La page de la difficile année 2022 semble définitivement tournée pour Réseau de transport d’électricité (RTE). Le gestionnaire français vient de dévoiler des chiffres encourageants pour le premier semestre 2024 qui apparaît dans la continuité de l’année 2023. Dans son rapport, RTE annonce ainsi un très haut taux d’exportations, mais évoque aussi la nécessité d’augmenter la flexibilité du réseau face au développement des énergies renouvelables.
Tout va mieux du côté de chez RTE. Après une année 2022 marquée par les crises énergétiques, le système électrique français poursuit sa lancée initiée en 2023 et retrouve des niveaux antérieurs à la crise COVID de 2020. Ainsi, sur les six premiers mois de l’année, la production électrique française a atteint 272 TWh, soit son plus haut niveau depuis 2019. Cette production, rendue possible grâce à la combinaison d’un parc nucléaire en meilleure santé et au développement des énergies renouvelables, est d’autant plus impressionnante qu’elle coïncide avec une baisse de la consommation nationale, favorisant ainsi les exportations.
Nucléaire et hydroélectricité : retour aux fondamentaux
En premier lieu, la production hydroélectrique a été exceptionnelle sur le premier semestre. Grâce à des précipitations abondantes, elle a été supérieure de 11,1 TWh par rapport à l’année dernière sur la même période. Du fait de ces conditions météorologiques particulièrement favorables, la production hydraulique est même supérieure de 13 % à la moyenne de la période 2000-2020. Après les épisodes de corrosion sous contrainte, la production nucléaire française retrouve un niveau intéressant avec une hausse de 19,1 TWh par rapport à l’année dernière sur la même période. Néanmoins, la production reste inférieure de 14 % par rapport à la période 2000-2020. Dans les mois à venir, cette production nucléaire française devrait de nouveau augmenter grâce à la mise en service commerciale de l’EPR de Flamanville.
Les énergies renouvelables continuent leur progression
Outre la bonne forme des moyens de production historiques que sont l’hydroélectricité et le nucléaire, les énergies renouvelables continuent également leur progression de manière linéaire. Sur les six premiers mois de l’année, l’éolien a produit près de 25,5 TWh et le solaire près de 11,4 TWh, égalant ainsi la production issue des énergies fossiles pour la première fois. Ces dernières n’ont compté que pour 11,5 TWh de production d’électricité. Il s’agit du niveau le plus faible depuis les années 1950, et d’une réduction de 54 % par rapport à la moyenne de la période 2000-2020.
À lire aussi Quel-est le mix électrique de la France ?Une très forte augmentation des exportations
Cette forte production coïncide également avec une baisse de la consommation électrique dans le pays. Si celle-ci varie de -5 à -10 % selon les mois concernés, elle s’explique d’une part par la tendance baissière amorcée depuis la fin des années 2010, et d’autre part par l’augmentation des prix en 2022, qui a limité la demande. Dans le même temps, si on constate une volonté globale d’électrification des usages, selon RTE, cette volonté ne se traduit pas encore par une hausse de la demande en électricité.
De ce fait, la situation a conduit à une augmentation importante des exportations. Au premier semestre, la France a battu son record d’exportations avec 42 TWh exportés contre 13 TWh l’année dernière. À titre de comparaison, ce volume exporté correspond quasiment à la consommation annuelle d’un pays comme le Portugal. Si la dynamique se poursuit pendant la deuxième moitié de l’année, le record d’exportation annuelle nette pourrait être battu (77 TWh en 2002).
Des besoins de nouvelles flexibilités
Face à cette situation, les prix sur les marchés de gros en France (spot et à long terme) sont redevenus parmi les plus bas d’Europe. Le prix moyen au premier semestre était ainsi de 46 €/MWh contre 97 €/MWh en 2023. Néanmoins, malgré une production électrique stabilisée, RTE a encore du pain sur la planche. En effet, la modification du mix électrique de la France et plus généralement des pays européens a un impact direct sur les flux d’électricité de la plaque européenne. De par sa position entre Europe du Nord, du sud et de l’est, la France joue le rôle de plateforme d’échange électrique. Ainsi, sur le période 2021 – 2024, des flux d’une puissance de 2,7 GW ont traversé la France alors qu’ils n’ont ni été produits ni été consommés par la France. C’est le double de ce qui a pu être observé sur la période 2001 – 2010.
Dans le même temps, l’augmentation de la production renouvelable en France modifie l’équilibre entre l’offre et la demande. La consommation résiduelle, qui est couverte par des énergies pilotables, est nettement plus complexe qu’auparavant. Ainsi, la différence de consommation résiduelle entre le pic de consommation d’un matin de printemps, et le creux de la fin d’après-midi est passé de 5,3 GW en moyenne en 2014, à 8 GW en 2023. Pour RTE, l’intégration d’énergies renouvelables dans le réseau devra passer par le développement de nouvelles flexibilités, en particulier en termes de stockage, mais également en termes de consommation. En outre, certaines unités de production d’énergies renouvelables, qu’elles soient éoliennes ou photovoltaïques, fonctionnent sous le régime de l’obligation d’achat, ce qui n’incite pas leurs opérateurs à moduler leur production en fonction des besoins du système électrique. Mais toujours selon RTE, il est impératif que les moyens de production renouvelables apportent de la flexibilité au réseau en permettant la modulation de leur production durant les périodes d’abondance de production.
J’ai remarqué en consultant le site eco2mix que depuis quelques mois la france joue le rôle de poubelle à électrons de l’Allemagne. Typiquement l’Allemagne nous envoie des GW de photovoltaïque en surplus et la France met concomitamment à l’arrêt des parcs éoliens et photovoltaïque (la bosse orange que l’on constate sur le graphique de production prend une allure de tête de chat, bel exemple encore aujourd’hui d’ailleurs).
Bien sûr les propriétaires de ces parcs arrêtés sont indemnisés, mais je me demande pourquoi c’est la France qui suspend des parcs et non pas l’Allemagne ?
Si je regarde le graphique des imports-export, c’est plutôt que l’Allemagne-Belgique cesse ses importations à ce moment là, lorsqu’elle à elle-même suffisamment d’électricité et dans ce cas là, la France doit elle aussi limiter sa production qui est d’une manière générale excédentaire.
Cela démontre que l’on ne peut plus se permettre d’installer des ENRi sans simultanément construire des capacités de stockage (batteries, Steps, H2… Il y a le choix). Tout appel à projet d’eolien ou de PV devrait obligatoirement inclure un volet stockage. Évidemment, le prix final au MWh va s’en ressentir, mais nous avons besoin d’une opération ‘verité des prix’.
Ben c’est exactement ce que les Allemands ont prévus: ils utilisent le plus possible jusqu’à présent le réseau comme omortisseur pour éviter d’avoir à construire tant que possible des capacités de stockages et construisent en même temps des centrales à gaz/hydrogène lorsque le réseau ne sera plus en mesure d’absorber la variabilité des ENRi.
Je trouve cette discussion sur le prix de toute manière ridicule, il s’agit d’éviter les conséquences du changement climatique qui auront beaucoup plus de conséquence que ce calculs d’apothicaire.
Je ne suis pas d’accord, la problématique du prix de la transition énergétique n’est pas ridicule, elle est centrale : si son prix est trop élevé pour les citoyens, elle n’aura tout simplement pas lieu. On le voit bien avec la montée en puissance poussive du VE, trop cher (certes en bonne partie parce que les constructeurs ont voulu donner au VE un caractère « Premium », mais pas uniquement).
Bien sur que le prix est important mais quel que soit la solution retenue, il y a un mur d’investissement à faire dans les années qui viennent et le prix de de l’électricité ne peut qu’augmenter. Ce que je voulais dire par là est que le prix payé par le consommateur ne reflète pas le prix pris en charge par le pays, vu qu’une grande part est prise en charge par le contribuable via ses impôts, même si il ne le vois pas directement. Si on demande à un particulier combien il paye son KWh, il va souvent connaître la… Lire plus »
Je suis en accord avec vous sur tous les points. ENR ou nucléaire (et je dirais plutôt ENR ET nucleaire), le prix de l’électricité va inexorablement augmenter. Le prix du kWh domestique est hélas devenu un instrument politique (cf le tarif qui finalement n’a pas augmenté comme prévu au 1ier aout pour de pures raisons politiques). Nous avons besoin de beaucoup moins de politiciens et de beaucoup plus de techniciens. Il n’empêche que si on veut eviter que les ENRi (et notamment le PV, l’éolien est un moins pénalisant de ce point de vue car plus uniforme sur le jour… Lire plus »
La question du couplage dépend du choix du marché de l’électricité sous-jacent: soit on decouple le problème avec un marché de capacités soit on le couple avec la production d’ENRi. Mais en même temps on peut aussi avoir un marché de flexibilité de la demande. Pour l’instant le marché est trop statique et manque de flexibilité, donc on ne pense en général qu’a la flexibilité de la production qui elle même n’est pas suffisament flexible. Il faut donc flexibiliser de partout, production consommation et surtout les tarifs, ce qui est un sujet tabou en France. Pour l’instant en France, on… Lire plus »
Vois avez raison, la tarification actuelle encourage trop peu le report de la demande. Mais même en faisant mieux correspondre consommation et production (ex. lancer la machine à laver et le chauffe eau en collectif l’après-midi en été pour profiter de la production PV), la consommation restera toujours fortement concentrée entre 8h et 20h00, et en hiver parce que c’est à ces moments-là que les gens travaillent et se chaufffent. Sans oublier qu’un certain nombre d’industies électro-intensives, peu nombreuses mais qui représentent une part importante de la consommation nationale (et du PIB aussi d’ailleurs), consomment H24/360 jours par an (condition… Lire plus »
Le stockage existe(rait) et se développe en même temps que les besoins augmentent : ce sont les VE. Il fallait juste rendre obligatoire l’équipement V2H/V2G sur tous les VE neufs (et rendre incitatif la revente de l’électricité ainsi stockée), mais vu les visionnaires qui nous gouvernent…