Propulser un avion grâce à un jet de plasma créé par de l’électricité ? Ceci n’est pas de la science-fiction, mais le projet bel et bien réel de Sylphaero, une start-up bordelaise. Cette technologie vise les avions à réaction, qui représentent près de 95 % du marché.
L’électrification dans l’aéronautique est un objectif notoirement difficile, plus complexe encore que dans l’automobile. Les avions, en effet, ne peuvent pas tolérer une augmentation significative de leur masse et de leur volume, et les batteries électriques sont plus lourdes et plus volumineuses que les hydrocarbures. L’équation est donc très compliquée. Si les développements récents des batteries ouvrent aujourd’hui la porte à l’avion électrique, une autre difficulté réside dans le choix de la technologie du moteur, et donc dans la performance de l’avion.
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Expliquons-nous. La propulsion aérienne repose sur deux technologies principales. En premier lieu, le turbopropulseur, qui équipe ce que l’on peut appeler « l’avion à hélices ». Ici, l’énergie libérée par la combustion des hydrocarbures entraîne un axe de rotation qui transmet ses efforts à une hélice. Cette hélice a pour fonction d’accélérer l’air environnant pour générer la poussée qui permet la mise en mouvement de l’avion.
En second lieu, les avions à réaction. Ces derniers sont équipés de moteurs, appelé turboréacteurs, dans lesquels l’énergie libérée par la combustion des hydrocarbures est directement injectée dans l’air, préalablement comprimé par une turbine. Et c’est l’échappement de cet air chaud vers l’arrière de l’avion qui génère la poussée, sans qu’il y ait besoin d’hélice.
Pour les moteurs à hélice, il est relativement aisé de remplacer un moteur thermique par un moteur électrique, puisque ce dernier peut directement actionner l’hélice. Ainsi, il existe de nombreuses sociétés qui visent ce marché, comme Aura Aero, qui a décroché une importante commande en fin d’année dernière. Cependant, pour ce type d’avion, la vitesse de vol est limitée à 800 km/h environ, du fait qu’une hélice perd son efficacité à l’approche de la vitesse du son. Et c’est la raison pour laquelle près de 95 % des avions sont aujourd’hui équipés de moteur à réaction.
L’électrification du transport aérien devra donc passer par l’électrification des avions à réaction. Toutefois, il n’est pas simple de réaliser la même substitution pour les moteurs à réaction que pour les moteurs à hélice. En effet, dans ce cas, les moteurs électriques ne sont d’aucune aide, puisqu’il faut directement injecter l’énergie électrique dans l’air. Mais Sylphaero a pour ambition d’y parvenir.
Le plasma, avenir de la propulsion aérienne ?
La startup française Sylphaero mise sur une technologie électrothermique permettant de réchauffer l’air à partir d’électricité. Pour ce faire, elle utilise un arc électrique, c’est-à-dire précisément le phénomène qui a lieu dans les éclairs, et qui est capable de porter l’air à une température extrêmement élevée, jusqu’à 20 000°C. À cette température, l’air est transformé en plasma. Ce plasma est ensuite accéléré comme dans un réacteur classique et éjecté à l’arrière de l’appareil.
La société Sylphaero a été fondée par deux ingénieurs : Tom Bernat et Damien Engemann. Elle est basée à Mérignac (Gironde) depuis 2021. Elle a pu bénéficier d’un soutien financier de la Région Nouvelle-Aquitaine, de Bpifrance, ainsi que de prêts d’Airbus, du Réseau Entreprendre et du CNES (Centre national d’études spatiales). L’équipe travaille à la conception d’un moteur de démonstration, de 90 kW, permettant de démontrer la faisabilité technique ainsi que les performances. Un enjeu de taille est de démontrer la tenue à longue durée des matériaux aux températures du plasma, en moyenne de 3 000 °C, mais pouvant localement dépasser 10 000 °C.
Ce prototype permettra de convaincre des investisseurs. Sylphaero aura en effet besoin d’environ 30 millions d’euros pour espérer démontrer le fonctionnement de son réacteur en vol. Avec les batteries actuelles, la société envisage que les avions puissent bénéficier d’une autonomie allant jusqu’à 1 500 km, soit 80 % des vols d’affaires en Europe. Les applications à long terme de la technologie vont en outre bien au-delà de l’aviation. De tels propulseurs électrothermiques à arc pourraient également servir au secteur spatial, notamment pour de premiers étages de fusées réutilisables. De larges perspectives, donc. Souhaitons bonne chance à l’équipe au cœur de cet enthousiasmant projet.
Sylphaero propose une courte vidéo du test de son système de chauffage de l’air par arc électrique :
Le dispositif décrit dans cet article n’est en rien nouveau : il s’agit d’un dispositif de propulsion plasmique. Son principe est d’accélérer des ions lourds dans un champs électrique intense. Ce type de propulsion est déjà utilisé depuis plusieurs années pour les moteurs d’apogée de certains satellites. En France, ils sont d’ores et déjà conçus et fabriqués par une filiale du groupe aéronautique et spatial Safran. C’est efficace pour générer une poussée très faible mais continue pendant de très longues durées, ce qui permet d’atteindre dans le vide de l’espace des vitesses respectables (à condition d’avoir du temps d’accélération devant… Lire plus »
« et les batteries électriques sont plus lourdes et plus volumineuses que les hydrocarbures » D’accord pour le concept plasma. Mais une question reste en suspend. Le plasma étant généré par étincelle électrique, donc à l’origine par une batterie. J’aimerais qu’on m’explique en quoi ce réacteur à plasma résoudrait la problématique de la densité énergétique insuffisante des batteries. Ou alors on passe dans une solution ammoniac/hydrogène > pile-à-combustible > électricité > réacteur à plasma La masse de la pile-à-combustible à embarquer ne serait-elle pas équivalent à la masse des batteries qu’on est censé éviter ? Par ailleurs, la vitesse limite raisonnable des… Lire plus »
Une erreur dans le texte. La turbine du turboréacteur ne comprime pas des gaz chauds. la compression se fait en amont par compresseur. La détente dans la turbine fournit l’énergie pour actionner ce compresseur. Si on ne veut pas avoir le compresseur, le propulseur devient statoreacteur et il n’y a pas de turbine, non plus. La compression se réalise dans la prise d’air quand le vol s’effectue à grande vitesse. Mais le statoreacteur nessesite la mise en vitesse préalable. Il ne peut pas être utilisé pour le décollage ni pour atterrissage.
Félicitations pour la trouvaille.