Matthieu Guesné, président de Lhyfe, inaugure la plateforme / Image : Lhyfe
Produire de l’hydrogène en pleine mer grâce aux éoliennes offshore ? C’est le pari de la start-up nantaise Lhyfe, qui vient de présenter un électrolyseur flottant inédit. La plateforme gagnera le large dans quelques mois.
La start-up nantaise Lhyfe présentait ce jeudi 22 septembre à Saint-Nazaire sa station de production d’hydrogène vert « offshore », non sans fierté : « C’est une première mondiale », assure son dynamique patron, Matthieu Guesné. Hasard du calendrier, le même jour et au même endroit ou presque, le président de la République, revenu directement de l’AG des Nations-Unies à New-York, inaugurait le parc éolien offshore de Saint-Nazaire, premier de ce genre en France.
Une première mondiale
La première mondiale, à vrai dire, aura lieu dans quelques mois, quand la plateforme Sealhyfe aura rejoint l’éolienne Floatgen au large du Croisic, à une vingtaine de kilomètres des côtes, sur un site d’essai opéré par Centrale Nantes. Les premiers essais auront d’abord lieu à quai, avec l’électricité du réseau.
Pourtant, Lhyfe produit déjà depuis un an de l’hydrogène vert avec l’électricité d’éoliennes et de l’eau de mer, mais à terre, à une petite heure plus au sud, dans le pays de Retz. Déjà une première mondiale, en un sens : pour la première fois, cette production a des débouchés commerciaux. Les précédents étaient surtout des projets de recherche ou de démonstration, depuis Poul la Cour, au Danemark, vers… 1890, suivi plus d’un siècle plus tard par l’université du Minnesota aux États-Unis et Siemens à Redding, en Grande-Bretagne.
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Dans la petite station Lhyfe de Bouin, l’eau vient de la mer toute proche, elle est dessalée puis purifiée. L’électricité est fournie par trois éoliennes (terrestres) voisines, exploitées par Vendée Énergie, dont la capacité atteint 7,5 MW. L’électrolyseur alcalin de 1 MW peut donc afficher un facteur de charge très élevé, même s’il reste bien sûr quelques périodes sans vent, ce qui ne pose pas de réel problème pour l’électrolyseur, explique Maud Masson, chargée du développement France chez Lhyfe.
Il peut fournir jusqu’à 300 kg par jour, mais la petite usine est dimensionnée pour accueillir d’autres « stacks » d’électrolyse et pourra produire jusqu’à une tonne d’hydrogène vert quotidiennement. Cet hydrogène est stocké directement, à 350 bars, dans les tubes d’acier de remorques spécialisées.
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Des sociétés de transport s’occupent de livrer les quelques clients : une très grande surface Lidl qui a passé tous ses charriots élévateurs à l’hydrogène, une station de recharge qui alimente un bus, des bennes à ordures et une poignée de voitures à hydrogène, enfin quelques industriels – le tout dans un rayon d’une centaine de kilomètres. La proximité est un élément clé de compétitivité, du fait des coûts de transport exorbitants de l’hydrogène en petites quantités.
Sealhyfe sera donc peut-être une autre première mondiale, dans quelques mois. Il lui faudra prouver la validité des choix opérés : produire l’hydrogène directement en mer, milieu difficile, sur une plate-forme flottante de surcroît, sans cesse ballotée par la houle. D’autres projets, bien plus considérables (plusieurs centaines de mégawatts, pour un seul sur Sealhyfe), sont en développement en mer du Nord, mais sur des plates-formes fixées au sol, dominant les flots.
À lire aussi Le Royaume-Uni veut produire de l’hydrogène dans ses éoliennes offshoreOn comprend bien l’enjeu de la fabrication d’hydrogène vert à partir d’éolien offshore – dont le potentiel en Europe représente dix fois la consommation d’électricité actuelle du continent, selon l’Agence Internationale de l’Énergie. Mais pourquoi produire de l’hydrogène en mer ?
Les promoteurs évoquent le coût et les pertes des connexions électriques. Le transport à terre de l’hydrogène par pipeline sous-marin serait moins coûteux, mais certaines études suggèrent que ce n’est le cas qu’au-delà de 80 kilomètres d’éloignement des côtes. À cette distance, sauf en mer du Nord, il faut impérativement des matériels flottants – comme celui de Sealhyfe.
L’ampleur des marchés futurs de l’hydrogène vert reste sujet à controverse, notamment selon la place qu’on lui imagine dans la mobilité. Et si l’on pense que l’hydrogène servira principalement à produire des matériaux semi-finis – l’ammoniac, le méthanol, le fer « réduit » (première étape de la sidérurgie) ou les carburants de synthèse, on peut s’attendre à une vive concurrence internationale, ces produits étant tous assez facilement transportables par bateau. Matières premières et fuels basés sur l’hydrogène nous arriveront sans doute par la mer, mais n’y seront pas forcément produits.
Prendre date aujourd’hui sur la fabrication d’hydrogène offshore sur une plate-forme flottante est donc un pari technologique et commercial. Déjà, il faudra prouver que le concept est opérationnel – ce sera peut-être le cas d’ici un an.
Commentaires
Transporter le courant électrique ou transporter l'hydrogène? Dès lors que le câble électrique est forcément déjà en place, on a des pertes (et donc un coût) minime à transporter le courant. Tout le reste n'est que surcoût.
Le plus stupide: déssaler l'eau de mer. C'est coûteux et/ou vorace en énergie. A terre, on peut directement prendre l'eau potable, elle nécessitera moins de traitements. La consommation d'eau pour faire de l'hydrogène n'est pas énorme, et la ressource reste abondante dans l'ouest de la France, en dépit des sécheresses estivales.
La dernière phrase de l’avant dernier paragraphe pose question: ne serait-ce pas, avec le libre échange et la concurrence libre et non faussée, faire fi de la production en France et de l’indépendance nationale ?