Récent lauréat d’un appel d’offres de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), la jeune société STEPSol a développé une solution innovante de stockage d’électricité particulièrement adaptée aux Zones Non Interconnectées (ZNI) comme le sont la plupart des îles. La startup va donc pouvoir construire sa première installation en Corse, à Mausoléo. Une reconnaissance qui marque le début de la commercialisation de sa technologie après trois années de recherche et développement.
Grandes comme la Corse ou beaucoup plus petites comme Saint-Barthélémy et ses 9.000 habitants, les îles sont toutes confrontées au problème de leur approvisionnement en énergie.
Depuis le black-out de 2005 qui avait plongé l’île de beauté dans le noir pendant trois semaines, et malgré 1 milliard d’euros investis en dix ans pour la modernisation des infrastructures, le réseau corse tombe régulièrement en panne. Comme en novembre 2017 lorsqu’un incendie dans la centrale thermique de Lucciana a provoqué le décrochage de la connexion avec la Sardaigne et privé d’électricité la moitié des habitants. La question de la sécurité de l’alimentation en électricité se pose d’autant plus que la croissance démographique est, sur l’île, deux fois supérieure à la moyenne nationale.
Pour sortir la Corse de sa dépendance aux approvisionnements extérieurs, la feuille de route pour l’avenir énergétique de l’île, votée fin 2015 prévoit de porter à 40 % la part des énergies renouvelable dans la production d’électricité. Quelque 3 milliards d’euros vont être investis d’ici à 2023, l’objectif étant d’atteindre l’autonomie énergétique vers 2050. La Corse comptera alors plus de 600.000 habitants, le double d’aujourd’hui.
Son potentiel solaire est important, mais à l’heure actuelle, les installations photovoltaïques de l’île de beauté fournissent seulement 5 % de l’électricité consommée ; essentiellement en milieu de journée alors que les heures de pointe se situent en matinée et en soirée. Les autorités locales fondent dès lors beaucoup d’espoir sur les solutions de stockage de l’électricité.
Des réponses à la problématique énergétique des îles
C’est dans cette optique qu’a été implantée dans le Centre Scientifique Georges Peri, aux portes d’Ajaccio, la plate-forme Paglia Orba portée par l’Université de Corse, le CNRS et le CEA. Étendue sur un site de 11 hectares, elle se consacre depuis 2014 à la recherche énergétique en utilisant comme ressource renouvelable le rayonnement solaire. Au sein de ce laboratoire, une vingtaine de chercheurs s’efforcent de mettre au point des technologies de production et de stockage afin de développer des solutions innovantes pour transformer le soleil de Corse en énergie utilisable.
« Le but est de déployer une stratégie en réponse à la problématique énergétique des îles qui, pour la plupart d’entre elles, sont des ZNI (Zones Non Interconnectées) et présentent des réseaux plus fragiles avec des coûts de production supérieurs à ceux du continent », explique Christian Cristofari, responsable scientifique de la plate-forme. Il s’agit de trouver, grâce au stockage, un moyen d’augmenter la part des énergies renouvelables dans les réseaux électriques et de minimiser ainsi les coûts du kilowattheure produit. « C’est pourquoi notre stratégie scientifique est tournée vers le couplage entre les énergies renouvelables et le stockage » précise M. Cristofari. « Les technologies sont déjà existantes mais ce couplage de puissance représente une première mondiale » affirme-t-il.
Des micro-STEP en soutien aux centrales solaires
Afin de valoriser ces recherches au travers du transfert technologique, une start-up, baptisée « Stepsol », a vu le jour en 2016. Elle a développé une solution astucieuse et simple de stockage hydroélectrique couplée à une production photovoltaïque.
Lorsqu’on réfléchit aujourd’hui au stockage de l’électricité, on pense souvent aux batteries. « Pourtant 99% du stockage d’énergie dans le monde est réalisé par des STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) couplées à des barrages » rappelle Didier Pierrat-Agostini, le fondateur de Stepsol. Cette technologie est simple et mature, mais les dimensions très importantes des bassins et des canalisations ainsi que la rareté des sites qui s’y prêtent limitent considérablement son déploiement.
STEPSol applique le même principe, mais avec des puissances réduites (36 kW à 1 MW), grâce à l’utilisation de micro-STEP venant en soutien de centrales solaires. Installées hors cours d’eau et donc sans barrage, elles permettent un dimensionnement sur mesure, adapté au relief, à l’ensoleillement et aux besoins de chaque site.
L’originalité de STEPSol est d’associer solaire et hydraulique. La journée, les panneaux photovoltaïques alimentent un village en électricité. Le surplus d’énergie actionne une pompe qui transfère l’eau d’un bassin vers un autre, de même dimension, situé plus haut. La production d’électricité solaire s’arrête quand le soleil se couche et l’électricité hydraulique prend le relais grâce à une turbine qui fournit de l’énergie pendant 4 à 11 heures. Au matin, toute l’eau est redescendue, mais le soleil se levant, les panneaux photovoltaïques fournissent de nouveau du courant et le cycle recommence.
Le procédé STEPSol a séduit Engie qui a invité la startup sur son stand à Viva Technology, salon consacré à l’innovation technologique. En novembre 2018, la jeune entreprise a aussi fait partie des trois lauréats du concours d’innovation de Pollutec.
Une première installation commerciale en Haute-Corse
La première « batterie hydraulique » de Stepsol a été réalisée au cœur de la plateforme Paglia Orba. Elle a permis d’étudier l’intégration du système à des micro-réseaux variés et de tester ses performances. Depuis juillet 2018, l’installation est opérationnelle, transformant l’idée de micro-STEP solaire en une réalité.
Après plus de trois années de recherche et développement, il était toutefois temps pour STEPSol de se confronter à la réalité du marché du stockage. C’est maintenant chose faite puisque ce 2 avril la startup a appris qu’elle était la lauréate d’un Appel d’Offre de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Elle va donc pouvoir construire sa première installation commerciale à Mausoléo, une commune enclavée de la Haute-Corse, située au nord-ouest du parc naturel régional. Le projet prévoit la construction d’un hangar qui abrite le bassin inférieur de l’évaporation. Son toit sera recouvert de panneaux photovoltaïques d’une puissance totale de 250 kWc.
130 mètres plus haut, le bassin supérieur sera réalisé par une citerne souple. La conduite qui relie les 2 bassins sera alimentée par une pompe/turbine de 125 kW.
Commentaires
Stockage par gravité en puits de mine, très efficace, plus que les STEP !
https://www.rtflash.fr/gravitricity-nouvelle-solution-stockage-d-electricite-par-gravite/article
meilleur que le stockage ... pour des grosses quantites d energies alternatives manquantes: Avoir de la biomasse, (enr pilotable) . Les allemands ont calcule qu il leur suffisait de 8% de biomasse pour equilibrer le reseau. Resultat; un reseau allemand plus sur que le reseau fr, selon l UE. (le nucleaire etant en soi tres peu pilotable et reactif. l hydroelectrique permets d equilibrer finement et d ajuster la production a la consommation(une vanne s ouvre et se ferme plus vite qu une reaction de fission nucleaire)) La biomasse permets de bruler d methane quand necessaire. Le surplus d eolien ou de solaire peut etre transforme en hydrogene pour camions et usines (meme si les rendements de l hydrogene sont actuellement tres tres mauvais, c est de l energie gratuite non importee, loccale qui produit des emplois chez nous en Europe
Dans le même genre d'idée, mais pour UNE MAISON INDIVIDUELLE :
il devrait être possible d'effectuer un forage suffisamment profond, et d'y insérer deux tuyaux parallèles usinés et raccordés entre eux en bout bas, de les remplir d'eau.
Puis d'y insérer d'un côté un piston usiné lourd (à ajustement glissant) et en haut, en fermant le tout sans vide d'air, d'avoir une pompe à palette à double sens !
En un sens de rotation, de jour, la pompe fait remonter le piston, lorsqu'il y a du soleil qui l'alimente par des capteurs solaires.
Dans l'autre sens, la pompe récupère l'énergie potentielle du poids du piston descendant, et fournit du courant à la maison.
C'est une solution simple, avec peu d'entretien à prévoir et durable !
PS : au webmaster du site, ce n'est pas une bonne idée d'avoir les sigles à cliquer de réseaux sociaux du votre page de commentaires : côté gauche de la page, car on ne voit pas ce que l'on tape derrière !
L'idée reprise en puits de mine paraît intéressante (https://www.rtflash.fr/gravitricity-nouvelle-solution-stockage-d-electricite-par-gravite/article), mais... le poids des câbles..., pour de très fortes charges à soulever est rédhibitoire !§!
Alors qu'avec de l'eau (ou de l'huile végétale) en deux tuyaux parallèles et une étanchéité suffisante autour des pistons chargés, le traitement de levage serait grandement simplifié (à condition que les tuyaux résistent à la pression sur plusieurs centaines de m de haut) !
Une analyse intéressante de la variabilité de production d'électricité en France, que le système hydraulique ci-dessus, à la fois en locaux individuels ou collectifs pourrait aider à lisser, en l'associant aux smart-grids et aux véhicules électriques servant de batteries de stockage partielles : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/04/24/lelectricite-bousculee-par-le-coronavirus/
Nos îles doivent devenir rapidement autonomes, toutes les bonnes solutions sont les bienvenu. Pour la Corse le solaire thermique comme le photovoltaïque semblent les meilleurs solutions de productions, pour le stockage la révolution de la mobilité électrique et le stockage sur batteries va révolutionner le domaine. Faut-il encore faire sauter ses verrous administratifs entretenus par certains lobies!
L’évolution disruptive des batteries va éclairer les réticences absurdes qui existent encore. Regarder plutôt:
https://roulezelectrique.com/ges-sur-le-cycle-de-vie-dune-model-3-dotee-de-la-future-batterie-tesla-de-1-600-000-km/
Batterie avec 5000 cycle de fonctionnement.
https://www.bfmtv.com/economie/tesla-et-le-francais-neoen-etendent-la-capacite-de-leur-batterie-geante-de-stockage-d-electricite-en-australie-1808724.html
Merci Bernard pour cet article,
Je suis toujours un peu partagé vis à vis de ces solutions de stockage...
D'abord elles sont toujours présentées comme une nécessité pour le développement des énergies renouvelables intermittentes (solaire et éolien), alors que ces énergies ont une capacité à se développer sans stockage supplémentaire à des niveaux tout à fait importants, et bien supérieurs à ceux développés en France,.. D'autre part le développement de ces projets présente un grand intérêt parce qu'il permet de se substituer aux centrales thermiques pour participer à la réserve primaire et secondaire qui permet de garantir l'équilibre offre demande à tout moment (on garde souvent des centrales gaz à mi puissance pour être capable d'ajuster à la hausse ou à la baisse rapidement la production, les solutions de stockage, surtout par batteries, permettent s'y substituer sans émissions directes de CO2)...
Aujourd'hui les appels d'offre, en couplant stockage et production solaire, en réduit l'utilité. Pour moi il devrait y avoir deux appels d'offres, un concernant le développement de solaire, un pour du stockage, libre aux développeurs d'éventuellement mutualiser le raccordement entre un projet Enr et de stockage.
Le pilotage du stockage ne doit pas se faire sur la production de la centrale solaire, mais sur les besoins du réseau (soutien tension / fréquence, optimisation de l'utilisation des interconnections, soutien aux branches "faibles" du réseau , capacités d'ilotage), car rien ne garantie que l'utilisation soit optimale ni même réellement pertinente sinon.
Concernant les micro-STEP, je suis souvent un peu sceptique concernant leur capacité à être compétitives et à fournir les mêmes services que le stockage par batteries :
- 130 m de dénivelé ça veut dire si on considère un rendement optimiste de 90% en turbinage 1150 W / litre.seconde, soit, à 125 kW ~391 m3/h. Ajoutez à ça l'installation de la conduite... On a du mal à voir comment ces micro Step peuvent être réellement compétitives face à des solutions batteries qui aujourd'hui permettent 3MW de puissance et 1.2 MWh dans un container 20 pieds, avec une meilleure réactivité, pas besoin d'études d'impact, etc...
Je suis pour le développement de nouvelles STEP, mais je me méfie un peu du "small is beautifull" dans ce domaine et je préfèrerais qu'on les développe en s'appuyant sur les centrales hydrauliques existantes.
Merci Seb pour cet avis éclairé.
C'est vrai que nous manquons d'informations sur le rendement et le coût de la solution STEPSol. Mais pour juger de son utilité, il est important de souligner qu'elle est proposée pour des zones non interconnectées (principalement des îles) ou le couplage d'une production solaire avec du stockage prend évidemment plus d'importance.
Concernant l'aspect concurrentiel par rapport aux batteries, le fait que STEPSol ait remporté un Appel d'Offre de la CRE devant d'autres offres incluant des batteries est assez rassurant.
Merci pour votre réponse Bernard, Effectivement les coût doivent être plus bas que ce que j'imaginais dans la mesure où ils ont été lauréats de l'appel d'offre.
En fait, pour être plus précis, je trouve que la gestion des énergies renouvelables intermittentes dans les zones non interconnectées (ce qui n'est d'ailleurs pas vraiment le cas de la corse qui est largement interconnecté avec la Sardaigne et un peu avec l'Italie) est très loin d'être optimale.
On a imposé longtemps à l'éolien et au photovoltaïque de ne pas dépasser, en puissance crête, 30% de la puissance moyenne appelée. Cette limite a peu de sens dans de nombreux territoires, où le complément est en grande majorité réalisé par des centrales thermiques et de l'hydraulique, largement pilotables. Moyennant quelques ajustements, et un peu de bonne volonté de la part du gestionnaire de réseau, on peut rendre ces centrales plus réactives, et économiser beaucoup de fioul (le cout réel du kWh avant péréquation tarifaire est extrêmement cher sur les iles, amenant le solaire à être beaucoup moins cher que les moyens conventionnels).
Ce verrou des 30% a sauté courant 2017, mais le développement de nouvelles capacités, basé sur des appels d'offre spécifiques, se fait toujours au compte gouttes...
Les appels d'offres représentent des volumes relativement faibles, et sont divisés en deux catégories, avec et sans stockage.
Je m'interroge sur la réelle plus-value du stockage tel que prévu dans ces appels d'offre pour plusieurs raisons :
1) la faiblesse du stockage en question, calibré à 50% de la puissance pendant une heure. Soit un stockage de 500 kW de puissance et 500 kWh de capacité pour un parc d'un MW, qui en été produira autours de 6MWh par jour en Corse, soit moins de 9 % de l'énergie produite ces jours là, et autours de 11 % en moyenne annuelle.
2) le type de pilotage prévu : C'est chaque producteur qui fournit la veille son plan de production, réajusté toutes les 6 heures, indépendamment des besoins du réseau. Il bénéficie d'une prime si il garantit une puissance de 20% pendant les heures de pointes, deux heures par jour en début de soirée, fixées une fois pour toute dans l'appel d'offre. Il ne s'agit vraiment que de garantie de production, et aucun signal du réseau ne vient influencer le programme.
3) Les services rendus au réseau : Aucune participation au réglage en tension et en fréquence n'est prévu. Seule existe un réglage de la puissance réactive.
4) aucune fonction microgrid : en cas de coupure de courant, la centrale arrête de produire. Malgré ses batteries (ou STEP), elle ne pourra pas alimenter les habitations voisines. Elles ne sont non plus d'aucune aide pour un "cold restart" du réseau après un black out, ce que les batteries containérisées peuvent faire.
Pour moi les iles ont besoin de solaire, elles ont surement aussi besoin de stockage, mais elles n'ont pas besoin de ces appels d'offres solaire plus stockage...
Mettons du stockage là où ça a du sens : dans les postes sources, en soutien sur des branches plus faibles du réseau, développons peut être de nouvelles STEP, mais là ou c'est le plus judicieux, pas forcément là ou on peut mettre des panneaux solaires...
Pilotons les en fonction des besoins réels du réseau de façon a réduire au maximum l'utilisation des centrales thermiques. Et n'oublions pas tout le travail qui peut être fait du coté de la demande... Parce que dans ces territoires où on contingente le développement du photovoltaïque pour éviter une hypothétique saturation du réseau, on continue à faire fonctionner les chauffes eau en heures creuses la nuit !