Si elle n’avait pas abandonné le nucléaire, quel serait le bilan carbone de l’Allemagne ?


Si elle n’avait pas abandonné le nucléaire, quel serait le bilan carbone de l’Allemagne ?

La centrale nucléaire de Gundremmingen en Allemagne / Image : Getty, modifiée par RE.

Depuis le 15 avril 2023, plus aucune centrale nucléaire ne génère de l’électricité en Allemagne. L’abandon prématuré de ce mode de production bas-carbone avant même la fin de l’exploitation des centrales au charbon et au gaz font débat. Un chercheur s’est intéressé au coût et aux émissions de CO2 du secteur Allemand de l’électricité si le pays avait gardé et ajouté du nucléaire.

Depuis vingt ans, l’Allemagne poursuit une politique de transition énergétique. Traduction : l’Energiewende. Son objectif : supprimer progressivement les énergies fossiles et nucléaires au profit des énergies renouvelables. Cependant, cette transition exigeante en ressources et en infrastructures suscite un questionnement croissant. Une étude menée par Jan Emblemsvåg pose la question suivante : que se serait-il passé si, à la place de cette transition renouvelable, l’Allemagne avait fait le choix de maintenir et développer son parc nucléaire ?

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Méthodologie et hypothèses de l’étude

Pour comparer ces deux voies énergétiques, M. Emblemsvåg s’appuie sur deux hypothèses principales. La première postule que l’Allemagne aurait pu conserver ses réacteurs nucléaires en activité dès 2002, au lieu de les fermer progressivement. La seconde envisage un investissement continu dans la construction de nouvelles centrales nucléaires pour renforcer la capacité de production nationale. Ces hypothèses servent de base à une comparaison chiffrée avec l’Energiewende, permettant d’évaluer les coûts financiers et les bénéfices en termes de réduction des émissions de CO₂. L’auteur utilise une méthode de triangulation des données, qui croise plusieurs sources fiables – comme l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) – pour s’assurer de la robustesse des estimations malgré le caractère hypothétique de cette approche.

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Un résultat favorable au nucléaire

L’étude révèle que l’Energiewende aurait coûté à l’Allemagne 696 milliards d’euros de 2002 à 2022, ce montant comprenant 387 milliards d’euros d’investissements directs et 310 milliards d’euros en subventions et autres coûts de gestion du réseau. En comparaison, le scénario nucléaire, selon lequel l’Allemagne aurait conservé ses centrales nucléaires en 2002 et ajouté de nouvelles capacités, aurait permis de réduire les dépenses de moitié, pour un coût total de 364 milliards d’euros. En termes de réduction des émissions, l’étude estime que le choix du nucléaire aurait permis une baisse de 73 % des émissions de CO₂ par rapport aux niveaux actuels, soit bien plus que les 25 % de réduction obtenus avec l’Energiewende.

Sur le plan énergétique, le scénario nucléaire présente des avantages notables. D’abord, il aurait permis de maintenir une production fiable en charge de base – c’est-à-dire en fournissant une quantité d’énergie stable et constante. Cette capacité est cruciale pour éviter la dépendance accrue au gaz naturel, devenue essentielle pour l’Allemagne dans les périodes où le vent ou le soleil sont absents.

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Les limites de ce scénario hypothétique

Cependant, bien que ce scénario apparaisse favorable en termes de coût et de réduction des émissions, il se heurte à des obstacles notables, pratiques et politiques. L’Allemagne a fait de la sortie du nucléaire un pilier de sa politique énergétique, particulièrement après les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, qui ont renforcé la méfiance du public à l’égard du nucléaire. Ce contexte politique a fait de l’abandon de l’énergie nucléaire un point presque irrévocable pour les responsables allemands. Dès lors, envisager une expansion nucléaire en 2002 aurait nécessité un soutien politique et social difficilement réalisable. Aussi, l’étude ne prend pas suffisamment en compte les coûts liés à la gestion des déchets nucléaires, problématique complexe et coûteuse pour tout pays utilisateur de cette technologie.

Enfin, la comparaison n’intègre pas les risques financiers associés aux grands projets nucléaires, souvent coûteux et nécessitant des garanties publiques pour attirer des investisseurs. Ces projets peuvent également être affectés par les fluctuations des coûts comme en témoigne l’EPR de Flamanville. Ignorer ces aspects limite l’exactitude du modèle financier proposé par l’étude et peut en réduire la faisabilité en conditions réelles.

Bien que l’étude d’Emblemsvåg présente un cadre hypothétique, elle met en lumière la complexité des choix énergétiques et les implications d’une transition reposant uniquement sur les énergies renouvelables. L’avenir nous dira qui de l’Allemagne ou de la France (avec un mix plus équilibré) aura fait un choix payant.

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