Alors qu’il y a peu, les ONG environnementales estimaient que sa feuille de route de réduction des émissions de CO2 était impossible à respecter, l’Allemagne est en passe d’atteindre son objectif.
En 2011, lorsqu’au lendemain de la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel décida de fermer la totalité de ses centrales nucléaires au plus tard en 2022, nombreux étaient les analystes qui n’auraient pas parié un euro sur la capacité de l’Allemagne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Nos voisins d’outre-Rhin, qui pèsent à eux seuls près de 10,3% de la consommation totale d’énergie primaire en Europe, se classent au sixième rang mondial pour les émissions de gaz à effet de serre, avec une part de 2,1% du total mondial.
Le sujet a fait germer de nombreuses rumeurs, notamment celle d’une augmentation inéluctable de la part du charbon dans la production d’électricité, qui aurait dû faire bondir les émissions de gaz à effet de serre du pays.
Mais il n’en est rien. Au début de cette année, Berlin assure qu’en 2019 ses émissions de CO2 ont diminué de 6%, représentant une économie de 50 millions de tonnes sur l’année.
L’Allemagne s’est fixée
pour objectif de réduire au moins de 40% ses émissions de gaz à effet de serre
en 2020 par rapport à l’année de référence 1990, et de 55% d’ici à 2030.
Ensuite, la baisse des émissions de GES devra atteindre 70% d’ici 2040 et de
80% à 95% d’ici à 2050, année à laquelle l’Allemagne veut atteindre la
neutralité carbone.
Dans 10 ans, la part du renouvelable devrait s’élever à 65% de la production
d’électricité (contre 35% aujourd’hui).
Pourtant, en 2018, les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne étaient encore inférieures à celles de 1990 de 31% seulement, selon les dernières données de l’AIE. Tout indiquait que le pays allait rencontrer de fortes difficultés pour atteindre ses objectifs de moyen terme.
Toutefois en 2019, le pays a émis 811 millions de tonnes de CO2, soit 35,2 % de moins qu’en 1990, selon le think tank Agora Energiewende, observatoire reconnu de la transition énergétique en Allemagne. Si, dans un contexte de désengagement accéléré du nucléaire, l’objectif de 40% était considéré jusqu’à présent comme « inatteignable », il apparaît désormais comme « à portée de main ».
Et, fait nouveau : les émissions de CO2 sont à présent bel et bien décorrélées de l’activité économique : depuis 2005 les émissions de CO2 ont diminué de 13% alors que le PIB du pays a progressé de 25%.
L’explication se trouve dans la part croissante des énergies renouvelables (46,2% du mix électrique), combinée au recul sensible du recours au charbon et au lignite. Les années précédentes, l’électricité verte avait plutôt remplacé le nucléaire, ce qui avait un impact très faible en termes d’émissions de CO2.
Mais en un an, l’Allemagne a réduit sa production d’électricité à partir de la houille et du lignite respectivement de 31 % et de 22 %. Et Berlin prévoit de sortir définitivement du charbon pour 2038, si possible même 2035.
Bon bulletin, mais peut mieux faire
Tout n’est pas parfait
pour autant. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) relève des
« efforts inégaux selon les secteurs » et attire l’attention de
l’Allemagne sur le fait que les progrès accomplis sont trop concentrés sur la
production d’énergie, alors que deux autres secteurs fort émetteurs de
CO2 sont négligés : l’efficacité énergétique des bâtiments et le transport.
En raison notamment du succès des SUV, plus énergivores que les voitures de
plus petit gabarit, les émissions dues au secteur automobile ont encore
augmenté (+ 0,4%, s’établissant à 165 millions de tonnes d’équivalent CO2).
Et près de 35% de l’ensemble de l’énergie finale en Allemagne est consommée entre
les murs des habitations.
Hausse du prix du carbone en 2021
Consciente qu’elle devra
s’attaquer à ces faiblesses, l’Allemagne a décidé de baisser de 10% le prix des
billets de train, et a sensiblement augmenté les aides à la rénovation des
bâtiments.
Le KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau; en français : Établissement de
crédit pour la reconstruction) soutient la rénovation énergétique des bâtiments
résidentiels jusqu’à 27,5% des dépenses.
Mais ce n’est pas
tout : le ministère de l’Environnement d’Angela Merkel a annoncé en
décembre dernier avoir trouvé un accord avec les Länder allemands pour fixer le
prix d’émission du CO2 à 25 euros la tonne dès le 1er janvier 2021, alors
qu’il était initialement fixé à 10 euros la tonne.
Cette mesure courageuse, qui entraînera une hausse du prix du carburant de 7 à
8 centimes d’euro, est destinée à préparer le pays au marché européen du
carbone. Dès 2022, le prix de la tonne de CO2 passera à 30 euros, puis 55 euros
en 2025. C’est alors que les permis d’émission allemands rejoindront le marché
européen, au sein duquel la tonne de CO2 se négociera alors entre 55 et 65
euros.
Un pari risqué ?
En ayant décidé de sortir
du nucléaire à marche forcée, l’Allemagne a fait le pari audacieux d’une baisse
de 40% de ses émissions de GES à la fin de cette année.
La fermeture progressive des centrales au charbon contribuera de manière non
négligeable à la réalisation de cet objectif, mais, à travers le développement
des énergies renouvelables, des voix critiques pointent du doigt une plus
grande vulnérabilité de l’Allemagne à l’intermittence du vent et du soleil.
Plusieurs épisodes de prix négatifs sur le marché de gros de l’électricité ont en
effet été soulignés par les médias.
C’est sans compter sur le constat que l’Allemagne détient le nombre le plus
élevé d’interconnexions de toute l’Union Européenne, et compte encore
développer son réseau (voir notamment le projet ALEGrO avec la Belgique).
Ces interconnexions n’ont pas encore atteint l’objectif fixé par l’Europe : un seuil de 10% de la capacité installée totale du pays. Mais les interconnexions entre l’Allemagne et ses pays voisins devraient permettre de mieux résister à l’absence de grands vents en période de grand froid ou de canicule, et de mieux exporter ses excédents d’électricité lorsque la tempête souffle Outre-Rhin.
une comparaison des émission de CO2 par habitant en Allemagne vs France qu’on rigole ? C’est simple : l’Allemagne en émet 2 fois plus.
un update sur la situation ? mdr
Toutes ces considérations sur l’électricité produite par la France qui serait bas carbone ne tiennent la route que parce que l’émission de CO2e par kWh nucléaire prise en considération est complètement biaisée : de l’ordre de 15 g/kWh, soit au niveau de l’éolien, complètement invraisemblable…
Et l’électricité allemande, c’est encore autour de 10 fois le contenu carbone de la France par KWh. Il y a encore bien du chemin à faire, avec un coût TTC pour le consommateur près du double de chez nous en France, car il faut aussi financer un parc thermique (en back up) fossile encore pléthorique (près de 90 GW).
Oui, l’interconnexion, c’est très bien, surtout tant que l’on a des voisins « complémentaires » comme la France avec ce qu’il lui reste de centrales nuke. Du coup, la charge carbone de l’électricité devrait être évaluée non pas pays par pays mais en « moyenne globale » des pays interconnectés. Pour éviter que la décharge des uns n’augmente la charge des autres. C’est comme ceux qui disent que rouler au gazole émet moins de CO2 que rouler à l’essence, et qui oublient que les 2 carburants sont liés par leurs proportions respectives dans le pétrole brut. du coup favoriser le gazole sous ce prétexte,… Lire plus »
Contrairement à ce
que l’on entend tous le temps en France, les exportations d’électricité de la France vers l’Allemagne ont *diminuées* au cours des 10 dernières années, malgré la sortie du nucléaire en Allemagne. La France a besoin de ses voisins lors de grands froids, l’Allemagne lors d’anticyclones.
L’Allemagne a quand même importé 14,8 TWh de la France en 2019, en nette hausse. https://www.energy-charts.de/exchange.htm
Dans le même temps, l’Allemagne a exporté a ses voisins environs autant que ce que la France a elle même exportée c’est à dire de lordre de 50Twh ces dernieres années https://www.energy-charts.de/exchange.htm?source=eu_pf&year=2019
Et la France..? Ben on a presque baissé de 20% nos émissions dans le même temps, sans toucher au nucléaire. Alors bien sûr ils émettent encore un peu plus que nous par habitant (il faut dire aussi qu’ils ont su garder une industrie, qui souvent a quitté la France), mais quand même ! Bravo et merci aux Allemands d’avoir réussit à la fois à baisser leurs émissions de GES de 40% en 30 ans, tout en développant, à grand frais au départ, le solaire et l’éolien qui concurrencent maintenant les énergies fossiles partout dans le monde. A une époque où… Lire plus »
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/en.atm.co2e.pc
En 2014 Émissions de CO2 (tonnes métriques par habitant) :
-Allemagne : 8,9,
– France : 4,6. Soit 93 % de plus pour les allemands. En intégrant les baises indiquées :
– Allemagne : 8,9 – 40 % = 5,34,
-France : 4,6 – 20 % = 3,68. Soit 45 % de plus pour les allemands.
On est encore très loin de la neutralité. Ce qui fonctionne pour l’Allemagne ne fonctionne pas pour la France. Développer l’éolien et le PV revient à augmenter la charge carbone de l’électricité française.
https://www.electricitymap.org/?page=map&solar=false&remote=true&wind=false On peut noter les charges carbones suivantes en g / kWh en fonction de la production : – nucléaire : 12 – charbon : 820 – éolien : 11 – solaire : 45 – hydraulique : 24 – gaz : 490 – fioul : 650. ElectricityMap propose 48 g/kWh pour le stockage hydraulique en France et 301 g/kWh pour stockage batterie en Australie Méridionale. La charge carbone de l’électricité française est de 57 g/kWh en moyenne annuelle (79 g/kWh sur la période de chauffage des bâtiments). Le solaire avec ses 45 et la nécessité d’avoir des centrales pour compenser… Lire plus »
J’ai lancé l’idée de STEP hydraulique souterraines à deux niveaux de galeries rayonnantes. Ce qui permettrait à l’Australie de stocker de l’eau pour la saison sèche et de l’envoyer en des rizières coupe-feux en cas d’incendie ! Mais vont-ils comprendre devoir changer de la désertification et l’appauvrissement des sols ?
D’un autre côté, en France, l’on craint l’intermittence des renouvelables, mais, le long de nos côts surélevées, pourquoi ne pas faire des usines de la Rance souterraines partout où c’est possible ? Ce qui lissera plus ces intermittences, les marées fonctionnant dans les deux sens !