Le désert du Gobi / Illustration : Getty, montage : RE.
L’autorité de sûreté nucléaire chinoise vient de délivrer une autorisation d’exploitation d’une durée de 10 ans pour un prototype de réacteur nucléaire expérimental au thorium à sels fondus. Cette technologie pourrait représenter, à moyen et long terme, l’avenir de la production d’énergie nucléaire.
Le 7 juin dernier, la NNSA, autorité de sûreté nucléaire chinoise, a délivré une autorisation de 10 ans au Shanghaï Institute of Applied Physics pour l’exploitation de son réacteur nucléaire au thorium à sels fondus TMSR-LF1. Cette autorisation marque le début des phases de test pour ce petit surgénérateur expérimental de 2 mégawatts électriques (MWe) situé en plein désert du Gobi, à 110 km de Wuwei, au centre du pays. À titre de comparaison, la puissance d’un réacteur nucléaire commercial en France, d’une technologie radicalement différente, s’élève entre 900 et 1 500 MWe.
Si ce projet de réacteur au thorium a été lancé il y a maintenant plus de 10 ans, les travaux ont débuté en 2018. Le chantier n’aura finalement duré que 3 ans, au lieu des 6 années initialement prévues. À l’issue des travaux, les autorités environnementales chinoises ont passé 2 ans à contrôler la conformité de l’installation avant d’accorder l’autorisation d’exploitation.
À lire aussi Les surgénérateurs nucléaires vont-ils renaître de leurs cendres ?Si ce réacteur parvient à répondre aux défis technologiques imposés par le thorium, il pourrait positionner la Chine comme leader mondial des technologies nucléaires. L’utilisation de ce combustible permettrait, en effet, d’améliorer la sécurité des réacteurs nucléaires et d’en augmenter l’efficacité tout en limitant la quantité de déchets radioactifs produits.
L’immense potentiel du thorium
Trois à quatre fois plus abondant sur Terre que l’uranium, le thorium multiplie les avantages. Sous l’action d’un catalyseur, ce métal argenté peu radioactif peut déclencher une réaction en chaîne permettant, non seulement de produire de l’énergie, mais aussi du combustible supplémentaire. Grâce au phénomène appelé « surgénération », le réacteur produirait moins de déchets radioactifs et serait d’une plus grande efficacité.
C’est également la surgénération qui était au cœur des réacteurs français à neutrons rapides Rapsodie, Phénix, Superphénix, et du programme de recherche Astrid, tous les quatre abandonnés.
À lire aussi Cette plateforme va extraire l’uranium de l’eau de mer pour alimenter des centrales nucléairesDans un document de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), Kailash Agarwal, spécialiste des installations du cycle du combustible nucléaire, expliquait récemment que « du fait de son abondance et de sa capacité à produire des matières fissiles, le thorium pourrait offrir une solution à long terme pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux ». Néanmoins, si la Chine indique disposer de 20 000 ans de réserve de thorium sur son sol, ce combustible reste, pour l’heure, difficile et coûteux à extraire. C’est notamment pour cette raison que la technologie a été délaissée jusqu’à présent. La route reste encore longue avant l’industrialisation des réacteurs au thorium.
Commentaires
Bonjour Monsieur Champeau,
Permettez moi de vous dire que vous êtes soit disant curieux dans l'âme mais pas assez (ou très naif(?)). Ce n'est pas parce que le thorium est difficile à extraire que celui ci n'a pas été exploité dans le nucléaire. C'est tout simplement qu'il ne permettait pas d'accéder à "LA BOMBE". Et quel dommage, il n'y aurait pas eu les trois accidents nucléaires catastrophiques et ceux qui vont certainement suivre car son exploitation ne présente aucun danger d'explosion et beaucoup d'autres avantages.... Bravo la Chine encore une longueur d'avance. "Quand la Chine s'éveillera et que tous les autres s'endormiront...."
Précisions quand même : ils tentent grosso modo de reproduire les expériences américaines des années 60, rien de plus (ils sont en rattrapage technologique comme dans de très nombreux domaines).
Au-delà des légendes urbaines comme celle que raconte @vvdb, la filière ne s'est pas développée pour tout un tas de raison techniques et économiques (il faut notamment produire l'U233 par un cycle nucléaire "classique" en amont) et n'a rien des vertus qu'on lui prête parfois. L'industrie est pragmatique.
Il n'est pas question de légende urbaine...
Le système proposé par les scientifiques d'alors était basé sur les sels fondus fluorés et tous les avantages, dont celui de ses débarrasser facilement des actinides des réacteurs militaires, mettre du Thorium n'était qu'un plus pour permettre à l'humanité d'avoir de l'électricité sans prolifération. Une fois démarré la réaction avec uniquement du Thorium fonctionne, il n'y a plus besoin d'ensemencement.
Des déchets à 300 ans, c'est un délai historique pour l'humanité qui ne pose pas de soucis. Le stockage se faisant au pied du réacteur.
Il est effarant de constater que les 10 milliards d'euros de dépassement de Flamanville sont a peu près les coûts d'un développement d'un filière à sels fluorés fondus. Quand les chinois auront mangé les 10 milliards d'euros, on en reparlera...
La france a dépensé des milliards pour tout abandonner donc les chinois ont tout les As pour faire un bon coup.
Encore une histoire qui ne va pas amoindrir la pollution.
Rien n'empêche d'acheter une licence d'utilisation, c'est comme ça qu'est né le nucléaire civil français (licence Westinghouse et General Electric).
D'ailleurs FRAMATOME signifie Franco Américaine de Constructions Atomiques. Cette société a été créée en 1958, donc AVANT le grand plan électro-nucléaire de Pierre Messmer en 1973-1974.
Les réacteurs à sels fondus fluorés avaient été sélectionnés dans les années 60 pour le nucléaire civil.
Kennedy grand scientifique a cru les militaires qui lui ont affirmé que le réacteur militaire de production de plutonium pouvait faire l'affaire et on économisait le développement du civil (pour plus de bombes)
La technologie a sels fondus fluorés est exportable dans des pays qui n'ont pas de compétences fortes et pas de prolifération nucléaire.
Les déchets sont de 300 ans.
Un petit cours sur les différences entre réacteurs classiques et ceux au thorium serait le bienvenu...
Le thorium, dont le nom est inspiré du dieu scandinave Thor.
Le Thorium n'est pas directement fissible.De ce fait un réacteur au thorium ne peut pas s'emballer car il ne déclenche pas spontanément de réaction en chaine, contrairement à l'uranium.
Le thorium a besoin d'être préalablement irradié par 1 neutron pour progressivement (plus de 27 jours) "monter en gamme" vers l'Uranium 233 (dont la demi-vie est d'environ 150 000 ans) , qui lui est fissible.
Un 2e neutron pourra alors venir casser l'U233 et obtenir de l'énergie thermique par désintégration nucléaire classique. A noter que le désintégration de l'U233 expulse davantage de neutrons que la désintégration de l'U235.
On peut par exemple utiliser des déchets nucléaires de haute activité issus des autres centrales à uranium pour réaliser cette irradiation.
De ce fait, les réacteurs à Thorium peuvent servir éventuellement à éliminer les déchets nucléaires. Ce sont les écologistes anti-nucléaires qui ne vont pas être contents, car de ce fait on leur enlève les arguments de la prolifération des déchets nucléaires, ainsi que de la prolifération militaro-nucléaire.
On injecte au fur et à mesure des matériaux irradiants dans le réacteur pour irradier le thorium fertile et le faire monter en gamme et stimuler le fonctionnement du réacteur . Il faut attendre plusieurs heures (ou plusieurs jours ?) pour aboutir au U233 fissible et des réactions en chaine.
Dès qu'on cesse d'injecter du stimulant, le réacteur s'arrête : le réacteur à thorium est un réacteur sous-critique.
Un peu comme un transistor qui a besoin d'être stimulé sur sa base pour faire passer le courant. Si la base n'est plus stimulée, le transistor repasse de l'état "passant" à l'état "bloquant".
Ce type de réacteur nécessite un système permanent, au travers de la circulation du fluide, pour extraire les produits de fission "inutiles" et ré-injecter des produits de fission stimulants "utiles" ainsi que de thorium "frais" , sinon, il s'arrête quasi-immédiatement.
En l'état actuel de l'art, il n'est pas sûr qu'on puisse créer de gros réacteurs de type 1000MW de puissance. D'où l'intérêt des développer des prototypes . Un premier réacteur a très bien fonctionné à Oak Ridge aux USA dans les années 60, sans incident majeur, ce qui est extra-ordinnaire pour un prototype expérimental. Il a été arrêté au bout de quelques mois de bon fonctionnement, car les partisans du PWR se sont débrouillés pour couper les subsides financières du labo de recherche qui l'avait développé.
On peut aussi envisager l'usage du Thorium dans les réacteurs actuels en substitution partielle du U238 fertile, dans une logique de surgénération afin de produire de grandes quantités d'U233 fissible.