Le satellite-centrale solaire spatiale de Caltech / Image : Caltech.
De l’énergie solaire, sans intermittence et sans stockage, cela ressemble à un concept impossible. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire Caltech, avec un démonstrateur de centrale solaire spatiale fonctionnel/
Le 3 janvier 2023, la mission Transporter-6 de SpaceX, lancée par une fusée Falcon-9, atteint son orbite avec succès. Cette mission spécialisée dans le lancement de petits satellites embarque 114 charges utiles aux missions variées, comprenant aussi bien des satellites scientifiques d’observation de la Terre que des prototypes technologiques.
Parmi eux, le Space Solar Power Demonstrator (SSPD) de Caltech, qui est un satellite très particulier : il s’agit d’un démonstrateur de centrale solaire orbitale. En quoi cela consiste-t-il ? Proposé initialement par Peter Glaser en 1968, ce concept a pour principe de placer en orbite, par exemple géostationnaire, un satellite doté de vastes panneaux solaires destinés à produire de l’électricité. L’électricité est ensuite transmise à des antennes placées sur le sol terrestre par un faisceau de micro-ondes – et dont l’intensité est suffisamment faible pour ne pas présenter (en principe) de risque pour l’environnement et la santé humaine. Ces antennes injectent ensuite l’énergie dans le réseau électrique.
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Cela semble un schéma complexe par rapport à des centrales photovoltaïques au sol, mais il présente plusieurs avantages. En premier lieu, l’intensité du rayonnement solaire en orbite est plus importante et régulière, car il n’est pas atténué par l’atmosphère, ni soumis à la variabilité de l’ensoleillement. D’autre part, des satellites en orbite peuvent s’affranchir du cycle jour/nuit pour un même point de réception au sol, permettant ainsi de supprimer l’intermittence de l’énergie solaire, et ce, sans stockage.
L’idée avait donné lieu à d’importantes études, notamment aux États-Unis dans les années 1980, avant d’être abandonnée du fait des coûts de lancement trop importants pour permettre une rentabilité économique au concept. Aujourd’hui, avec la concrétisation progressive – mais mouvementée – du Starship de SpaceX, il existe des perspectives réelles de chute significative du prix du kilogramme mis en orbite, ouvrant ainsi la voie à une renaissance du concept.
Un essai concluant pour Caltech
Ainsi, Caltech a mis en orbite cette année une mission de démonstration. Parmi les expériences embarquées, le MAPLE (abréviation de Microwave Array for Power-transfer Low-orbit Experiment) est un réseau de transmetteurs d’énergie micro-ondes légers et flexibles, et destinées à transmettre l’énergie à l’endroit souhaité au sol. Le 1ᵉʳ juin 2023, Caltech annonce par un communiqué de presse avoir capté cette énergie solaire produite dans l’espace, par un récepteur placé sur le toit du laboratoire d’ingénierie Gordon et Betty Moore, sur le campus de Caltech à Pasadena. Toutefois, l’institut n’a étrangement pas publié de données détaillées concernant cette première. Nous ignorons donc quelle quantité d’électricité a été transférée, la durée de la transmission et la puissance atteinte.
Cette expérience serait un succès pour Caltech, car le signal aurait présenté les qualités attendues en termes d’heure et de fréquence. C’est également un signal fort pour la technologie des centrales solaires orbitales, dont le potentiel en termes de sécurité énergétique et de décarbonation est colossal. Cette technologie devra toutefois pouvoir démontrer, d’une part, sa compétitivité par rapport à des solutions au sol, et d’autre part l’absence de tout risque pour l’environnement et la santé humaine.
Commentaires
Science, Science-fiction, ça se resemble mais ce n'est pas tout à fait la même chose
Très bien, parlons un peu physique.
Souvenez-vous dans les années 80 d'une expérimentation d'un laser vert pointé vers la navette spatiale en orbite autour de la terre à environ 300 km d'altitude.
Ce rayon laser, au départ de la terre a un diamètre minuscule (1 cm ?) . Arrivé au niveau de la navette, il a un diamètre de plusieurs mètres (de mémoire 15 mètres).
Je vous laisse imaginer le diamètre de ce rayon laser si la navette était en orbite à 36000 km.
Au premier calcul cela nous donne 1 800m de diamètre. Rien que cela.
Sauf que, il y a une loi de la physique qui dit que le cône d'évasement d'un rayonnement électromagnétique (lumière, micro-onde,...etc...) est d'autant plus large que sa longueur d'onde est grande . Pour faire simple, un rayon laser infrarouge va s'évaser plus rapidement qu'un rayon laser UV ou X.
Et là, il s'agit de transférer l'énergie sous forme de micro-ondes.
micro-ondes λ= approx 10e-2 mètre
InfraRouge λ = approx 10e-5 mètre
soit un ratio de 1 pour 1000
Eh bien...préparez-vous a mobiliser des milliers de km2 à terre pour réceptionner une énergie captée sur quelques centaines de m2 dans l'espace. Je vous laisse imaginer le rendement énergétique et financier de l'opération. Quand on voit l'énergie nécessaire pour satelliser une faible masse en orbite géostationnaire...nous avons ici quelque chose qui ressemble à une impasse technologique qui va consommer une quantité pharaonique de budgets de recherche.
La R&D en matière de photo-électrolyse directe progresse beaucoup plus vite. Et les rendements de 50% en photovoltaïque sont un horizon atteignables dans un délai raisonnable.
Bonjour Gazogène,
dans l'étude du US DOE de 1978 d'une CSO en GEO, la puissance nette est de 5 GWe pour un émetteur spatial de 1 km de diamètre et une antenne au sol de 10x13 km. Cela fait une rapport de surface de l'ordre de ~100. Cela conduit à une puissance surfacique de ~40 W/m2, certes un peu moins importante que celle de centrales photovoltaïques au sol, mais avec toutefois un fonctionnement 24/24h, et donc une plus grande énergie produite à l'année par m2.
Par ailleurs, dans le principe, l'espace entre les éléments des rectenna est suffisant pour permettre de l'agriculture dans la même surface, sans qu'il y ait de compétition d'usage pour l'accès à la lumière du soleil.
L'usage du sol apparaît plutôt meilleur que le photovoltaïque (?)
L'idée a plus de cinquante ans et on en est encore à écrire "l’intensité est suffisamment faible pour ne pas présenter (en principe) de risque pour l’environnement et la santé humaine. "
Il serait temps d'en être sûr, non ?
Et j'ai du mal à comprendre : a priori, la terre va continuer à tourner, et la liaison micro-onde ne se fera sans doute que quand le satellite sera vaguement au dessus du point de réception. Alors ça restera fatalement intermittent, où est l'intérêt ?
Bonjour Sam,
pour l'effet des micro-ondes, c'est un sujet assez complexe et soumis à la controverse, qui s'apparente à celui des ondes de téléphone portable. Les études sur les CSO ont eu leur heure de gloire dans les années 1980, mais n'ont été poursuivies que marginalement depuis. Je n'irais pas affirmer qu'il soit aisé de conclure de manière sûre aujourd'hui - ou en tout cas de manière à convaincre tout un chacun.
Pour ce qui est de la rotation de la Terre, un satellite en orbite géostationnaire sera illuminé par le Soleil quasiment 24h/24, à l'exception d'une courte éclipse de 15 min (de mémoire) qui est parfaitement prévisible donc gérable s'il y a plusieurs satellites à plusieurs positions sur l'orbite. En orbite basse, les éclipses sont plus fréquentes et plus longues relativement à l'orbite, mais cela peut se régler avec une constellation de satellites sur la même orbite qui visent successivement un même point au sol - voire successivement plusieurs points au sol à différentes longitudes répartis sur l'orbite.
Parfait. Un grand merci.
Géostationnaire sur Wikipedia : « Sur cette orbite le satellite se déplace de manière exactement synchrone avec la planète et reste constamment au-dessus du même point de la surface. ».
bref, avec des antennes directrices bien focalisées et des micro ondes, ca paraît cool sur le papier. Reste a voir ce qu’on récupère comme énergie.
Mais oui, bien sûr, merci. Donc ça peut être géostationnaire ET en permanence illuminé par le soleil.
Au pire ils les font très, très, très grands, ça servira déjà de parasol spatial pour la Terre.