Nombreuses sont les PME qui se lancent dans l’aventure de l’éolien domestique, en présentant des concepts novateurs, lesquels promettent tous de révolutionner le secteur du petit éolien. Cette fois, c’est Unéole, une start-up lilloise, qui vient d’annoncer le lancement d’une éolienne urbaine fabriquée à partir de matériaux recyclés, et associant l’énergie du vent à celle du soleil. Une combinaison gagnante a priori, mais gare aux retours de pales.
Depuis 2014, Quentin Dubrulle développe une éolienne urbaine à travers sa start-up Unéole, dont l’atelier de fabrication est basé à Arras. La génératrice, d’un peu moins de 4 mètres de haut et 2 mètres de diamètre, est de type Savonius. L’objectif de Quentin Dubrulle était de concevoir une machine plus silencieuse, moins encombrante, plus écologique et surtout moins onéreuse que les classiques éoliennes tripales que l’on installe en milieu rural.
Le résultat de ses recherches a débouché sur une turbine à axe vertical, composée de trois étages comportant chacun plusieurs godets demi-cylindriques vrillés autour de l’axe de rotation. Le concept permet ainsi une prise au vent continue.
L’éolienne Unéole, dont le prix annoncé avoisine les 5.000 euros, produirait environ 1.000 kWh par an, soit un quart des besoins en électricité d’un foyer de quatre personnes.
Trop peu de vent en toiture
Va-t-on voir les éoliennes domestiques à axe vertical se multiplier sur les toits de nos habitations et des immeubles de bureaux ? Quentin Dubrulle en est persuadé.
S’il est vrai que les normes E+/C- (Bâtiments à Energie Positive et Réduction Carbone), en vigueur depuis novembre 2016, nécessitent d’installer des équipements d’énergies renouvelables et de réduire l’empreinte carbone des immeubles, la multiplication des éoliennes urbaines n’est pas pour autant garantie.
Car le vent contourne les obstacles, et ne s’engouffre pas dans une cavité ou un tunnel. Par conséquent, lorsqu’il rencontre un bâtiment, il l’évite et crée en son sommet une bulle, à l’intérieur de laquelle se forment des turbulences de faible intensité.
Pour produire suffisamment d’électricité, une éolienne en toiture doit dès lors être placée en hauteur, afin de sortir de la bulle. Ce qui pose des difficultés techniques en termes d’arrimage et de poids des fondations.
Une éolienne domestique ou urbaine, si bien conçue soit-elle, doit idéalement remplir deux conditions pour fournir un rendement tout juste comparable à celui d’une tripale implantée en plaine :
- être installée en hauteur, au minimum à 15 – 20 mètres au-dessus du sommet de l’immeuble ;
- être éloignée de tout obstacle qui crée de la « rugosité » et freine les vents environnants.
Est-ce rentable ?
Le fabricant annonce une production annuelle 1.000 à 1 500 kWh, mais propose d’augmenter le rendement global en combinant l’éolienne à des panneaux photovoltaïques. Une idée a priori judicieuse puisque l’installation produira de l’énergie tant en hiver lorsque le zéphyr souffle, qu’en été lorsque le soleil darde ses rayons. Mais le coût global de l’investissement s’en trouve accru, plombant ainsi la rentabilité du projet.
Le coût de production serait compris entre 12 et 14 centimes d’euro le kilowattheure. Acceptable, direz-vous, sauf que les chiffres annoncés n’ont pas fait l’objet d’une certification.
Des éoliennes rarement certifiées
Dans la catégorie du « petit éolien », la certification européenne IEC 61400-2 (International Electrotechnical Commission ) fait référence, et est en vigueur dans plus de 100 pays. Le problème est qu’elle n’est pas requise dans le cadre d’une commercialisation, alors que les éoliennes de grande puissance doivent obligatoirement se conformer aux standards IEC.
La norme IEC61400-2 prévoit un processus de contrôle à ce point exigeant que les Britanniques s’en sont inspirés pour établir leur propre label MCS 006.
La certification IEC se compose d’une batterie de mesures, qui testent dans des conditions extrêmes non seulement la résistance des matériaux, la solidité des composants électriques et électroniques, mais également la fiabilité de la génératrice, la qualité du béton à utiliser, etc.
Ce processus, qui atteste que l’éolienne est fiable et que les performances annoncées sont conformes, a un coût. Comptez entre 200.000 et 300.000 euros pour un processus de certification complet.
Ceci explique que de nombreux constructeurs, vu l’étroitesse du marché de l’éolien domestique, se passent de certification, ou se contentent d’une simple épreuve sur un site de test, mais développent une stratégie marketing si bien élaborée qu’elle réussira à mettre le consommateur en confiance. Nous recommandons donc vivement de consacrer un budget un peu plus important pour acquérir un matériel réellement certifié IEC 61400-2. Car les annonces de performances surgonflées sont légion !
Commentaires
L'inconvénient majeur de ce type d'éolienne est qu'elle ne peut pas effacer sa prise au vent par vent très fort, et sera donc détruite, le mat arraché !
Pas de mystère, pour avoir de la production il faut du vent. Et le vent, il faut le chercher là où il se trouve, en altitude! Ce n'est pas un hasard si seules les grosses et très hautes machines sont rentables. Une éolienne près du sol (10-15m) ne donne rien. Sauf cas très particulier d'un terrain plat (non urbanisé) en bord de mer sous les 50 èmes hurlants! Voire simplement sur la côte bretonne.
La plus belle arnaque éolienne que j'aie vu et qui a été largement médiatisée (sinon ce ne serait pas une belle arnaque), c'est le fameux "arbre à vent" avec ses petits moulinets!
Pour en revenir aux éoliennes de toiture, non seulement elles ne produisent rien, mais génèrent des vibrations dans le bâtiment, qui peuvent devenir insupportables (lors qu'il y a du vent...), et du bruit, et un risque de chute si leurs fixations vieillissent.
En urbain, la seule EnR exploitable est le soleil. Et dans une moindre mesure en complément pour le chauffage, la chaleur des égouts!
Merci Bernard pour la prudence dont vous faites preuve dans cet article.
On lit souvent dans les médias généralistes des articles sur le micro éolien sans aucun regard critique. Là vous faite bien apparaitre, malgré toute la sympathie que peut inspirer le projet, les limites du micro éolien, en particulier en ville.
Je suis toujours surpris que chaque année de nouvelles entreprises proposent de nouvelles éoliennes urbaines, installent des prototypes, avant de faire faillite un peu plus tard...
C'est Bruno, pas Bernard :-) Mais merci pour votre réaction.
Bonjour à vous,
Merci pour cet article, permettez-moi une réponse.
Je suis Quentin Dubrulle le fondateur d'Unéole, et bien que vous souleviez de nombreux points épineux, sachez que je suis dans l’ensemble en accord avec vous.
C’est même exactement pour toutes les raisons que vous évoquez que j’ai lancé Unéole.
Quelques petites précisions sur les chiffres que vous évoquez : aujourd’hui il faut compter 5000 € pour une éolienne individuelle Unéole (nous sommes entre 4000 et 7000 € en fonction des problématiques d’installation).
Notre objectif n’est évidemment pas de proposer des machines individuelles mais bien de poser entre 10 et 30 éoliennes par site. L’industrialisation, la baisse des coûts et la mutualisation des taches permettra de diviser ce prix par deux, c’est LA condition Sine Qua None à tout calcul de ROI économique.
Concernant la production, on me demande toujours une moyenne de production et vous avez les bons chiffres, néanmoins il faut savoir que notre éolienne aujourd’hui peut produire dans certains cas moins de 100 kWh/an mais aussi plus de 2 000 kWh/an, ce qui fait la différence c’est évidemment le gisement éolien. Ainsi le plus important est donc l’endroit où l’on pose l’éolienne (dans quelles villes? à quelle hauteur et dans quelles conditions ?).
Là, nous entrons dans notre deuxième métier (totalement fondamental) : identifier les gisements éoliens. Nous savons identifier les meilleurs quartiers dans les meilleurs villes ou agglomérations. Nous pouvons nous positionner tout en amont d’un projet immobilier en optimisant les capacités de production du futur bâtiment. En gros, nous travaillons comme des acharnés pour créer cette nouvelle information et donc ce nouveau marché.
Nos capacités à identifier numériquement les bons gisements éoliens à grande échelle permet de se concentrer uniquement sur les sites excellents et nous permet de ne pas (plus) équiper de sites moyens.
Une fois que la demande est mise en place, Unéole aura les moyens de développer une éolienne urbaine à la hauteur de vos espérances et totalement homologuée.
Aujourd’hui, il n’est pas possible de financer celle-ci si il n’y a pas de marché, nous sommes juste en train de le créer.
Dernier point, le vent contourne effectivement les bâtiments créant une "bulle" au centre, c'est pourquoi nous installons nos éoliennes exclusivement au bord des bâtiments (il passe aussi par le haut). Il me semble que vous avez validé le principe sur votre article du 6 mai sur la nouvelle technologie d'éolienne américaine.
Je suis persuadé que nous sommes dans le même camp, autorisez juste le temps à Unéole de mettre en place une nouvelle approche pour cette question très complexe.
Bien à vous
Quentin
Bonjour Quentin,
Merci pour votre réaction positive à mon article qui, il est vrai, est assez critique.
Je travaille dans l'éolien depuis plus de 12 ans et j'ai été, croyez-moi, l'un des plus fervents défenseurs du petit éolien : plus esthétique, moins bruyant, facile à installer, permettant l'autonomie énergétique au niveau individuel, étant moins impactant que le grand éolien, etc.; les arguments en faveur ne manquent pas.
Seulement, après avoir vu tant d'échecs, d'inventions soit-disant révolutionnaires, de marketing trompeur, j'ai appris à être extrêmement prudent. Et puis il y a les principes universels auxquels on ne déroge pas : chercher les vents en hauteur, éviter les vents turbulents, etc.
Votre invention apporte un plus et mérite sincèrement de devenir un succès. Mais il faut reconnaître que votre communication manque un peu de transparence : on ne connaît pas les courbes de puissance, le rendement n'est pas certifié, et l'exploitation des vents en milieu urbain restera toujours un vrai challenge. Sortir de la "bulle" restera toujours impératif en toiture de bâtiment, et donc constituera toujours un défi technique.
Je vous souhaite de réussir, car vous balayeriez beaucoup d'a priori sur le petit éolien (dont les miens).
Mais pour cela, il faut des rendements certifiés, et une rentabilité réellement établie.
On suivra votre évolution avec beaucoup d'intérêt.
Je vous souhaite beaucoup de succès !
merci pour ses prévisions !
en vous souhaitant une bonne réussite dans vos ambitions !
«...le coût global de l’investissement s’en trouve accru, plombant ainsi la rentabilité du projet ». Ce n’est pas seulement en y ajoutant des panneaux photovoltaïques...Dans quelles conditions cette éolienne produit-elle de 1000 à 1500 kWh? Le produit de la vente éventuelle de kW exédentaires (si c’est le cas) compense-t-elle l’achat de kW réseau? Soyons honnêtes.