La falaise proche du site devant accueillir la STEP de Tanika à La Réunion / Image : Wikimedia - Rémih.
« Tanika », c’est en quelque sorte le nom de code donné à la première station de transfert d’énergie par pompage (STEP) marine de France. L’installation prévue sur l’île de La Réunion doit aider à mieux exploiter la production locale d’électricité d’origine renouvelable et réduire l’utilisation des énergies fossiles. Mais EDF reste très discret sur les contours du projet.
En créole réunionnais, un « tanika » désigne un récipient destiné à transporter de l’eau. Un nom parfaitement trouvé pour le premier projet de stockage d’énergie par STEP marine en France. Car le concept repose sur la création d’un réservoir artificiel rempli d’eau de mer, perché à plusieurs centaines de mètres au-dessus de l’océan. L’idée est de pomper l’eau de l’océan Indien durant les pics de production solaires et éoliens afin de remplir le réservoir, à l’image d’une batterie qui se recharge. Puis, selon les besoins du réseau, l’eau est relâchée dans l’océan et entraîne, dans sa chute, des turbines qui produisent de l’électricité : la « batterie » se décharge.
Si la France possède déjà six STEP en métropole, aucune n’est « marine ». Les installations actuelles sont toutes situées en montagne et exploitent systématiquement deux bassins artificiels d’altitudes différentes, remplis d’eau douce (voir notre reportage vidéo). Or, une STEP marine utilise, par définition, la mer ou l’océan comme bassin inférieur et un bassin supérieur artificiel rempli d’eau salée. Ce type de STEP est très peu répandu dans le monde. Les quelques sites actuellement en service sont de faible capacité, il s’agit souvent de petits réservoirs perchés au sommet de falaises surplombant l’océan, sur de petites îles comme El Hierro (Canaries) ou Ikaria (Grèce).
Pourtant, aménager une STEP marine n’est à priori pas plus complexe que de construire une STEP classique en montagne. S’il faut recouvrir le bassin supérieur d’une membrane parfaitement étanche pour éviter toute infiltration d’eau salée dans la nature et prévoir des turbines et conduites suffisamment résistantes à la corrosion et aux organismes marins, il n’est pas nécessaire de creuser de bassin inférieur. La seule difficulté semble donc de trouver des sites techniquement, économiquement et environnementalement adaptés, mais aussi acceptés sur le plan social.
À lire aussi Tout savoir sur Montézic 2, le méga-chantier de stockage d’électricité qu’EDF veut lancerUne STEP perchée au-dessus d’une falaise
Sur l’île de La Réunion, EDF aurait identifié deux sites privilégiés où implanter sa première STEP marine. Un document publié par le compte X « Infos-Réseaux », dévoile l’un de ces emplacements envisagés, dans le quartier de La Montagne à Saint-Denis, au-dessus de falaises surplombant l’océan (voir la zone sur Maps). Sur ce plateau perché à environ 300 m d’altitude, l’énergéticien envisage de creuser un bassin dont nous ignorons la capacité, EDF n’ayant pas souhaité nous communiquer davantage d’informations techniques à ce stade. « EDF étudie actuellement plusieurs sites potentiels pour l’implantation du projet de la STEP de Tanika, en prenant en compte les enjeux socio-environnementaux. Les échanges avec les parties prenantes sont en cours pour permettre d’aboutir au choix définitif du site prochainement », a tenu à nous préciser l’entreprise suite à la publication de cet article.
Le document indique que l’ouvrage disposera d’une puissance de 50 MW grâce à deux turbines de 25 MW placées dans une usine souterraine. Le site présente quelques difficultés, plusieurs maisons se trouvant à l’emplacement du futur bassin et la prise d’eau côtière devant être aménagée dans une zone étroite et périlleuse, coincée entre l’océan et la falaise. Une offre d’emploi publiée récemment indique qu’EDF souhaite réaliser une étude paysagère de la future STEP, qui permettra probablement de mieux saisir son impact visuel. Mais à quoi cette installation va-t-elle servir ?
Pourquoi construire une STEP marine à La Réunion ?
Dépourvu d’interconnexions, le réseau électrique réunionnais ne peut compter que sur lui-même pour alimenter les 860 000 habitants de l’île. En 2023, sa production reposait sur 57 % de ressources renouvelables et toujours sur 27 % de diesel, 4 % de fioul et 13 % de charbon. Toutefois, la programmation pluriannuelle de l’énergie de La Réunion s’est fixée l’objectif de porter la part des renouvelables à 100 % en 2030. Si la conversion des centrales thermiques fossiles à la biomasse importée est la stratégie principale pour y parvenir, l’aménagement de la STEP de Tanika peut également y contribuer.
En toute logique, la STEP marine réduirait l’utilisation des turbines à combustion au fioul et moteurs diesel durant les pics de consommation. Typiquement, la STEP devrait pomper de l’eau en journée, profitant de l’importante production photovoltaïque, puis turbinera lors du pic de consommation du soir (18 h – 21 h à La Réunion). Un système aussi pertinent sur le plan environnemental qu’économique, puisque les carburants, qu’ils soient fossiles ou renouvelables, sont presque entièrement importés par bateau. Reste à connaître les détails du projet, tels que son coût et le calendrier estimé des travaux, qu’EDF communiquera probablement dans les prochains mois.
Commentaires
Faire du stockage avec l'air comprimé serait bien plus économique !
D'abord parce qu'il n'y a pas de contrainte de site, on peut construire des volumes de stockage n'importe où.
Construire des stocks très important n'est pas plus difficile que de construire des barrages , des tunnels dans les montagnes, ou des puits de mine n'importe ou dans le monde.
On peut améliorer le rendement de l'air comprimé (suivant la technologie employée !)pour qu'il puisse concurrencer les technique les plus élaborées (nucléaire)
L'air comprimé produit par l'électricité renouvelable permet de disposer d'un système totalement indépendant. Donc sans dépendance au charbon, gaz, pétrole , uranium, eau , chaleur, vapeur, co2, ch4, etc.
L'eau de mer, contrairement à l'eau douce, présente de nombreux inconvénients. (Difficile à appréhender, l'électrolyse ou corrosion galvanique s'attaque aux métaux. Ce phénomène électrochimique qui aboutit à une oxydation rapide des pièces en métal, donc à leur destruction).
Sans dépendance à l'eau, le stockage des Enr avec l'air comprimé pourrait permettrait la désalinisation de l'eau de mer 24h24 à un prix plus compétitif qu'avec n'importe quelle autre énergie.
L'air comprimé est la seule énergie à n'avoir aucune incidence sur le réchauffement. Et et la seule énergie qu'on peut utiliser dans tous les processus industriels, sans produire de pollution ou avoir d'impact sur le réchauffement.
S'intéresser au stockage par air comprimé ,c'est avoir une chance de réduire le réchauffement qui nous menace tous ! Soit directement par l'augmentation de la température de l'atmosphère ! Soit indirectement par les effets de la chaleur sur la transformation du climat et des catastrophes qui lui sont liées . De ce fait personne n'est à l'abri.!
Quand je pense qu'on dépense des milliards pour faire des COP qui ne servent à rien, et que l'Etat Français est incapable de mettre quelques millions dans une étude de projet. On peut désespérer des prétendues élites qui nous gouvernent !
Ce qui est dommage avec les projets de STEP actuels et aussi et surtout avec la façon dont ils sont mentionnés pour le "Grand Public" est leur vocation unique - ie : uniquement énergétique !!!
Et pourtant les STEP amènent énormément que ce soit en service système pour un réseau avec des machines tournantes en pompage et surtout en turbinage d'une part, mais aussi (comme pour El Hierro et Ikaria) des usages de stockage d'eau en des lieux où celle-ci manque une partie de l'année ! Faire d'un coté des retenues collinaires (ou des méga-bassines) pour stocker de l'eau et d'un autre des STEP n'auraient pas de sens. Faire les 2 ensemble en a... Et cela risque d'être l'avenir avec le développement massif des ENRi...
Le tout sans-parler que depuis 2022, l'humanité est devenue majoritairement "aquacole" pour les produits de la Mer. Les prises de pêche diverses sont inférieures en volume aux tonnages de l'aquaculture... Des STEP Marines bien conçues peuvent permettre de l'Aquaculture marine en bien des lieux et du coup conférer de multiples usages à des STEP marines bien conçues...
(Nota : Le Déficit commercial de la France pour les produits de la mer fut de l'ordre de 6 milliards d'Euros il y a peu et en tendance s'aggrave d'années en années... Sans parler du déficit créé par les surproductions des ENRi à certaines heures avec les prix de marché... Quelques STEP ne résoudront pas ces problèmes mais les résorberont un peu, le tout avec une "fabrication" locale, non délocalisable et sans impact extérieur!)
Les steps peuvent en fait être construits partout, même en plaine où il suffit de creuser deux bassin dont l'un plus profond que l'autre (le bassin inférieur)
Surtout avec du Quoi qu'il en coute à gogo...
Exploiter un ancien "trou" de carrière ou de mine, cela est envisageable et à envisager (vu les prix de marché aux heures de plein soleil...). Faire un trou en plaine pour faire une STEP, le cout sera astronomique et pour avoir des volumes à l'échelle des besoins actuels, c'est juste du délire...
De plus les machines hydrauliques "préfèrent" marcher à des pressions relativement constantes donc un dH/H<10% est souvent requis (avec H la hauteur moyenne de "chute" d'eau...). Bon courage en plaine avec des trous faits à cet effet...
Bien sûr... Vos amis écolos vont adorer.
Bonjour
Un tanika en réunionnais ne désigne rien du tout. Peu importe le contenu de l'article il est automatiquement décrédibilisé.
Merci la métropole et les sachants/savants
http://www.mi-aime-a-ou.com/dictionnaire_creole_resultat.php?nom=&page=246
@Hugo Lara,
Ce serait bien d'avoir un ou une série d'articles "prospectifs" sur les Multi-usages des STEP :
Les prix de marché actuels aux heures de plein soleil vont faire énormément de mal à la filière PV sous peu, faute de stockage et de pilotage des consommations... Et pourtant plein de solutions existent pour atténuer les effets de prix...
50 MW, c'est le tiers de la puissance moyenne appelée sur l'île.
Pallier l'intermittence des ENR est un vrai défi, à l'échelle requise.
A La Réunion, il serait logique d'exploiter la géothermie, non ?
Si c'était facilement réalisable et à des couts d'exploitation raisonnable, ce serait déjà fait ...
Pas toujours simple la Géothermie in fine...
En Alsace, ils ont arrêté des projets de Géothermie il n'y a pas longtemps du fait de contraintes extérieures fortes... (Hélas !)