenu une subvention de 2,66 millions d’euros de la part de l’Instituto para la Diversificación y Ahorro de la Energía (IDAE), piloté par le ministère de la Transition écologique espagnol. Se présentant comme une installation pilote, il sera construit à proximité de Séville, en Andalousie, et il sera doté d’une puissance modeste de 100 kW.
Et pour éviter les difficultés liées à l’intermittence de l’approvisionnement en électricité renouvelable, il présentera une caractéristique technique notable. Il sera doté d’un système de stockage thermique (TES, pour Thermal Energy Storage) basé sur des sels fondus, dispositif dont la société RPow est un spécialiste. Ce système pourra capter et stocker de la chaleur à haute température, de l’ordre de 700 à 900 °C, laquelle énergie pourra être utilisée pour fournir en même temps de l’électricité, par une turbine, et de la vapeur à l’électrolyseur. L’utilisation d’un tel système de stockage permettra de lisser dans le temps la production d’énergie (que l’on suppose issue d’une centrale solaire thermique), et permettra à l’électrolyseur de fonctionner à une puissance constante tout au long de la journée, évitant ainsi les variations importantes de puissance.
L’électrolyseur est basé sur la technologie SOEL (pour Solid Oxide Electrolysis), et fonctionnera à haute température. Cette technologie permet d’envisager une très haute efficacité. H2B2 indique que le rendement énergétique sera en effet excellent, avec une consommation d’énergie de 39 kWh/kg d’hydrogène selon le communiqué de presse de H2B2 du 6 août 2024. On relève toutefois que cette valeur est très basse, et conduit à un rendement de 100 %, ce qui est étonnant ; peut-être faudra-t-il attendre des résultats plus avancés pour connaître le rendement exact.
Commentaires
Même en ne tenant pas compte du surcout associé à la centrale ( cf. : " on suppose issue d’une centrale solaire thermique " ) passer de ~ 50kwh/kg d'hydrogène à 39, ne baisserait le prix de cet hydrogène vert que de ~22% : de ~10-5€/kg il passerait à ~7,8-3,9: au moins deux fois plus cher que celui de l'hydrogène gris ( ~1-2) et a priori plus encore du bleu, suivant le procédé présenté sur le site de la SEPRA81, et - attendons un peu- de l'hydrogène blanc.
Bonjour, bien que vos calculs soient corrects, votre raisonnement souffre (à mon avis) de 2 oublis importants dans le cadre de ce projet pilote.
Le prix de l'hydrogène vert est facteur du prix de l'énergie électrique, donc cette économie de 22% donne un sens dans les pays ou l'énergie verte est peu chère, comme par exemple ici au Québec ou au Manitoba ou le MW est autour de 30 euros .. ce qui donne un pris autour de 1,2 euros/kg H2.
Ensuite l'hydrogène gris est produit massivement pour obtenir ce prix (1 - 2 euros) , et les coûts de transport de l'H2 sont très important que ce soit gazeux (tube trailer), liquéfié ou via les pipeline étant aujourd'hui très peu nombreux pour l'h2 et nécessitent des investissements massifs (Stratégie actuelle d'Air Liquide ..)
Le problème réside donc toujours dans le point de consommation finale (le client), si l'on regarde le couple (production/distribution) alors le vert DANS CERTAINS ECOSYSTEMES est largement vainqueur économiquement et bénéfique à touts les niveaux. Ce genre de projet pilote est absolument nécessaire.
l'intérêt pour l'hydrogène blanc est relativement récent et il n'existe aujourd'hui qu'un seul exemple de son utilisation (au Mali), les estimations et les calculs sur cet or blanc sont des transpositions basés sur des modèles, car aujourd'hui même si cela est prometteur et convoité, il n'existe pas de techno pour extraire cet hydrogène, ni d'assurance sur sa quantité et cela risque de prendre beaucoup de temps,
Amicalement,
Oui teasobrano, mais : généralement on considère la production d'hydrogène vert en utilisant l'électricité obtenue avec les éoliennes et les capteurs photovoltaïques.Effectivement l'hydroélectricité est bien moins chère à la production ( pas seulement au Québec ou Ontario, en France aussi ) , mais il convient d'intégrer le coût de la construction des barrages, et aussi la dégradation de l'environnement, et prendre en compte qu'elle permet d'équilibrer la production avec la consommation aux heures de pointe ( autrement dit: il vaut mieux l'utiliser pour cela que pour la production d'hydrogène vert).
Effectivement "les coûts de transport de l’H2 sont très importants" .Ceux-ci peuvent évités en grande partie par la production locale ( en régie municipale , comme indiqué sur le site de la SEPRA 81; et avec double tubage).
Pour l'hydrogène blanc, vu son intérêt majeur, on doit s'attendre à ce qu'il se développe très rapidement, comme ce fut le cas pour le pétrole ( cf. le colonel Drake).
j'avais eu cette réflexion il y a 20 ans...Tout avance...mais doucement