Cette fois c’est bien la fin pour le nucléaire belge. Prenant acte de la volonté du gouvernement de respecter le calendrier de sortie qui prévoit l’arrêt définitif des 7 réacteurs du pays d’ici 2025, Engie, leur exploitant, a fait savoir à son personnel que l’entreprise arrêtait tous les projets visant à prolonger leur durée de vie.
Pour assurer l’approvisionnement électrique du pays, l’exécutif doit maintenant mettre en place les alternatives qui permettront de compenser la perte des 6 GW de capacité nucléaire. A côté de la construction de nouvelles centrales au gaz et d’une accélération du développement des énergies renouvelables, d’autres solutions complémentaires sont prévues, combinant du stockage, la gestion de la demande, les interconnexions avec les réseaux voisins et les réductions de consommation.
Décidée en 2003 par une alliance gouvernementale « arc-en-ciel » dont faisaient partie les verts, la sortie du nucléaire en Belgique n’a pas vraiment été préparée par les gouvernements suivants. Débarrassés des écologistes ils ont d’abord amendé la loi par deux fois pour prolonger de dix ans la durée de vie des trois réacteurs les plus anciens. Par la suite ils n’ont pas fait grand-chose pour accélérer la transition énergétique et développer les productions alternatives d’électricité. La Belgique fait d’ailleurs partie des mauvais élèves qui n’ont pas atteint en 2020 l’objectif de production d’énergie renouvelable assigné par l’Europe : seuls 11,68% de la consommation d’énergie des belges sont aujourd’hui couverts par les énergies vertes au lieu des 13% prévus.
Mais aujourd’hui la donne a changé : de retour au pouvoir depuis septembre, les verts belges ont obtenu de leurs partenaires la confirmation du calendrier de sortie du nucléaire tel qu’il était fixé dans la loi de 2003.
L’accord de coalition prévoit en effet l’arrêt progressif entre 2022 et 2025 des sept réacteurs du royaume, répartis dans les deux centrales de Doel et de Tihange. Le texte précise toutefois que le gouvernement se réserve la possibilité de retarder l’arrêt des 2 réacteurs les moins âgés si, à fin 2021, il apparaissait que la sécurité d’approvisionnement électrique du pays n’était pas assurée.
Cette clause ne plaît toutefois pas à Engie, l’exploitant des deux centrales. L’énergéticien a signifié à l’Etat belge que si les deux dernières tranches devaient être prolongées au-delà de 2025, la décision devrait être prise au plus tard fin 2020. « Préparer l’arrêt d’une centrale nucléaire est une opération très lourde et très complexe, et on ne peut pas imaginer qu’on nous dise au dernier moment de continuer à produire » expliquait Jean-Pierre Clamadieu le président d’Engie, devant les sénateurs français qui l’auditionnaient il y a quelques jours.
Sortie « intelligente » confirmée en 2025
De son côté, le gouvernement belge n’entend pas céder à la pression. « Nous allons nous y prendre de façon intelligente pour gérer la sortie du nucléaire en 2025 », a promis le premier ministre Alexander De Croo devant les députés. « Le report sans cesse d’un calendrier déjà décidé ne nous aide pas lorsqu’il faut faire des choix pour l’avenir » a-t-il ajouté. « Nous allons le faire de manière ordonnée tant sur l’aspect technique que social », a précisé Tine Vander Straeten, la ministre de l’Energie.
Tirant les conséquences de cette volonté gouvernementale réaffirmée, Engie semble vouloir jeter l’éponge et se prépare à tirer un trait sur le nucléaire belge. Cette semaine, le groupe a prévenu le personnel de ses deux centrales qu’il arrêtait tous les projets visant à prolonger leur durée de vie.
« Cette position très ferme du gouvernement nous oblige à nous préparer à un changement de cap. Nous devons maintenant focaliser toutes nos ressources, en personnel et matériel en vue de préparer la mise à l’arrêt définitive et le démantèlement de nos 7 unités. Cela signifie, pour nous, que nous accélérons une sortie complète du nucléaire en 2025 » a expliqué Thierry Saegeman, le patron du nucléaire belge chez Engie en s’adressant à ses salariés. Une décision commentée en ces termes par Tine Vander Straeten : « Je suis heureuse que l’un des plus grands opérateurs de notre pays dise : nous prenons note de l’accord de coalition et nous nous engageons dans l’accord de coalition ».
Engie ne compte pas pour autant quitter le marché belge. « Nous produisons aujourd’hui la moitié de l’électricité consommée en Belgique, et nous sommes le plus important fournisseur d’électricité renouvelable du pays. Nous souhaitons conserver cette part » précise Thierry Saegeman. L’entreprise veut préparer son avenir, en participant, notamment, à la construction de centrales au gaz pour remplacer, en partie, les tranches nucléaires mises à l’arrêt.
Surcapacité
Si la puissance cumulée du parc nucléaire belge s’élève à 6 GW, il faut bien comprendre que les centrales ne fonctionnaient pas à leur capacité maximale. En 2018, leur taux de charge n’a pas dépassé les 50%. En cause : des pannes répétées, des problèmes de microfissures détectées dans les cuves de 2 réacteurs, des périodes d’arrêt relativement longues pour procéder aux entretiens et aux travaux de mise à niveau des systèmes de sécurité … et même un sabotage ! Pendant tout un temps, un seul réacteur sur les sept était en service. Pour autant le réseau électrique belge n’a jamais été mis en difficulté et aucune coupure n’a eu lieu.
« En fait la Belgique est depuis longtemps en situation de surcapacité électrique » expliquait récemment Fawaz AL Bitar, directeur général d’Edora, l’association des producteurs d’énergie renouvelable, devant les micros de la RTBF.
Un contexte qui a freiné les initiatives de transition énergétique et le développement des énergies alternatives. « Prolonger encore de 10 ans les vieilles centrales n’est pas une solution car cela ne ferait que perpétuer cette situation de surcapacité qui empêche le développement des alternatives » ajoute Fawaz Al Bitar.
Quelles solutions pour pallier l’arrêt des centrales ?
Cette situation de surcapacité relativise le défi qui s’annonce pour pallier l’arrêt des centrales. Une étude réalisée par Elia (le gestionnaire du réseau de transport électrique haute tension) prédit que, sans nucléaire, le déficit d’approvisionnement pour l’hiver 2025-2026 serait de 3,9 GW ; du moins si d’ici là aucune nouvelle capacité n’était mise en service. La CREG (Commission de régulation de l’électricité et du gaz) est plus optimiste : selon elle le déficit serait de l’ordre de 2,2 à 2,4 GW.
Pour combler ce manque, les projets d’électricité verte vont bien sûr continuer de se développer. Fawaz Al Bitar estime qu’ils pourraient couvrir 50% des besoins d’ici dix ans. Le gouvernement fédéral a notamment confirmé sa volonté d’ouvrir aux enchères une deuxième zone éolienne offshore en mer du Nord pour une capacité totale de 2 GW. Engie rappelle aussi que le groupe projette l’installation de 1 GW d’électricité verte terrestre et 1 GW de turbines offshore.
À lire aussi Belgique : record de production éolienne et solaire en octobre
Mais tous ces projets ne seront certainement pas finalisés quand les réacteurs nucléaires seront tous éteins. Pour garantir l’approvisionnement électrique du pays après la sortie du nucléaire, le précédent gouvernement belge avait étudié un Mécanisme de Rémunération de Capacité (CRM). Il s’agit d’une forme de soutien qui serait octroyé, sur base d’un appel d’offre, aux nouvelles capacités de production. « Engie a dans ses cartons plusieurs projets de centrales au gaz pour répondre à l’appel d’offres » a notamment rappelé Thierry Saegeman.
Ces subsides du CRM pourraient aussi rémunérer des réductions volontaires de consommation d’électricité. On parle « d’effacement » ou de « gestion de la demande ». Des industries électro-intensives pourraient par exemple être « récompensées » pour réduire ou postposer leur utilisation d’électricité lors des pics de consommation. Des ménages pourraient également participer à ce que l’on appelle « l’effacement diffus ». Ainsi, l’APERE[1] plaide dans son magazine Renouvelle pour « une réserve citoyenne, où 500.000 ménages seraient rémunérés pour réduire ponctuellement leur consommation électrique lorsque les productions d’électricité sont trop faibles ».
À lire aussi L'effacement diffus prend son envol
L’association rappelle d’ailleurs à juste titre qu’un Règlement européen contraignant indique l’ordre des priorités à suivre pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité sur les réseaux nationaux. Celui-ci incite d’abord les Etats à maximiser les échanges avec leurs voisins, via les interconnexions. De ce point de vue-là, la Belgique est bien lotie : outre la liaison « Nemo » avec la Grande-Bretagne et des connections avec la France et les Pays-Bas, elle vient d’inaugurer la ligne CCHT « ALEGrO » avec l’Allemagne.
Ensuite, l’Europe demande aux gouvernements de développer l’autoproduction, le stockage et la gestion active de la demande.
Et c’est seulement « si ces solutions ne sont pas suffisantes », que Bruxelles laisse la possibilité de créer « en dernier lieux » un Mécanisme de Rémunération de Capacité (CRM).
A la lecture de l’accord qui a permis la mise en place du nouveau gouvernement belge, il semble heureusement que celui-ci envisage ces différentes solutions qui permettront, on l’espère, d’éviter la construction de nouvelles centrales au gaz émettrices de CO2.
« La transition énergétique implique que nous devons aller vers plus de sobriété » explique Fawaz Al Bitar. « Cela n’aurait pas de sens de construire une nouvelle centrale qui ne fonctionnerait que quelques heures par an » conclu-t-il.
À lire aussi ALEGrO : cette nouvelle interconnexion entre la Belgique et l'Allemagne réduit le risque de blackout[1] APERE : Association pour la promotion des énergies renouvelables – www.apere.org
Sortie du nucléaire en 4 ans, alors que celui-ci représente 50% de la production électrique et que cette production est pilotable. Cela peut sembler merveilleux, mais il faudra des décennies d’investissements en ENR et systèmes de stockage et de back up pour compenser cela.
Solaire, éolien et biomasse ne fournissent qu’environ 20% de l’électricité dans ce pays en 2019.
Entre temps, les centrales au gaz tourneront beaucoup.
Un choix politique qui n’est pas bon pour le climat.
La sortie du nucléaire est une bonne idée pour la Belgique. Si elle est en surcapacité depuis des années et que le nucléaire ne fonctionne de toutes façons jamais à 100% de ses capacités, autant fermer ces centrales. Je pense que dans le cas de la Belgique un équilibre sera trouvé pour éviter la construction de centrales à charbon. On prend souvent l’exemple de l’Allemagne pour dire que sortir du nucléaire est une mauvaise idée, mais il faut savoir adapter les décisions en fonction du pays. l’Allemagne reposait bien plus que le nucléaire que la Belgique, il était totalement irresponsable… Lire plus »
Votre réponse ne tient pas debout, la Belgique reposait bien plus que l’Allemagne sur le nucléaire puisqu’à 60% dans le mix électrique, presque autant que la France. Et si c’est une bonne solution pour la Belgique ça l’est autant pour la France. Qu’en à dire que supprimer le nucléaire c’est OBLIGATOIREMENT mettre en place des solutions polluantes, c’est se mettre la tête dans le sable. La France a d’énormes ressources renouvelables, autant éoliennes que solaires et hydroélectriques, et dans ces trois domaines elle est déjà bien mieux favorisée par la nature que l’Allemagne et la plupart des autres pays d’Europe.… Lire plus »
L’Allemagne reposait moins sur le nucléaire que la Belgique. Et il n’a jamais été question de remplacer le nucléaire par des centrales au charbon, ni en Belgique, ni en Allemagne. En Belgique il n’y a plus de centrales au charbon depuis au moins 20 ans. Et l’Allemagne ferme aussi ses centrales au charbon progressivement en parallèle à la fermeture des centrales nucléaires. Il ne faut pas croire les fake news qui sont propagées par le lobby nucléaire français. La vérité c’est qu’en 2010, à la veille de la décision prise par l’Allemagne (en 2011) de sortie du nucléaire, le pays… Lire plus »
Les émissions de CO2 en Allemagne pour la production d’électricité baissent lentement mais sont encore à un niveau très élevés malgré un parc se production total de 213 GW, dont 52 de solaire et 61 d’éolien. Les émissions de CO2 pour l’énergie sont de 225 millions de tonnes pas an (comparés à la France autour de 19 millions note bilans co2.pdf (rte-france.com)) dont 148 pour la lignite. Emissions of Powerplants | Energy-Charts (energy-charts.info)
il était totalement irresponsable de fermer toutes les centrales nucléaires aussi rapidement. L’Allemagne s’en sort très bien pour produire du courant, pas beoin de les traiter d’irresponsables à longueur de commentaires sur ce site. Le sentiment anti-allemand bien français qui se transforme en moralisme aveugle, c’est épuisant. Ils produisent aussi pas mal de CO2 c’est vrai, mais de moins en moins, car ils utilisent de moins en moins de charbon. Alors jugeons-les sur leurs résultats, quand ils seront effectivement sortis du nucléaire, et là on verra bien. Décider de sortir du nucléaire sur une émotion telle que Fukushima, ça paraît… Lire plus »
SELON LES ALLEMANDS QUI NE SONT PAS DEBILES, IL FAUT 8% D ENERGIE PILOTABLE.Comme ,par hasard, ils ont 8% de biomasse(enr pilotable). Leur reseau electrique est plus fiable que le systeme fr, selon l UE. L eolien offshore produit deja des eoliennes a 12MW. il faut 100 eoliennes pouravoir 1,2 GW de puissance (de quoi alimenter une ville comme Marseille( l EPR , c est 1,5 GW de puissance)) le rendement est plus ou moins de 50% (equivalent au nucleaire fr en 2020). La seule difference est le prix; moins de 80 euros le KWH pour l offshore contre 110… Lire plus »
Je redonne le lien qui semble être mal passé :
&exph=570&expw=800&q=emission+de+CO2+par+pays&simid=608026713516673502&ck=345176C0E2232B4C9CB525DBDD74DDD1&selectedindex=0&form=IRPRST&ajaxhist=0&vt=0&sim=11
Oups, bonsoir je pensais pouvoir afficher le lien de Serge Rochain mais c’est raté. Si ce message peut être effacé….
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez effacer votre message car finalement le lien que j’ai donné fonctionne bien dans les deux messages. Sur le premier ce n’était que dans le début de la première partie du texte que je pensais que cela n’avait pas fonctionné mais sans même tenté de l’essayer. Les deux fonctionnent bien, la Belgique est bien donné comme étant le 15em pollueur par habitant tout en étant ultra-nucléarisé, mais cela ne va pas durer. Les autres nations deviennent de plus en plus raisonnables.
C’est assurément la bonne direction. Mais on peut remercier la Belgique pour avoir démontré que l’on peut être très nucléarisé, à hauteur de 60% de son mix électrique tout en état un des plus importants émetteurs de CO2, le15em par tête d’habitant :
&exph=570&expw=800&q=emission+de+CO2+par+pays&simid=608026713516673502&ck=345176C0E2232B4C9CB525DBDD74DDD1&selectedindex=0&form=IRPRST&ajaxhist=0&vt=0&sim=11
Il est habituel de lire que les renouvelables variables imposent d’avoir de nombreuses sources polluantes de remplacement, jusqu’à en avoir autant que de sources renouvelables, en cas de conditions météorologiques défavorables. Mais la démonstration est faite que le nucléaire peut être dans le même besoin et secouru par une solution alternative carbonée. En revanche, les renouvelables disposent avec le biogaz, par exemple, de ressources alternatives bas-carbone.
Serge, si la Belgique figure parmi les plus gros émetteurs de CO2 par habitant, ce n’est pas sa production d’électricité qui est en cause. La Belgique n’a en effet plus de centrales au charbon depuis longtemps. Outre le nucléaire et les renouvelables, il n’y a que des centrales au gaz, peu polluantes. Mais ce sont surtout les transports et l’industrie qu’il faut pointer du doigt. Transports parce que le pays est un noeud routier important entre l’Allemagne, la France, la Grande Bretagne et l’Europe du nord via les Pays-Bas. De nombreux poids lourds la traversent en amont des ports d’Anvers,… Lire plus »
Le gaz peu polluant? Il émet moins de co2 que les énergies autres énergies fossiles, mais cela reste une source à éviter(ce d’autant plus que les fuites sont aussi à prendre en compte) , si on veut protéger l’avenir. En fait, cette décision montre à quel point les prétendus écolos se foutent du climat.
Evidemment que le gaz est responsable d’émissions de CO2, mais comme vous le dites, moins que les autres énergies fossiles. Et donc, comme nous discutions des émissions de CO2 de la Belgique, j’expliquais que ce n’était pas l’utilisation de centrales à gaz pour la production d’un faible pourcentage de l’électricité consommée en Belgique (mpoins de 30 %) qui pouvait justifier le classement du pays parmi les 15 plus importants émetteurs de carbone au monde. Quant au écolos, je peux vous assurer qu’ils ne se foutent pas du tout du climat … mais, voyez-vous ils ne se foutent pas des générations… Lire plus »
Certes Bernard, mais cela démontré que ce n’est pas le fait de produire son électricité au nucléaire qui dedoine un pays de sa production de co2 comme le pensent la plupart des partisans du nucléaire en France en citant notre faible taux d’émission carbone et conjointement notre production électrique nucléaire comme preuve de la corrélation.
Cessez de dévaloriser la Belgique qui affiche, néanmoins, un contenu carbone de son électricité assez honorable, malgré vos affirmations : Europe: émissions de CO2 par pays et par kWh électrique – Électricité et énergie nucléaire (econologie.com) Sortez de votre idéologie !
Attention, le lien ci-dessus donne des valeurs de Co2 de 2008, donc des données vielles de plus de 12 ans, qui ne correspondent absolument plus aux valeurs actuelles!
Actualisez votre idéologie! 😉