Démolition du bâtiment réacteur de la centrale nucléaire de Zorita en Espagne / Image : Enresa, montage : RE.
Le démantèlement d’un réacteur nucléaire est tellement long, qu’on en oublierait presque de se demander comment réutiliser ces vastes terrains une fois l’opération terminée. De l’autre côté des Pyrénées, l’un des premiers déclassements d’une centrale nucléaire de production devrait nous apporter quelques éléments de réponse.
Après le démantèlement vient le déclassement, voilà un proverbe que doivent, sans doute, se rappeler les équipes en charge du démantèlement des installations nucléaires un peu partout dans le monde. Et pour cause, avec une durée comprise entre 20 ans et plus de 50 ans, difficile, parfois, de voir le bout de ces vastes chantiers de déconstruction. Pourtant, avec une cinquantaine de réacteurs de production en arrêt définitif (sur environ 500 réacteurs au total), les chantiers de démantèlement vont se multiplier dans les années à venir. Et les déclassements aussi. Mais que faire d’un ancien site nucléaire, une fois que les autorités du pays ont autorisé son déclassement ?
Qu'est-ce qu'un déclassement ?
Le déclassement est une opération administrative qui consiste à supprimer un site de la liste des « installations nucléaires de base ». Pour que le déclassement soit effectif, des études approfondies sont menées pour confirmer l’absence de toute radioactivité significative sur le site.
À une centaine de kilomètres à l’est de Madrid, les autorités espagnoles sont déjà confrontées à cette question pour une de leurs anciennes centrales nucléaires. Le démantèlement de l’ancienne centrale José Cabrera (aussi appelée Zorita), équipée d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance nominale de 153 MWe, et qui a fourni de l’électricité au pays pendant près de 37 ans, devrait bientôt s’achever. Le site devrait donc être déclassé pour redevenir une simple friche industrielle.
La société Naturgy, propriétaire du terrain, a d’abord envisagé d’y construire une centrale à cycle combiné gaz (CCG). Mais le contexte géopolitique actuel a obligé l’électricien espagnol à revoir sa position. Celui-ci a donc décidé de se tourner vers les énergies renouvelables. Aux dernières nouvelles, le site devrait donc accueillir une sous-station électrique, et une centrale photovoltaïque de 990 kWc devrait être implantée à seulement 350 mètres de l’ancien réacteur nucléaire.
Si les travaux touchent à leur fin avec le remblai de l’ancienne cuve du réacteur, une partie des déchets radioactifs devraient cependant rester sur place dans une zone dédiée. Appelés ATI, ces 16 entrepôts temporaires individualisés permettent de stocker des déchets radioactifs en attendant leur transfert dans une infrastructure définitive. Cette zone continuera à être contrôlée par l’Enresa, l’organisme chargé des déchets radioactifs en Espagne.
Le site de la centrale nucléaire José Cabrera à Zorita, avant et après (projection) / Images : Enresa.
Quid de la France ?
Installer des moyens de production d’énergies renouvelables à l’emplacement d’une ancienne centrale nucléaire semble être une solution toute trouvée pour profiter du réseau électrique existant. En France, EDF Renouvelables a lancé l’installation d’une centrale photovoltaïque de 12 MWc sur les terrains de l’ancienne centrale nucléaire de Creys-Malville, plus connue sous le nom de Superphénix. Mais malgré ce projet, le démantèlement de l’ancien surgénérateur de 1 240 MWe est encore loin d’être fini. Selon EDF, les opérations devraient se terminer à l’horizon 2030 avec l’assainissement des terrains.
Le second site en cours de démantèlement le plus avancé en France est celui de la centrale bretonne de Brennilis et son réacteur à eau lourde refroidi par gaz d’une puissance de 70 MWe. L’installation a été mise à l’arrêt en 1985, mais depuis, son démantèlement piétine, entaché par de nombreux incidents et arrêts de chantier. Désormais, l’objectif est fixé à un déclassement d’ici à 2040, soit 55 ans après le début du démantèlement. L’objectif d’EDF est de restituer un terrain compatible « tout usage ». Théoriquement, des logements pourraient tout à fait voir le jour à l’emplacement même de l’ancienne cuve du réacteur. En réalité, il est probable que le site soit simplement laissé à la nature ou utilisé pour d’autres activités commerciales ou industrielles.
En parallèle, EDF poursuit le démantèlement de 7 autres réacteurs nucléaires en France : Chooz A, Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Saint-Laurent A1 et A2. Si le site de Chooz A, entièrement souterrain, devrait être comblé à long terme, les vieux réacteurs de Bugey, Chinon et Saint-Laurent se trouvent au sein de centrales toujours en exploitation, aux côtés d’autres réacteurs en service. Les zones libérées resteront donc dans des zones nucléaires. L’énergéticien devra ensuite s’attaquer aux deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, définitivement arrêtée en 2020. Cette dernière doit être totalement déclassée à l’horizon 2040, pour accueillir, si le projet parvient à se concrétiser, un nouveau port fluvial de marchandises.
Le démantèlement d’une centrale nucléaire, une opération aussi complexe que coûteuse
Actuellement, le démantèlement des installations nucléaires reste une opération complexe, dont le coût et la durée est difficile à anticiper à cause du manque de retour d’expérience. À titre d’exemple, le coût total du démantèlement de l’unique réacteur de la centrale de Brennilis avait été une première fois réévalué en 2005 à 482 millions d’euros, soit 20 fois plus que l’estimation initiale de 1985. En 2021, ce budget a fait l’objet d’une nouvelle estimation, faisant passer le total à près de 850 millions d’euros.
À lire aussi Quel conditionnement pour les déchets nucléaires ?Néanmoins, les nombreux chantiers de démantèlement en cours permettent à EDF d’obtenir un précieux retour d’expérience nécessaire à une meilleure maîtrise des coûts et des délais. Le démantèlement de la centrale de Fessenheim devrait notamment être facilité par l’expérience acquise lors du démantèlement de Chooz A, débuté en 2007 et quasiment achevé.
EDF estime désormais à 60 milliards d’euros le coût total du démantèlement de son parc actuel de 58 réacteurs nucléaires, en prenant en compte la gestion des déchets radioactifs. En France, seuls 4 réacteurs nucléaires expérimentaux de faible puissance ont été entièrement démantelés, à savoir le réacteur EL2 à Saclay, et les réacteurs Silhouette, Mélusine et Siloé à Grenoble.
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Commentaires
on serait curieux de voir des commentaires des pro nucleaires face a ces constats severes et sans appels.
60 milliards = 3 fois la construction de l EPR flamanville = 60 000 millions = 15 000 eoliennes offshores derniere generation d une puissance 225 centrales nucleaires de 15 Mw chacune ( 4 millions piece) = 225 000 Mw de puissance = 225Gw = 225 reacteurs nucleaires de 2 eme generation qui fonctionnent a puissance eguale ( 1 tranche de centrale nucleaire a une puissance moyenne de 1 Gw= 1000 Mw ; par exemple; fessenheim, c est 2 tranches de 900 mW chacune, ou 2 mini centrales nucleaires de 900 Mw juxtaposes ou 2 reacteurs de 900 mW))
Ca permets de recadrer les ordres de grandeur, car 60 , cest pas grand chose. 225 reacteurs nucleaires , cest un peu plus impressionant , meme en Chine
C'est toujours intéressant les ordres de grandeur, mais vos exemples sont un peu hors de propos:
Et de toute manière, peut importe la comparaison puisque les centrales sont là et devront être démantelées.
C'est bien de faire des calculs mais faut le faire avec des vraies valeurs: Les EPR2 (on ne construira plus d'EPR 1 en France) c'est 8mds, probablement 10mds. on a donc plutôt 6 EPR2 pour ce montant de 60mds. Des éoliennes de 15mw a 4m€ je sais pas ou vous les trouvez: a 15MW c'est du offshore et en France, pour les premiers parcs ont est plutôt a 25 millions par éoliennes (2mds/80)... ce qui correspond aux estimation de 1.7m€ par MW. De même parler d'un coté de puissance crête et de l'autre de puissance moyenne (un EPR2 c'est 1650Mw en crete 1.3 en moyenne) c'est mélanger les choux et les carottes... et vous oubliez tous les coûts réseaux hors raccordement ...c'est oublié aussi qu'un parc éolien c'est 25 ans d'espérance de vie, vs 60+ pour une centrale. bref votre calcul ne vaut pas grand chose. Si on reprend le coût du premier parc offshore, on peux en faire 30, soit environ 15GW... soit l'équivalent en production de 15*0.45=6.25GWm = 5 EPR2*1650*0.8 (sans prendre en compte les différences de durée de vie)
si on pouvait réellement construire l'équivalent de 225 réacteurs pour "seulement" 60 milliards, il le ferait.
les ingénieurs d'EDF sont beaucoup plus intelligent que vous ne l'êtes.
La réalité, c'est que votre calcul est totalement bidon.
Je ne sais pas d'ou vous sortez qu'on construit en mer des moulins à vents de la taille de tour eiffel pour seulement 4 millions mais c'est totalement faux.
Une éolienne offshore de 6MW, c'est 18 millions d'euros.
"Les éoliennes offshores que l'on installe aujourd'hui - de type Alstom comme celle déployée par EDF - ont une puissance, nous dit cet opérateur, de 6 MW, "de quoi alimenter une ville de 5000 habitants". En outre, la fabrication et l'installation de chaque éolienne coûtent environ 18 millions d'euros.16 mars 2022"
https://www.tf1info.fr/politique/election-presidentielle-l-eolien-en-mer-40-milliards-d-euros-pour-seulement-2-de-l-electricite-marine-le-pen-2213758.html
1000 éoliennes offshore de 6 MW couteraient donc 18 milliards d'euros (sans compter le raccordement) et produirait théoriquement l'équivalent de 1,5 EPR.
Pas exceptionnel, sachant que l'EPR de flamanville a été un desastre industrielle et que les prochains réacteurs seront bien moins cher.
Pour 60 milliards, on ferait plutôt 3000 éoliennes offshore de 6 MW qui produirait autant que 5 EPR grand max ...
bref, la mauvaise foi et les mensonges habituelles des escrolo
Il faut un doctorat en énergie nucléaire, au moins.
https://www.forbes.com/sites/scottcarpenter/2020/11/30/danish-giant-orsted-revs-up-worlds-second-largest-offshore-wind-farm/
Comme toujours avec le nucléaire, on retrouve les mêmes termes : "devrait" "pourrait"... La réalité est simple : on ne sait pas démanteler à grande échelle, on n'a donc aucune idée du coût réel - à condition que ce soit techniquement faisable, car il est en réalité de plus en plus probable qu'on ira vers des brown field à l'américaine, comme à Maine Yankee (qui a servi de référence pour évaluer les coûts du démantèlement français, défense de rire). Et on ne sait pas quoi faire des déchets : l'article l'évoque pudiquement en signalant que ceux-ci restent sur place dans l'exemple espagnol "en attendant de trouver une infrastructure" (comme aux USA, en Allemagne, etc.).
Par contre, ne pas souligner qu'EDF elle-même a reconnu ne pas savoir démanteler les réacteurs graphite-gaz mentionnés dans l'article est proche de la désinformation, tant tout est officiel (démantèlement pudiquement reporté au 22ème siècle, défense de rire, même si EDF a fait mine de revoir sa copie quand l'ASN a tiqué après cette annonce).
Bref :
Et on se demandera dans les années 2040 comment on a pu en arriver là...