Trainée de condensation d'un Airbus A380 / Image : Pixabay.
Aujourd’hui, les énergies fossiles, c’est trois quarts de l’énergie consommée en Europe. Des carburants, notamment. D’où l’idée de produire, demain, par exemple, du kérosène durable à partir de biomasse renouvelable. Mais, si nous voulons vraiment continuer à faire voler nos avions, cela ne suffira pas. « Nous aurons aussi besoin de beaucoup d’électricité bas-carbone », prévient l’Académie des technologies.
Le « kérosène durable » est un carburant dont le bilan carbone est quasiment nul. Le résultat d’une sorte d’économie circulaire du carbone. Et c’est donc l’une des solutions qui pourraient nous permettre, demain, de continuer à voyager en avion sans trop nous blâmer. À quelles conditions ? L’Académie des technologies répond à la question dans un rapport publié le mois dernier.
« Pour décarboner le secteur de l’aviation, la solution des carburants durables nous semble la plus porteuse d’avenir », explique Daniel Iracane du pôle Énergie de l’Académie des technologies. « Ils pourraient permettre de diviser les émissions par dix. Ramener un aller-retour entre Paris et New York en avion à l’équivalent d’un aller-retour en voiture entre Paris et Bordeaux. » Le tout en restant compatible avec les avions et les infrastructures d’aujourd’hui.
La difficulté, c’est que pour cela, il faudra tout de même que la France arrive à produire 6 millions de tonnes de kérosène durable à l’horizon 2050. L’objectif défini par la directive européenne ReFuelEU en cours de finalisation. « Et même si le trafic n’évoluait pas autant à la hausse que prévu, cela ne changerait pas grand-chose au problème », assure Daniel Iracane.
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Rappelons que pour produire du kérosène durable, il faut du carbone, de l’hydrogène et de l’énergie. Compter sur la biomasse, c’est techniquement l’idéal. À elle seule, elle apporte tous ces ingrédients. « Pour en tirer le maximum — c’est important compte tenu de la compétition avec d’autres secteurs —, il est tout de même important de lui apporter un peu plus d’hydrogène », explique Daniel Iracane. Un hydrogène qui devra être produit à partir d’une énergie décarbonée et commence à se dessiner le lien entre kérosène durable et électricité bas-carbone.
Son contour devient encore plus clair lorsque l’Académie prévoit que la disponibilité de la biomasse ne sera pas suffisante pour satisfaire plus du quart de nos besoins en la matière. D’autant que des incertitudes planent sur l’évolution de la qualité des sols ou encore sur les impacts des changements climatiques. Sans parler des arbitrages qui devront être faits entre les usages (alimentation humaine ou animale, bois énergie, préservation de la biodiversité, etc.).
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Pour atteindre l’objectif, il faudra compter, en plus, sur la production de carburants de synthèse. À partir de beaucoup d’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau grâce à une électricité bas-carbone — la revoici — et de carbone issu d’un CO₂ capté dans les rejets industriels ou dans l’air.
En consacrant 10 % de la bioénergie disponible dans notre pays à la production de kérosène durable, l’Académie calcule qu’il faudra ajouter, pour atteindre nos objectifs, d’abord quelque 20 térawattheures (TWh) d’électricité bas-carbone d’ici 2035 puis finalement pas moins de 170 TWh en 2050 (ce qui représente 37 % de la consommation nationale d’électricité en 2022).
À lire aussi Des carburants pour voler « vert »Grâce à un mix électrique déjà largement décarboné, la France a l’opportunité d’initier dès à présent une filière industrielle de carburant durable. Et ça tombe plutôt bien. « Parce que notre budget carbone s’érode chaque jour un peu plus. Il faut faire vite », rappelle Daniel Iracane. « Avec le prolongement de la durée de nos centrales nucléaires, l’ajout de quelques réacteurs supplémentaires et une croissance soutenue de l’éolien et du solaire, nous devrions disposer, sur la période 2030-2040, d’une centaine de TWh pour déployer un premier palier industriel pour la décarbonation en général. » Ensuite, il nous faudra ni plus ni moins que doubler notre production d’électricité.
En faisant quelques hypothèses sur l’industrialisation, la maturité et l’efficacité des technologies, l’Académie évalue le prix du kérosène durable de demain à environ 2 € le litre. C’est cher, mais cela place à environ 300 € le coût de la tonne de CO₂ évitée. Justement la valeur que les experts lui attribuent dans la décennie qui vient. « Les choses ne se feront pas d’elles-mêmes », conclut Daniel Iracane. « Il nous faudra accepter pour cela l’idée d’une économie de l’effort. Parce que le kérosène durable, c’est non seulement faisable, mais aussi souhaitable. »
Commentaires
De toute façon, les carburants fossiles ne seront pas éternels. Il parait qu'on a déjà franchi le pic du pétrole. Pour le gaz naturel, le pic sera franchi dans quelques années (10,20,30 ans ?). Donc autant lancer les recherches sur ces carburants de substitution dès maintenant, afin d'obtenir le meilleur prix de fabrication le plus tôt possible.
Par ailleurs, les turbopropulseurs sont plus économes en carburant que les turboréacteurs (-30% ?), certes au prix d'une vitesse maximale limitée à 700km/h (au lieu de 800/900 km/h pour les avions à réaction). On mettrait 2 heures de plus pour traverser l'Atlantique. Il y a là peut-être également à gratter de ce côté. Verra-t-on des avions tubopropulseurs de 300 passagers dans 30 ans en remplacement des actuels A350 ?
Quant aux carburants potentiels...le e-méthanol me semble techniquement bien positionné : conditions de stockage identiques aux carburants liquides actuels (notamment face aux basses températures de la haute altitude), avec toutefois un petit ou gros bémol : sa densité énergétique au litre n'est pas au top : il faudrait augmenter le volume des réservoirs. Rien d'insurmontable : sur les avions à hélice, la surface ailaire est plus grande pour compenser la plus faible vitesse, donc on peut aussi y loger davantage de carburant.
Tout ça pour des déplacements majoritairement de loisirs, il vaut mieux essayer d'en rire.