Le Cired[1] et l’I4CE[2] ont publié en novembre dernier un outil interactif destiné à déterminer le mix énergétique idéal pour atteindre le zéro carbone en 2050, ainsi que les investissements nécessaires. Contre toute attente, le coût total du bouquet énergétique en 2050 variera peu, quel que soit le choix des technologies renouvelables.
En 2040, la part des énergies renouvelables dans la production électrique mondiale devrait passer de 18% actuellement à plus de 50%, selon l’AIE (Agence internationale de l’énergie).
L’Europe est en avance sur la moyenne mondiale puisqu’en 2020, les renouvelables – éolien et solaire principalement – ont déjà couvert 40% de la production d’électricité des 27 Etats membres contre 34% pour les énergies fossiles. En 2040, leur part devrait atteindre 70%.
En France, les énergies vertes ont couvert 23% de la consommation d’électricité. A consommation électrique inchangée, leur part devrait atteindre 40% en 2030 et plus de 50% en 2040,.
Il restera alors à l’Europe une décennie pour que toutes les énergies fossiles cèdent définitivement la place aux renouvelables. Mais atteindre la neutralité carbone en 2050 ne signifie pas que l’approvisionnement énergétique sera un long fleuve tranquille. L’accroissement sensible de notre exposition à la variabilité des renouvelables posera un réel défi à l’équilibrage permanent du réseau électrique. La solution passe inéluctablement par la solution du stockage.
Actuellement, les techniques de stockage comprennent principalement les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) ou pompage-turbinage, la production d’hydrogène, les batteries géantes, et le stockage par air comprimé.
Ces différentes techniques, dont certaines offrent de belles perspectives de développement à long terme, sont malheureusement insuffisamment développées pour répondre aux besoins de stockage de demain.
La voiture électrique à la rescousse
Le V2G (Vehicle-to-grid, aussi appelé véhicule-réseau) est appelé à jouer un rôle important pour assurer la transition énergétique. Le concept de Vehicle-to-grid permet aux gestionnaires de réseau électrique de faire appel, pendant une courte période, à l’énergie stockée dans les batteries des véhicules électriques. Lorsque ceux-ci chargent, ils sont connectés au réseau de distribution d’énergie, et communiquent avec le gestionnaire de réseau de distribution par le biais d’un chargeur bidirectionnel. Grâce à cette technologie, les véhicules électriques deviennent autant de « minicentrales » de stockage, qui permettent d’absorber les pics de production électrique lorsque le vent souffle trop fort par exemple, et de les restituer dans le réseau en cas de forte demande. Multipliés par plusieurs centaines de milliers de véhicules, les quelques kWh prélevés sur chaque batterie permettront, en cas de pic de demande, d’éviter un délestage local, voire un black-out.
Quel mix en 2050 ?
Ces évolutions futures ont amené plusieurs instituts de recherche à se pencher sur le mix énergétique optimal qui devrait émerger en 2050.
Les études mettent en lumière le bouquet énergétique qui permettra, sans importer ni exporter, de répondre à la demande d’électricité à toute heure de l’année, et sans flexibilité, c’est-à-dire sans centrale fossile d’appoint pour répondre à l’intermittence des renouvelables.
Selon une étude de l’ADEME, réalisée en 2017, le bouquet énergétique français devrait se composer de 49% d’éolien onshore en 2050, auxquels s’ajouteraient 5% d’éolien offshore, 32% de photovoltaïque et 10,6% d’hydroélectrique.
Mais le 19 novembre dernier, le Cired et I4CE, deux instituts de recherche français sur l’environnement et les changements climatiques, ont publié un outil interactif étudiant 315 scenarios de bouquets d’énergies renouvelables et leurs coûts de production.
Le modèle devait répondre à une double question : définir le mix optimal pour satisfaire la demande d’électricité à un coût minimal, et déterminer la sensibilité de l’outil aux données météo et aux variations de coût.
Selon les projections, le mix idéal sera constitué de 46% d’éolien terrestre, 11% d’éolien offshore, 31% de photovoltaïque, 9% d’hydroélectrique et 3% de biogaz. Dans le scenario envisagé le coût moyen de production s’élève à 48,64 euros le MWh, un coût assez semblable à celui de notre mix actuel qui fait appel au gaz et au nucléaire.
L’immense potentiel du « Power-to-Gas »
Mais ce que l’étude du Cired et d’I4CE révèle d’intéressant, c’est que seuls 15% de la puissance de production totale sont nécessaires sous forme de capacité de stockage pour permettre de garantir une offre constante d’électricité. En recourant au pompage-turbinage, au « Power-to-gas » et aux batteries géantes pour l’équivalent d’un septième de la puissance de production installée, il est possible de compenser totalement l’intermittence des installations éoliennes et photovoltaïques.
Tant les STEP que les batteries géantes mais également le « Power-to-gas » offrent un potentiel considérable, tant en termes de capacité de stockage que de coût économique.
Véritable solution d’avenir, le Power-to-gas consiste à transformer l’électricité issue d’énergies renouvelables en hydrogène, lequel peut être utilisé directement comme carburant ou stocké et injecté dans les réseaux de gaz naturel.
Le potentiel de cette technologie est tel que l’ADEME l’estime pour la France à environ 30 TWh par an, à l’horizon 2035. C’est précisément ce qu’ont produit les énergies renouvelables en 2020.
Investir massivement dès à présent
On serait tenté de penser que le mix énergétique futur dépendra du coût de chaque technologie : moins une technologie sera chère, plus elle sera développée. En fin de compte, le coût total des investissements en moyens de production électrique varie peu quelles que soient les hypothèses. Privilégier les technologies les plus coûteuses n’entraînerait qu’un surcoût de 4 % en moyenne sur le coût total du système électrique. La conclusion de l’étude est qu’il ne faut pas forcément attendre de connaître le coût de chaque filière, mais investir massivement dès à présent dans les énergies renouvelables, quelles qu’elles soient, pour décarboner au plus vite notre mix énergétique actuel.
À lire aussi 100 % d’énergies renouvelables : les sceptiques ont tort ![1] Cired : Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement
[2] I4CE : Institute For Climate Economics
Pour essayer de formuler les choses de manière simple et concise: il existe un alternative au nucléaire dans les zones riches en ENR et pas trop densément peuplées. Cette alternative est la suivante:
PV (ou CSP) + éolien + centrales au fil de l’eau + adaptation de la demande pour la recharge des batteries de voiture, les chauffe-eau électriques et appareil électroménagers + interconnexions internationales (pour utiliser le foisonnement européen) + stockage journalier par batteries et STEP + back up: biomasse/biogaz + hydroélectricité de barrage + centrales à hydrogène (ou carburant dérivé).
Au niveau du foisonnement du photovoltaïque, outre celui dû à la couverture nuageuse, des liaisons avec l’Ukraine, qui semble investir massivement dans cette technologie, semblent intéressantes, avec un décalage de deux bonnes heures sur 3000 km en longitude par rapport l’Europe de l’Ouest. Des pertes réseau de 10 à 15% semblent acceptables.
Idem avec la Turquie.
Une fois que les solutions de stockage à court terme seront épuisées et que les outils pilotables auront atteint leur limites, il restera un ordre de grandeur de 25% d’électricité à fournir par d’autres solutions de back up. L’hydrogène paraît intéressante dans ce cas. Par ailleurs, en observant l’évolution du mix énergétique allemand, jour par jour, on peut voir que les 9GW de biomasse installés produisent en permanence, comme le nucléaire. Avec une plus grande production éolienne et photovoltaïque, la durée de fonctionnement pourrait être divisée par 4, ce qui permettrait, avec la même quantité de carburant, de multiplier par… Lire plus »
Bonjour Monsieur Claessens,
Merci pour cet article. Juste une précision : ces travaux n’engagent aucunement I4CE, car j’ai réalisé cette étude lorsque j’étais au CIRED.
(Lorsque l’étude est sortie, j’avais effectivement rejoins I4CE, mais il s’agit juste des délais de publication scientifique entre production et publication. L’étude a été réalisée uniquement par des chercheurs du Cired, et non par des chercheurs d’I4CE).
Pourriez-vous modifier ce point ?
Merci d’avance,
Quentin Perrier (auteur de l’étude et de l’outil interactif sur le 100% EnR)
Le sujet est évidemment très complexe (pas soluble dans du ya-ka assaisonné de fokon), les hypothèses incertaines et les préjugés foisonnants! Parmi les différents moyens de stockage cités, je n’ai pas lu l’inertie. Des grosses toupies en béton sur palier magnétique et qui tournent à « vive allure » dans le vide. Juste des protos expérimentaux ou une solution réaliste?
Ces 2 solutions ont des domaines d’application complètement différent et complémentaire: les volants à inertie sont plutôt adapté au stockage à courte durée, par exemple combiné à des panneaux solaires pour palier à la variation journalière. L’électrolyse est plus adapté pour participer à régler les variations saisonnières à long terme.
Les shadoks, vous connaissez ?
Bonjour Bruno,
Comment peut-on parler du « formidable potentiel du Power-to-Gas », alors que le rendement de la chaîne, de la production de H2 à la restitution de l’électricité est inférieur à 20%, sans compter les inévitables pertes pendant le stockage ou le transport d’hydrogène ?
Que pensez-vous de de document : http://www.contrepoints.org/wp-content/uploads/2015/07/Lhydrog%C3%A8ne-cet-hallucinog%C3%A8ne-Annexe-1.pdf ?
Urbain
La clef est le couplage e la production de H2 avec les cycles de production de chaleur, aussi bien au niveau chauffage urbain que processus industriels: dans ce cas, on augmente considérablement le rendement. De plus, il faut abandonner l’idée de se focaliser sur le rendement, vu que dans une vingtaines d’années, les phases de surproductions d’électricité seront plutôt la règle que l’exception, donc même avec un mauvais rendement, il est préférable de consommer cette électricité que de ne pas pouvoir la produire et être forcé à brider ses éoliennes.
Je comprends qu’on veuille profiter des surplus d’électricité verte pour remplacer l’hydrogène issu du reformage pour des usages existants industriels ou autres. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on veuille l’utiliser comme intermédiaire de stockage. Dans les automobiles, le volume nécessaire à 700 bars est 5 à 10 fois plus élevé que pour l’essence, compte tenu des contraintes des conteneurs. Et je ne parle pas des risques de laisser un VH dans un box non ventilé, car les fuites sont inévitables. On pourrait peut-être trouver une utilisation dans les chemins de fer, mais même là, par rapport à des… Lire plus »