Dans les Hauts-de-France et en Wallonie, du gaz se libère toujours des veines de charbon non exploitées présentes dans les anciennes mines désaffectées. Auparavant redouté des mineurs, ce « grisou » est composé en majorité de méthane. Aujourd’hui Gazonor, une ancienne filiale de Charbonnage de France, le récupère et le convertit en électricité dans des moteurs. Une électricité qui bénéficie d’un dispositif de soutien public comme les énergies renouvelables. Est-ce une « arnaque » ou peut-on réellement parler d’énergie « verte » ?
Le dernier puits de mine du Valenciennois a fermé à Arenberg en 1989. Trente ans plus tard, la société Gazonor, a décidé d’exploiter le filon. Non plus la houille, directement, mais le gaz de mine qui se libère toujours des veines de charbon non exploitées dans les anciens charbonnages abandonnés : c’est le fameux grisou, auparavant tant redouté des mineurs.
Les gaz qui composent le grisou se sont formés en même temps que le charbon pendant le processus de transformation de la matière végétale qui s’est produit au cours des centaines de millions d‘années qu’ont duré les âges géologiques. Comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, il s’agit donc bien, sans aucune discussion possible, d’énergie fossile et non renouvelable.
Ces gaz ont été piégés dans les micropores des veines de charbon et se libèrent dans les galeries et les puits d’un charbonnage lors de la fragmentation et du broyage du charbon inhérente à son exploitation. Le grisou fait donc partie de l’atmosphère normale des mines profondes et il se dégage d’autant plus que le charbon est fracturé. Lorsque sa concentration est comprise entre 5 et 15 % dans l’air, il devient dangereux car le mélange air-grisou est alors explosif. Très redoutées des mineurs, les explosions, appelées « coups de grisou », ont causé de très nombreuses victimes dans les mines profondes du monde entier.
La valorisation énergétique du gaz de mine est pertinente
Après l’abandon d’une mine, le grisou, appelé maintenant « gaz de mine » continue à se libérer lentement dans les milliers de kilomètres des galeries désaffectées d’où il peut s’échapper dans l’atmosphère via des conduits naturels ou artificiels, des failles, des effondrements miniers ou par des roches perméables.
Une libération qui présente un risque d’inflammation ou d’explosion pour les personnes vivant à proximité. Raison pour laquelle, à la fermeture des charbonnages, des forages de décompression ont été aménagés. Ils agissent comme des soupapes de sécurité en relâchant régulièrement et de façon contrôlée le gaz de mine dans l’atmosphère, à la manière d’une cocotte-minute.
Comme le gaz naturel, le gaz de mine contient majoritairement du méthane (CH4). Problème : le potentiel de réchauffement global (PRG) du méthane est 28 fois plus élevé que celui du CO2[1]. En d’autres termes, à quantités égales, le méthane est beaucoup plus néfaste pour le climat que le CO2.
La remontée continue du gaz de mine en surface étant une conséquence fatale de l’exploitation du charbon, on comprend dès lors qu’il puisse être pertinent de valoriser son contenu énergétique.
Dans l’ancien bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, les débuts du captage du gaz de mine datent de 1978, au lendemain du premier choc pétrolier. A l’époque il était valorisé par injection à haute pression dans le réseau de transport de gaz ou vendu directement à un client industriel local. Cependant la qualité du gaz de mine s’est progressivement dégradée en raison de la chute du pourcentage de méthane, de sorte qu’il ne respecte plus les spécifications fixées par le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel. La valorisation électrique, pertinente à des niveaux de méthane plus faibles, a donc été développée.
Une ressource locale, mais ce n’est pas de l’énergie verte
La combustion de ce gaz dans un moteur pour produire de l’électricité peut donc se justifier du point de vue de la lutte contre les changements climatiques, puisqu’elle permet de remplacer les émissions de méthane par des émissions de CO2, moins néfastes, comme on l’a vu. Il s’agit en outre d’une ressource énergétique locale qui peut se substituer au gaz importé et acheminé depuis des pays lointains. Et être dès lors exploitée en circuit court en économisant les coûts et l’énergie consommée pendant son transport. La qualifier d’énergie verte comme le font trop souvent ses exploitants et la plupart des médias n’est par contre pas admissible. C’est un abus de langage trompeur car le gaz de mine est bel et bien une énergie fossile, non renouvelable et sa combustion produit des gaz à effet de serre.
Les prix de marché de l’électricité ne permettant pas de justifier économiquement les investissements nécessaires, l’état français a mis en place en octobre 2016 un mécanisme de soutien en définissant un tarif d’achat pour la filière.
Le feu passait dès lors au vert pour Gazonor, une ancienne filiale de Charbonnage de France, rachetée par la Française de l’Energie et détentrice exclusive des concessions pour l’exploitation du gaz de mine dans le Nord et le Pas-de-Calais.
Gazonor prévoit l’exploitation d’une vingtaine de sites
En présence d’une belle brochette d’élus, comme il se doit dans ces circonstances, il y avait du cocorico dans l’air le 26 octobre 2017 à Avion (près de Lens) lors de l’inauguration par Gazonor du premier de ses 4 sites français d’exploitation et de valorisation du gaz de mine (1 à Divion, 1 à Lourches et 2 à Avion). Un investissement global de 9 millions d’euros qui permet, avec 6 moteurs totalisant une puissance de 9 mégawatts, de produire une quantité d’électricité correspondant à la consommation d’environ 42.000 habitants et de récupérer la chaleur fatale pour alimenter des réseaux de chaleur existants.
Depuis avril 2019, la PME exploite un 5e site, en Wallonie cette fois, sur l’ancien charbonnage d’Anderlues, près de Charleroi. Deux moteurs de cogénération d’une puissance de 1,5 mégawatts chacun y fournissent de l’électricité pour l’équivalent d’environ 5.000 foyers.
Gazonor ne compte pas s’arrêter là et prévoit d’exploiter plus d’une vingtaine de sites sur l’ancien bassin minier s’étendant du Nord-Pas-de-Calais jusqu’en Wallonie. Un accord a déjà été signé avec Dalkia et la mairie de Béthune pour alimenter dès 2021 le réseau de chaleur de la ville.
En France l’exploitation du gaz de mine pourrait aussi s’envisager dans les anciens charbonnages du bassin lorrain et ceux du Centre-Midi, bien que les volumes de gaz plus limités et la remontée plus rapide des eaux dans les vides miniers dégrade la rentabilité économique.
[1] Le potentiel de réchauffement global (PRG) est un facteur de conversion qui permet de comparer l’influence de différents gaz à effet de serre sur le climat. Il est utilisé pour prédire les impacts relatifs de différents gaz sur le réchauffement climatique en se fondant sur leurs propriétés radiatives et leur durée de vie dans l’atmosphère.
Est-ce dangereux pour les habitants vivant à proximité voir à peu de mètres de ce genre de chaufferie svp?
Bonjour et Bonne Année 2020, Article intéressant et Analyse pertinente Bernard: Oui, il vaut mieux valoriser ce gaz de mine ds un moteur+ alternateur en électricité et de plus récupérer la chaleur dégagée par ce moteur ds un réseau de chaleur local, donc faire de la co-génération. « La combustion de ce gaz dans un moteur pour produire de l’électricité peut donc se justifier du point de vue de la lutte contre les changements climatiques, puisqu’elle permet de remplacer les émissions de méthane par des émissions de CO2, moins néfastes » –> moins néfaste d’un facteur 28 ! Laisser ce méthane s’échapper… Lire plus »
Je pense que sans être vert, c’est un usage de moindre mal, disons de l’énergie jaune.
bah oui, jaune comme la couleur des tuyaux de gaz!