Illustration : Getty, montage RE.
Du froid et de l’humidité. Les conditions météo actuelles sont parfaites pour déclencher les canons à neige, avant le démarrage de la saison 2023-2024. Mais à quel prix ?
Avec le réchauffement climatique, beaucoup de stations de ski connaissent une baisse de leur enneigement naturel. L’été dernier, une étude avançait même que dans un monde à +2 °C, la moitié des stations européennes serait confrontée à un risque « très élevé » de manque de neige. La tentation de faire appel à des canons à neige — des enneigeurs, préfèrent dire les professionnels du tourisme — pour couvrir les domaines skiables de neige artificielle se fait ainsi de plus en plus grande. Mais la pratique fait grincer les dents. Parce que les canons à neige prélèvent beaucoup d’eau, d’abord. Pour un hectare, l’équivalent, chaque saison, d’une piscine olympique. Or, Domaines skiables de France recense 25 000 hectares de pistes rien que dans notre pays…
Les canons à neige gagnent en sobriété
Mais les canons à neige consomment aussi de l’électricité. Car, pour produire de la neige artificielle, il faut à la fois de l’eau et de l’air comprimé. Ainsi, les installations reposent-elles sur des pompes à eau et des compresseurs qui prélèvent de l’air en extérieur avant de le comprimer et de l’envoyer vers les canons à neige. Le tout doit aussi être refroidi à la température idéale et ensuite pulvérisé vers les pistes.
Depuis quelques années, les technologies ont gagné en efficacité. La consommation des canons à neige de type « perches » — c’est la majorité de ceux que l’on trouve en France — aurait été divisée par 10 depuis la fin des années 1990. Celle des enneigeurs de type « ventilateurs » aurait, quant à elle, diminué de 20 %. Ainsi, la station des Saisies (Savoie), par exemple, déclarait une consommation de plus de 1 300 MWh pour la saison 2018-2019, mais de « seulement » 950 MWh pour la saison 2021-2022. Toutefois, selon Domaines skiables de France, il faudrait toujours entre 1 et 3 kWh pour produire 1 m3 de neige. Cela reste non négligeable.
Quelle est la puissance installée du parc français de canons à neige ?
Selon le rapport « Neige de culture, état des lieux et impacts environnementaux », la puissance cumulée des systèmes d’enneigement artificiel français s’élevait à 262 MW en 2009, soit « environ le quart d’une tranche nucléaire » précise le document. Elle était d’environ 125 MW dix ans auparavant, en 1999, et proche de zéro en 1980. Mais qu’en est-il en 2023 ? Si la donnée officielle est désormais introuvable, il est assez facile de l’estimer à partir de la surface couverte par les canons à neige de nos jours (environ 10 000 ha) et de la puissance moyenne des machines par hectare, qui s’élève à 50 kW. La puissance cumulée de l’enneigement artificiel s’établirait donc un peu en dessous de 500 MW. C’est, par exemple, l’équivalent de la puissance maximale des 80 turbines du parc éolien en mer de Saint-Nazaire.
Multiplication des installations de canons à neige
D’autant que le nombre de canons à neige déployés en France ne cesse d’augmenter. Il y a 15 ans, seulement 20 % de la surface des pistes étaient équipées. En 2022, la part était passée à près de 40 %. Résultat, Domaines skiables de France estime à plus de 110 GWh la consommation électrique annuelle pour la production de neige de culture dans notre pays. Même si seulement 10 % de la neige française serait aujourd’hui artificielle, sa production consommerait donc l’équivalent de celle de près de 25 000 foyers !
Dans les autres pays d’Europe, la part de pistes équipées pour la production de neige artificielle est bien plus importante. Jusqu’à près de 90 % en Italie. Ainsi, certains cherchent désormais à optimiser les installations initialement destinées à produire de la neige artificielle. En chutant au travers de quelques turbines, l’eau nécessaire au bon fonctionnement des canons à neige peut en effet aussi servir à produire de l’électricité. La station de La Thuile (Italie) produirait ainsi 20 % d’électricité de plus que ce que consomment ses canons à neige.
Notez qu’une autre pratique qui permet d’avancer le début de la saison, notamment, fait aussi de plus en plus d’adeptes, celle dite du snowfarming. Grâce à des canons à neige, les stations produisent de la neige artificielle en excès pendant l’hiver — lorsque les températures et l’humidité le permettent. Celle-ci est stockée en gros tas protégés par de la sciure de bois, par exemple. Et elle se conserve — pour environ 70 % de son volume — jusqu’à l’année suivante. Le tout également, dans une folle débauche d’énergie. Et l’implication parfois de dizaines ou de centaines de camions pour livrer la neige au bon endroit. Une pratique qui interroge nécessairement…
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Commentaires
On a ici un bel exemple d'effet rebond.
Les canons sont plus efficaces, mais comme le nombre augmente plus vite que l'efficacité, la consommation totale augmente.
Raison pour laquelle je ne crois pas trop que l'efficacité sera utile pour decarbonner (bien sur on peu trouver des exemples mais c'est une remarque générale)
Pour info. si les canons à neige consomment de l'énergie, on ne peut pas affirmer qu'ils consomment de l'eau. En effet l'eau utilisée, et transformée en neige, est relâchée lors de la période de fonte. Ceci ayant l'avantage de 'lisser' la répartition de production d'eau dans l'année. Pour que ça ait un intérêt il faut néanmoins que le captage de l'eau d'origine soit respectueuse de l'environnement.
Une autre remarque c'est la possibilité, pour les usines à neige situées en station, de chauffer les logement avec la chaleur générée par les échangeurs. Bien sûr ça ne fonctionne pas avec les canons qui sont sur les pistes et ça ne règle pas le pb du transport de la neige.