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Nouveau nucléaire, prix de l'électricité : pourquoi Luc Rémont n'a pas été reconduit à la tête d'EDF ?

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Par Ugo PETRUZZIPublié le 24 mars 2025

Après deux ans et demi à la tête d’EDF, Luc Rémont a été brutalement écarté par l’exécutif. Dans une interview accordée au Figaro, le dirigeant revient sur les désaccords profonds qui ont mené à cette décision.

L’annonce du départ de Luc Rémont de la tête d’EDF, officialisée le 21 mars, a sonné comme un coup de tonnerre, fruit d’une différence de vision avec l’État. Le point de rupture ? Une divergence de vision sur la gestion de l’entreprise. « Nous avons fondamentalement une vision différente de ce que doit être EDF et de la manière dont cette entreprise doit être dirigée », confie-t-il dans une interview confidences au Figaro.

Alors que le gouvernement pousse pour un contrôle plus strict des prix de l’électricité, M. Rémont défendait une approche plus industrielle et compétitive. « EDF doit être performante et compétitive. Une part importante de l’État considère qu’elle doit fonctionner comme une régie. Je ne crois pas que ce soit la voie de la performance », regrette-t-il.

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En froid avec certains industriels

« Tant que l’entreprise était, comme je l’ai trouvée à mon arrivée, en situation d’urgence, cette différence d’appréciation n’était pas une priorité pour l’État. Dès lors qu’EDF s’est redressée – en deux ans, la production a progressé de 30 %, la situation économique s’est améliorée, la dette est stabilisée -, les enjeux d’avenir se sont posés et ont révélé des tensions. Je les pensais solubles », s’est-il trompé.

Accusé par le PDG de Saint-Gobain d’avoir « fait un bras d’honneur à l’industrie française » en mettant des volumes d’électricité aux enchères, Luc Rémont réfute vigoureusement. « EDF n’a pas de leçon de patriotisme industriel à recevoir, en particulier de la part d’une entreprise qui vit depuis des décennies de politiques publiques à la rénovation et à l’efficacité énergétiques », visant directement Saint-Gobain.

Il rappelle que l’entreprise a œuvré pour garantir un prix stable et compétitif. « EDF est là pour rendre service aux Français dans des conditions d’équité. Nous avons pris des engagements très forts fin 2023 pour sortir du schéma de l’Arenh, qui tuait EDF, et mettre en place des contrats de long terme. Des milliers d’entreprises y ont adhéré », assure-t-il.

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Un programme nucléaire sous-financé ?

Autre point de crispation : le financement du nouveau programme nucléaire français, notamment la construction des six réacteurs EPR2. « L’État français en fait significativement moins. J’ai demandé des choses simples : un prêt d’État non bonifié, pour limiter le volume des émissions obligataires d’EDF. J’ai aussi souhaité un « pacte de confiance » sur les prélèvements de l’État sur EDF, et que l’on prévoie une compensation en cas d’impact important de mesures sur EDF. Je n’ai pas été entendu. »

Dans un dernier réquisitoire, l’ancien PDG livre sa vision du mix énergétique : « nous devons sécuriser la production pilotable, notamment nucléaire et hydraulique, et ajuster le développement des énergies intermittentes ». « Je pars comme je suis arrivé, sans rien demander », pensant au challenge qu’a représenté la mission de redresser les comptes d’EDF. Son successeur pressenti, Bernard Fontana, actuel directeur de Framatome et d’Arabelle Solutions, devra désormais composer avec les mêmes défis et la pression d’un État désireux de reprendre la main sur l’énergéticien public.

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