La centrale nucléaire de Gravelines, au bord de la Manche / Image : Raimond Spekking - Wikimedia, montage : RE.
Nos émissions de dioxyde de carbone s’accumulent non seulement dans l’atmosphère, mais également dans les océans. Et s’il était possible de récupérer avantageusement ce dioxyde de carbone ? Par exemple pour en faire des carburants pour nos véhicules, et ce, en utilisant une source d’énergie décarbonée, comme le nucléaire ?
Le laboratoire étasunien Naval Research Laboratory (NRL) a conçu un appareil qui permet de produire des carburants synthétiques à partir de la seule eau de mer en tant que matière première. Pour comprendre comment cela est possible, notons tout d’abord que les carburants que nous utilisons, par exemple, pour nos véhicules, sont constitués de molécules ayant la forme de longues chaînes de carbone et d’hydrogène, et appelées à juste titre hydrocarbures.
Or l’eau de mer contient bien de l’hydrogène et du carbone. En effet, l’eau de mer peut être une source d’hydrogène, par électrolyse de l’eau. Les océans constituent un important puits de carbone en pompant le dioxyde de carbone de l’atmosphère. La quantité de CO2 qu’ils absorbent est estimée à environ 2 milliards de tonnes équivalent carbone par an. La concentration du CO2 reste toutefois faible, de l’ordre de 0,1 g/L : il faut donc envisager de traiter des volumes d’eau importants – mais moins importants que si ce CO2 devait être extrait de l’air.
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Le système du NRL, appelé Electrolytic Cation Exchange Module (E-CEM), a été breveté en 2016. Depuis la publication du brevet, une usine pilote a été construite dans l’installation Marine Corrosion Facility du NRL, à Key West, en Floride. Ce système expérimental a pu démontrer la faisabilité de ce processus de récupération simultanée du dioxyde de carbone (CO2) et de l’hydrogène (H2) à partir de l’eau de mer, générant les matières premières qui seraient nécessaires à la production de 4 L par jour de carburant de synthèse.
Plus récemment, le NRL a communiqué l’année dernière sur le succès des opérations d’une seconde installation pilote qui constitue le deuxième étage de ce système : un réacteur combinant la réaction du gaz à l’eau inverse (en anglais RWGS) et la réaction de Fischer-Tropsch. La première produit du monoxyde de carbone à partir de l’hydrogène et du dioxyde de carbone, tandis que la seconde peut produire de chaînes de carbone et d’hydrogène, autrement dit des hydrocarbures. Lesquels peuvent être utilisés comme carburant.
Il est à noter que ces réactions ont été intensivement étudiées par la NASA dans les années 1970 et 1980, dans l’objectif de produire du carburant pour fusée à partir de l’atmosphère de Mars, composée à 96 % de CO2. Les applications seront toutefois nettement plus terre à terre.
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Le système est en effet développé pour le compte de la Marine américaine, qui y voit un avantage pour de futurs théâtres d’opérations. En effet, elle envisage d’équiper des navires avec ces systèmes, qui permettront de produire sur place des stocks de carburants, ce qui réduit non seulement les contraintes logistiques, mais réduit les vulnérabilités induites par les transports de carburant non protégés.
La Marine américaine a pour objectif d’être en mesure de produire tout un panel d’hydrocarbures : gaz naturel liquéfié (GNC), gaz naturel comprimé (GNL) et des carburants aéronautiques militaires spécialisés comme le F-76 ou le JP-5. On suppose que ces systèmes utiliseront les capacités de génération électrique des réacteurs nucléaires de porte-avions de la Marine américaine.
Mais les applications potentielles sont plus larges. Robert Hargraves est cofondateur de la société Thorcon, qui développe un concept de réacteur nucléaire à sels fondus. Il a fait remarquer qu’il existe d’autres lieux que les navires où de grandes quantités d’eau sont manipulées : il s’agit des circuits de la source froide des réacteurs nucléaires placés en bord de mer. M. Hargraves prêche pour sa paroisse, certes, mais il indique que de tels systèmes de production de carburants de synthèse, pourraient équiper des centrales nucléaires, prenant l’hydrogène et le CO2 de l’eau pour produire des carburants de synthèse. Une fois ce carburant utilisé, le CO2 est à nouveau capturé par les océans, refermant la boucle.
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Commentaire
Sachant que la dissolution du CO2 dans l'eau augmente lorsque sa température baisse.
Les eaux froides sont donc plus chargées (ou tout au moins chargeables) en CO2 que les eaux chaudes.
Un labo du CNRS (donc en France...) a planché sur la question de l'électrolyse du CO2 et de l’électrolyse d'une eau saturée en CO2 en vue de produire des hydrocarbures simples (ex: méthane).