La start-up australienne Lavo a mis sur le marché une première batterie de stockage domestique à hydrogène. Le communiqué publié à cette occasion la présente comme moins volumineuse, plus « écologique » et comportant moins de composants prétendument « toxiques » que les traditionnelles batteries lithium-ion. Est-ce vraiment le cas ?
Faut-il encore présenter les batteries domestiques ? Elles permettent par exemple de stocker l’excédent de production de panneaux solaires ou d’une petite éolienne et de le restituer lorsque ces installations produisent trop peu d’électricité ou pas du tout. Parmi d’autres avantages elles permettent aussi de « survivre » un certain temps en cas de coupure du courant. Bien qu’aujourd’hui leur prix reste encore élevé, elles se vendent déjà régulièrement et suscitent un réel engouement. Certains les considèrent comme un élément essentiel du futur paysage énergétique.
Si la célèbre Powerwall de Tesla est souvent citée comme exemple dans les médias, plusieurs autres marques comme Sonnen, LG Chem ou Solarwatt se sont aussi fait une place sur le marché. Tous ces modèles utilisent la technologie de stockage lithium-ion (li-ion) comme nos smartphones, nos laptops ou nos voitures électriques.
La batterie à hydrogène : tout est beau !
La jeune compagnie australienne Lavo a probablement détecté elle aussi le marché potentiel, mais elle mise plutôt sur la « nouvelle énergie » à la mode : l’hydrogène. Selon le communiqué publié à l’occasion de son récent lancement sur le marché australien, cette batterie dénommée Lavo Green Energy Solar System va utiliser l’électricité produite par les panneaux solaires pour fabriquer elle-même son hydrogène par électrolyse de l’eau puis le stocker sous forme « solide » (hydrure métallique) à une pression de 30 bars, soit 30 fois la pression atmosphérique. Ce type de stockage de l’hydrogène s’appelle aussi stockage par absorption. En cas de demande de courant, la batterie Lavo va extraire l’hydrogène des hydrures et le retransformer en électricité dans une pile à combustible.
Sur le papier, tout est beau : la capacité de stockage annoncée de la batterie Lavo est de 40 kWh contre 10 à 14 kWh pour les batteries li-ion concurrentes. Sa durée de vie serait de 30 ans (au lieu de 15 pour les li-ion) et elle serait « plus compacte » à capacité de stockage équivalente. Toujours selon Lavo, elle ne contiendrait aucun « élément toxique (sic) contrairement aux batteries li-ion ».
Seul inconvénient avoué : son prix. Disponible pour l’instant uniquement en Australie, la batterie à hydrogène y est vendue à 34.750 dollars australiens soit 22.000 euros. La startup promet un tarif de 18.700 euros lors du lancement à l’international, prévu pour 2022, mais ce prix reste environ 3 fois plus cher que celui d’un Powerwall 2 par exemple.
À lire aussi Transports ferroviaires : l’hydrogène est trop cher !Promesses et réalité
Malheureusement trop peu de gens comprennent cette réalité fondamentale de la physique : chaque fois qu’une forme d’énergie est transformée en une autre forme, une partie de cette énergie est « perdue » sous forme de chaleur. L’importance de cette perte détermine le rendement de la conversion. Celui des différentes batteries domestiques li-ion citées plus haut, qui stockent l’électricité sous forme chimique puis la restituent lors de la décharge, varie entre 90 et 93 %. En d’autres termes, plus de 90 % de l’électricité produite par vos panneaux photovoltaïques et stockée dans la batterie seront restitués et donc utilisables dans votre foyer.
Qu’en est-il pour la batterie à hydrogène de Lavo ? La plupart des experts admettent généralement que le rendement de l’électrolyse de l’eau pour fabriquer de l’hydrogène est d’environ 70%. Celui de la restitution d’électricité dans une pile à combustible est d’environ 50 à 60 %. Même en ne tenant pas compte du rendement du stockage de l’hydrogène gazeux à 30 bars dans des hydrures métalliques solides (pour lequel je ne dispose pas de chiffes), le rendement global de cette batterie à hydrogène est donc, au mieux, de 42 % (0,70 x 0,60) et probablement encore beaucoup moins. Conclusion : en utilisant cette forme de stockage, vous « perdez » au moins 60 % de l’électricité générée par votre installation de production. Au final la capacité réelle de stockage de cette batterie à hydrogène est donc sans doute inférieure à 15 kWh, soit l’équivalent de celle des batteries li-ion domestiques.
En ce qui concerne la « compacité » vantée par Lavo, la surface annoncée de sa batterie placée contre un mur est de 1,6 m2 contre 0,86 m2 pour la Powerwall 2 de Tesla. Tout est dit.
Vous avez dit « toxique » ?
Quant à l’affirmation selon laquelle la batterie à hydrogène ne contiendrait pas d’éléments « toxiques » contrairement aux batteries lithium-ion, elle relève tout simplement de la malhonnêteté intellectuelle. Il n’y a pas d’élément véritablement « toxique » dans les batteries li-ion comme il n’y a d’ailleurs aucune « terre rare » malgré les fakes news qui circulent trop souvent à ce sujet. Si certains métaux qu’elles contiennent comme le lithium ou le cobalt font l’objet de polémiques, nous avons déjà expliqué sur ce site qu’il s’agit de rumeurs infondées et malheureusement trop souvent propagées. L’eau de mer contient environ 1,8 mg de lithium par litre et aucun baigneur ni aucun poisson n’en a jamais souffert. Quant au cobalt, c’est un oligoélément dont le corps humain à besoin. Il est notamment associé à certaines protéines et surtout à la vitamine B12. En outre, ces métaux sont hermétiquement enfermés dans les batteries li-ion et ne peuvent éventuellement s’en échapper qu’en cas d’accident pouvant détruire l’enveloppe de la batterie, lesquels sont très rares.
Faut-il par contre rappeler que les piles à combustibles comme celles qui sont présentes dans ces batteries à hydrogène, contiennent du platine, l’un des métaux les plus rares dans l’écorce terrestre. Depuis qu’il est utilisé comme catalyseur, on commence à le détecter dans tous les compartiments de l’environnement et notamment dans l’atmosphère urbaine. La pluie lessive l’air et les eaux de ruissellement l’apportent aux stations d’épuration. Selon Wikipédia, « les taux de platine augmentent jusque dans l’urine humaine et tous ses composés sont hautement toxiques ».
À lire aussi L’empreinte écologique des batteries : rumeurs et réalitésRisques d’explosion
Reste la question de la sécurité. Les hydrures métalliques sont très réactifs à l’air et à l’humidité. Une réaction produisant de la chaleur et de l’hydrogène peut se produire. Or l’hydrogène gazeux est la plus petite des molécules. Les risques de fuites sont donc plus importants qu’avec n’importe quel autre gaz. Il est en effet difficile de rendre complètement étanche les réservoirs et tuyauteries contenant de l’hydrogène surtout lorsque celui-ci est comprimé : ce gaz inodore et incolore peut s’échapper par des ouvertures microscopiques.
Sachez aussi que l’hydrogène est très facilement inflammable : l’énergie requise pour l’enflammer est dix fois plus faible que celle qui est nécessaire pour allumer le gaz « naturel ». De plus, lorsque l’hydrogène est comprimé et qu’une fuite a lieu, le nuage de gaz se détend fortement et il se produit ce qu’on appelle un effet Joule-Thompson inverse. L’hydrogène qui s’échappe s’échauffe, et cela peut être suffisant pour qu’il s’enflamme spontanément. Cette faible valeur de l’énergie minimale d’ignition pour le mélange hydrogène-air augmente donc considérablement le risque d’explosion.
C’est probablement ce scénario qui s’est produit en juin 2019 lors de l’explosion d’une station de distribution d’hydrogène en Norvège. Des accidents de ce type ne sont d’ailleurs pas rares dans les usines de production d’hydrogène.
En conclusion, il nous semble que si l’hydrogène est à la mode – pour des raisons qui ne sont d’ailleurs souvent pas très rationnelles – son utilisation dans une batterie domestique ne soit pas une idée géniale. Nous regrettons d’ailleurs que de nombreux confrères journalistes se soient contentés de reproduire tel quel le communiqué de Lavo et les avantages mirobolants qu’il annonce sans exercer un minimum d’esprit critique …
Et vous, seriez-vous prêts à vous procurer une batterie Lavo trois plus chère et deux fois plus volumineuse qu’une batterie domestique classique ; qui vous fait perdre plus de 60 % de l’électricité produite par vos panneaux et représente un risque d’explosion dans votre habitation ?
À lire aussi La chaudière à hydrogène débarque en France
Je lis à nouveau cet article et me pose les questions :
Personnellement je ne crois pas en l’hydrogène « domestique », les avantages écologiques se font effacés par le coût et les pertes. Je pense que le domaine où l’hydrogène a le plus de potentiel est le monde navale, quand on voit la pollution qu’engendrent les bateaux et leur consommation (sans compter les marrés noires), il y a aussi le domaine aéronautique mais là c’est beaucoup plus compliqué (pressurisation, énorme danger en cas de fuite, voir pire…), au moins avec les bateaux il serait plus facile de contrôler si les machines/réservoirs que sur des voitures appartenant à des particuliers.
Il ne faut pas mettre en concurrence le stockage en batterie électrochimique et le stockage en hydrogène. Au contraire, les 2 technologies sont complémentaires par leurs domaines d’application : la batterie électrochimique pour les courtes durées et les fréquences de charge/ décharge élevées, typiquement journalières, donc des quantités modestes : 10 à 15 kWh pour les applications domestiques, avec un bon rendement, mais un coût encore assez élevé : 100 à 150 €/kWh sortie usine, et donc beaucoup plus une fois installée… le stockage hydrogène pour les durées longues et des fréquences de charge / décharge faibles : typiquement hebdomadaire,… Lire plus »
Même si les principes sont connus, on reste au début de l’hydrogène. La perte dont vous parlez va être minimiser dans les années à venir. (Pour les 70% de rendement, les récentes solutions atteignent plus de 95%).
Il me semble qu’il existe une technologie prometteuse s’appuyant sur l’hydrogène
https://www.industrie-techno.com/article/la-technologie-d-electrolyse-du-cea-qu-exploitera-genvia-pour-produire-de-l-hydrogene-atteint-99-de-rendement-se-rejouit-julie-mougin-du-cea-liten.63839
Bonjour, ayant lu l’article et les commentaires, je n’ai vu nulle part évoquée la notion de bilan carbone : est ce volontaire ? est ce que je suis à côté de la plaque (on ne parle ici que de rendement énergétique, de perte en capacité dans le temps…)…merci d’éclairer ma (vieille) lanterne.
Patrick BORG
Le bilan carbone n’est pas évoqué dans l’article tout simplement parce qu’il n’est pas communiqué par la société Lavo.
L’article se termine par un renvoi sur un autre sur l’utilisation de l’Hydrogène pour le chauffage : effectivement celle-ci apparait bien plus valable que celle pour la production d’électricité, d’autant que les piles à combustibles ne durent pas très longtemps.Ceci dit, c’est la situation actuelle ( quid de l’amélioration en cours des rendements, et de l’abandon du platine ?). Et il n’y a pas à considérer que la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau : cf., par exemple, l’article mentionné à Révolution énergétique sur la dégradation des plastiques par une équipe anglaise Une question à propos du chauffage: , dans… Lire plus »
Bonjour, je serais moins sévère que vous. Comme vous, je n’aime pas trop l’hydrogène pour les raisons données par Elon Musc et que vous rappelez (Efficacité de boucle catastrophique. Lui parle de 10% # 33% x 33%). Mais il reste un trou dans la raquette d’Elon et des énergies renouvelables, c’est le stockage de très longue durée nécessaire pour passer les pics hivernaux ou la consommation est au maximum quand la production renouvelable frôle le zéro durable. Vous ne devez pas oublier le Phantom drain sur les batteries Li-Ion. Ma TESLA Model X 100D perd de l’ordre de 2% de… Lire plus »
L’article est sévère pour les batteries domestiques à hydrogène qui ne sont pas des systèmes de stockage de long terme. Donc il ne concerne pas tous les usages de l’hydrogène. Si certains ne me semblent pas judicieux (je suis du même avis qu’Elon Musk sur les véhicules à hydrogène), je pense que l’hydrogène pourrait être utile pour d’autres usages. Nous avons par exemple écris des articles sur son emploi dans la sidérurgie où il n’y a pour l’instant pas d’autre alternative verte à l’utilisation de charbon. Pour le stockage à long terme (inter saisonnier) il pourrait aussi être intéressant. Concernant… Lire plus »
Le succès assez récent de l’hydrogène me semble être corrélé avec les partisans du nucléaire (on les entend beaucoup ces derniers temps) qui, pour justifier les coûts faramineux des centrales ont besoin d’un système particulièrement énergivore. Avec une politique ou l’hydrogène aurait une place prépondérante, le besoin en production d’électricité serait deux fois supérieur. Cette politique permet de mettre en avant un argument de poids (le seul à mon avis) la capacité de production d’électricité importante que possède une centrale. Et cela au détriment du bien commun, pour le bien être de quelques-uns (décideurs et autres politiques, qui de par… Lire plus »
Pour sûr que le nucléaire pourrait profiter autant, de plus de stockage d’électricité efficace, que les renouvelables, et ce pour des raisons différentes. Les renouvelables avant tout en ont besoin, surtout sur les courtes durées pour pallier à leur intermittence, mais aussi sur de longues durées pour les pics hivernaux et là les solutions sont bien plus rares donc il ne faut à priori rien exclure. Plus de stockage avec le nucléaire permettrait d’augmenter la profondeur de la base de puissance électrique qu’il est capable de couvrir. Donc les deux y ont intérêt.
Merci Bernard, de remettre les pendules à l’heure concernant l’hydrogène. La production d’hydrogène faisant perdre une part significative de l’énergie électrique utilisée, elle est surtout intéressante quand cette énergie électrique ne peut être utilisée localement, ni transportée par des réseaux, par exemple en pleine mer.
On peut même envisager dans ce cas une transformation en méthane (vert), pour un transport et un stockage plus aisés, pour peu qu’on dispose de carbone.
Quelles sont les solutions efficaces pour du stockage d’électricité résidentiel longue durée dans du méthane ? Quels sont les risques ? Je trouvais la solution hydrogène toute en un proposée par cette start-up assez élégante pour son usage de niche ciblé. Je veux arriver à du Off Grid complet 365 jours par an et 24*7, pour ma maison secondaire à Construire dans les 5 ans à venir. Suis parti sur du sur-provisionnement en panneaux solaires, pret à monter jusqu’à 40 voir 50KWc, pour une maison de 300m2 à énergie positive avec jusqu’à 3 TESLA à charger en plus d’une maison… Lire plus »
Cette batterie à hydrogène n’est certainement pas une solution pour du stockage longue durée. Sa capacité de stockage est limitée, au mieux à 48 hr de consommation d’un ménage moyen. Quant aux risques, si vous avez lu l’article jusqu’au bout, vous devriez comprendre qu’ils ne sont certainement pas négligeables.
Pire que s’échapper par de minuscules interstices comme écrit par Bernard, l’atome d’hydrogène est si petit qu’il s’échappe naturellement en passant entre les molécules constituant l’enveloppe du matériaux destiné à le contenir (réservoir, canalisations, mécanismes de vannes,….) qui n’offrent en réalité à l’échelle où se produit le phénomène qu’une étanchéité de chicanes contournées par l’atome d’hydrogène uniquement ralenti par les méandres à franchir pour se retrouver à l’extérieur de l’enceinte « d’étanchéité » avant de prendre rapidement la direction de la haute atmosphère.
Si ce que vous dites est vrai cela excluerait aussi l’hydrogène pour le stockage de longue durée nécessaire pour passer les pics hivernaux en résidentiel off grid complet (Ce que cible ce produit innovent). Êtes vous certains qu’il n’y a pas de solution technique pour éviter ça ? L’avez vous mesuré personnellement ou es-ce un commentaire spéculatif ? Aligné sur Elon Musc pour l’essentiel, Je suis pas du tout un pro Hydrogène, mais là ils sont sur un use case de stockage longue durée qui est le principal trou dans la raquette d’Elon et des Plays 100% renouvelables. Donc faut… Lire plus »
Il y a un moyen, baisser l’entropie thermodynamique.
Pour qu’un atome ne s’échappe pas il faut qu’il arrête de bouger.
La solution est toute simple, il faut refroidir.
C’est la raison pour laquelle le stockage d’hydrogène est fortement refroidi et donc énergivore, notre planète n’étant pas un glaçon.