« Tanika », c’est en quelque sorte le nom de code donné à la première station de transfert d’énergie par pompage (STEP) marine de France. L’installation prévue sur l’île de La Réunion doit aider à mieux exploiter la production locale d’électricité d’origine renouvelable et réduire l’utilisation des énergies fossiles. Mais EDF reste très discret sur les contours du projet.
En créole réunionnais, un « tanika » désigne un récipient destiné à transporter de l’eau. Un nom parfaitement trouvé pour le premier projet de stockage d’énergie par STEP marine en France. Car le concept repose sur la création d’un réservoir artificiel rempli d’eau de mer, perché à plusieurs centaines de mètres au-dessus de l’océan. L’idée est de pomper l’eau de l’océan Indien durant les pics de production solaires et éoliens afin de remplir le réservoir, à l’image d’une batterie qui se recharge. Puis, selon les besoins du réseau, l’eau est relâchée dans l’océan et entraîne, dans sa chute, des turbines qui produisent de l’électricité : la « batterie » se décharge.
Si la France possède déjà six STEP en métropole, aucune n’est « marine ». Les installations actuelles sont toutes situées en montagne et exploitent systématiquement deux bassins artificiels d’altitudes différentes, remplis d’eau douce (voir notre reportage vidéo). Or, une STEP marine utilise, par définition, la mer ou l’océan comme bassin inférieur et un bassin supérieur artificiel rempli d’eau salée. Ce type de STEP est très peu répandu dans le monde. Les quelques sites actuellement en service sont de faible capacité, il s’agit souvent de petits réservoirs perchés au sommet de falaises surplombant l’océan, sur de petites îles comme El Hierro (Canaries) ou Ikaria (Grèce).
Pourtant, aménager une STEP marine n’est à priori pas plus complexe que de construire une STEP classique en montagne. S’il faut recouvrir le bassin supérieur d’une membrane parfaitement étanche pour éviter toute infiltration d’eau salée dans la nature et prévoir des turbines et conduites suffisamment résistantes à la corrosion et aux organismes marins, il n’est pas nécessaire de creuser de bassin inférieur. La seule difficulté semble donc de trouver des sites techniquement, économiquement et environnementalement adaptés, mais aussi acceptés sur le plan social.
À lire aussi Tout savoir sur Montézic 2, le méga-chantier de stockage d’électricité qu’EDF veut lancerUne STEP perchée au-dessus d’une falaise
Sur l’île de La Réunion, EDF aurait identifié deux sites privilégiés où implanter sa première STEP marine. Un document publié par le compte X « Infos-Réseaux », dévoile l’un de ces emplacements envisagés, dans le quartier de La Montagne à Saint-Denis, au-dessus de falaises surplombant l’océan (voir la zone sur Maps). Sur ce plateau perché à environ 300 m d’altitude, l’énergéticien envisage de creuser un bassin dont nous ignorons la capacité, EDF n’ayant pas souhaité nous communiquer davantage d’informations techniques à ce stade. « EDF étudie actuellement plusieurs sites potentiels pour l’implantation du projet de la STEP de Tanika, en prenant en compte les enjeux socio-environnementaux. Les échanges avec les parties prenantes sont en cours pour permettre d’aboutir au choix définitif du site prochainement », a tenu à nous préciser l’entreprise suite à la publication de cet article.
Le document indique que l’ouvrage disposera d’une puissance de 50 MW grâce à deux turbines de 25 MW placées dans une usine souterraine. Le site présente quelques difficultés, plusieurs maisons se trouvant à l’emplacement du futur bassin et la prise d’eau côtière devant être aménagée dans une zone étroite et périlleuse, coincée entre l’océan et la falaise. Une offre d’emploi publiée récemment indique qu’EDF souhaite réaliser une étude paysagère de la future STEP, qui permettra probablement de mieux saisir son impact visuel. Mais à quoi cette installation va-t-elle servir ?
Pourquoi construire une STEP marine à La Réunion ?
Dépourvu d’interconnexions, le réseau électrique réunionnais ne peut compter que sur lui-même pour alimenter les 860 000 habitants de l’île. En 2023, sa production reposait sur 57 % de ressources renouvelables et toujours sur 27 % de diesel, 4 % de fioul et 13 % de charbon. Toutefois, la programmation pluriannuelle de l’énergie de La Réunion s’est fixée l’objectif de porter la part des renouvelables à 100 % en 2030. Si la conversion des centrales thermiques fossiles à la biomasse importée est la stratégie principale pour y parvenir, l’aménagement de la STEP de Tanika peut également y contribuer.
En toute logique, la STEP marine réduirait l’utilisation des turbines à combustion au fioul et moteurs diesel durant les pics de consommation. Typiquement, la STEP devrait pomper de l’eau en journée, profitant de l’importante production photovoltaïque, puis turbinera lors du pic de consommation du soir (18 h – 21 h à La Réunion). Un système aussi pertinent sur le plan environnemental qu’économique, puisque les carburants, qu’ils soient fossiles ou renouvelables, sont presque entièrement importés par bateau. Reste à connaître les détails du projet, tels que son coût et le calendrier estimé des travaux, qu’EDF communiquera probablement dans les prochains mois.
Faire du stockage avec l’air comprimé serait bien plus économique ! D’abord parce qu’il n’y a pas de contrainte de site, on peut construire des volumes de stockage n’importe où. Construire des stocks très important n’est pas plus difficile que de construire des barrages , des tunnels dans les montagnes, ou des puits de mine n’importe ou dans le monde. On peut améliorer le rendement de l’air comprimé (suivant la technologie employée !)pour qu’il puisse concurrencer les technique les plus élaborées (nucléaire) L’air comprimé produit par l’électricité renouvelable permet de disposer d’un système totalement indépendant. Donc sans dépendance au charbon,… Lire plus »
Ce qui est dommage avec les projets de STEP actuels et aussi et surtout avec la façon dont ils sont mentionnés pour le « Grand Public » est leur vocation unique – ie : uniquement énergétique !!! Et pourtant les STEP amènent énormément que ce soit en service système pour un réseau avec des machines tournantes en pompage et surtout en turbinage d’une part, mais aussi (comme pour El Hierro et Ikaria) des usages de stockage d’eau en des lieux où celle-ci manque une partie de l’année ! Faire d’un coté des retenues collinaires (ou des méga-bassines) pour stocker de l’eau et… Lire plus »
Les steps peuvent en fait être construits partout, même en plaine où il suffit de creuser deux bassin dont l’un plus profond que l’autre (le bassin inférieur)
Bien sûr… Vos amis écolos vont adorer.
Surtout avec du Quoi qu’il en coute à gogo…
Exploiter un ancien « trou » de carrière ou de mine, cela est envisageable et à envisager (vu les prix de marché aux heures de plein soleil…). Faire un trou en plaine pour faire une STEP, le cout sera astronomique et pour avoir des volumes à l’échelle des besoins actuels, c’est juste du délire…
De plus les machines hydrauliques « préfèrent » marcher à des pressions relativement constantes donc un dH/H<10% est souvent requis (avec H la hauteur moyenne de « chute » d’eau…). Bon courage en plaine avec des trous faits à cet effet…
Bonjour
Un tanika en réunionnais ne désigne rien du tout. Peu importe le contenu de l’article il est automatiquement décrédibilisé.
Merci la métropole et les sachants/savants
http://www.mi-aime-a-ou.com/dictionnaire_creole_resultat.php?nom=&page=246
@Hugo Lara, Ce serait bien d’avoir un ou une série d’articles « prospectifs » sur les Multi-usages des STEP : Que ce soit le stockage d’eau douce pour les STEP classiques (voir la création d’espaces de Loisirs « locaux » en certaines places et à certaines saisons… et tant d’autres points y compris de l’aquaculture) Ou le développement de l’aquaculture marine en France via des STEP Marines adaptées et/ou adaptables – notamment avec de multiples bassins hauts sur des plateaux en haut de falaise… (Restera le problème du dH/H avec les marées qui peut nécessiter des bassins en pied de falaise… mais eux-aussi propices… Lire plus »
50 MW, c’est le tiers de la puissance moyenne appelée sur l’île.
Pallier l’intermittence des ENR est un vrai défi, à l’échelle requise.
A La Réunion, il serait logique d’exploiter la géothermie, non ?
Si c’était facilement réalisable et à des couts d’exploitation raisonnable, ce serait déjà fait …
Pas toujours simple la Géothermie in fine…
En Alsace, ils ont arrêté des projets de Géothermie il n’y a pas longtemps du fait de contraintes extérieures fortes… (Hélas !)
Ce serait vraiment cool que ce projet parvienne à son termes
Les STEP d’El Hierro et Ikaria ne sont pas vraiment des STEP marines dans la mesure où elles utilisent de l’eau douce (issue pour partie de la désalinisation de l’eau de mer).
Il me semble que la seule STEP utilisant de l’eau de mer a été construite au Japon à Okinawa et elle n’a fonctionné que de 1999 à 2016.
@Seb, Vous avez tout à fait raison. Sur El Hierro, un point rarement mentionné sur cette STEP est qu’avec un petit bassin bas qui sert notamment de réservoir tampon en sortie de station de dessalement et un grand bassin haut qui stocke de l’énergie potentielle avec l’eau qui y est pompée. Cette STEP est donc aussi un grand château d’eau dans une ile qui manque d’eau douce… Le mythe de voir El Hierro 100% ENR grâce à cette STEP cache souvent le double usage de celle-ci… Elle stocke de l’énergie ET de l’eau douce lorsque les ENR produisent beaucoup et… Lire plus »