Visuel : Plotec.
Les mers contiennent une énergie thermique considérable et méconnue. Grâce à la différence de température entre la surface de l’eau (chaude) et le fond (froid), il est possible de produire de l’électricité. Voici l’analyse du fonctionnement de ces centrales de production, dont les prototypes viseront à remplacer les centrales polluantes des états insulaires.
Dans les États insulaires, on se demande comment se passer des générateurs diesel, majoritaires dans la production d’électricité. L’électricité y coûte souvent cher et les habitants en payent les frais. Lorsqu’elles sont rattachées à un État, comme les DOM pour la France, une péréquation tarifaire (compensation par l’État) est réalisée pour garantir le même prix d’électricité pour tous. L’enjeu est donc de trouver un moyen propre pour produire de l’électricité et qui ne prend pas beaucoup de place dans ces îles aux petites superficies.
Le projet Plotec, consortium de 7 entreprises européennes, espère avoir trouvé une solution. Il teste un prototype de conversion, en électricité, de l’énergie marine dans les îles Canaries. Pour ce faire, il met au point une centrale flottante, résistante aux évènements extrêmes tels que les ouragans, utilisant le différentiel de température entre la surface de l’eau, particulièrement chaude à ces latitudes, et les profondeurs, constamment froides.
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La surface de l’eau emmagasine le rayonnement du soleil et l’énergie du vent. C’est pourquoi elle est plus chaude proche de l’équateur, considérons à une température de 25 degrés celsius (°C). En eaux très profondes, la température y est constante toute l’année, entre 2 et 5 °C vers 1 000 m de profondeur. Comme la densité volumique de l’eau s’accroît lorsque la température diminue, les deux eaux aux températures radicalement différentes ne se peuvent pas se mélanger.
Alors, comment produire de l’électricité à partir de ce gradient ? À l’inverse d’une pompe à chaleur qui transforme de l’électricité en chaleur ou froid à partir du milieu ambiant, la différence de température permettra à un fluide, souvent l’ammoniac, de changer d’état et produire de l’électricité. L’eau chaude en surface va permettre à l’ammoniac de passer à l’état gazeux, car sa température d’évaporation est inférieure à celle de la source chaude. L’ammoniac ainsi évaporé entraîne une turbine qui produit de l’électricité. Le gaz poursuit son chemin au contact de la source froide, généralement de l’eau froide puisée en profondeur. Il est refroidi et redevient liquide. Et recommence le cycle, nommé Carnot.
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Le rendement de l’opération est le suivant : 1 – Tf/Tc où Tf est la température de l’eau profonde et Tc celle de l’eau en surface. On peut observer que plus l’écart de température est grand (Tf très faible et Tc très élevée), plus le rendement se rapproche de 1, cycle sans perte. C’est théorique, mais montre que ce type de production n’est pertinent que pour les zones tropicales, comprises entre une latitude de -30° à +30°. Pour une eau en surface (Tc) à 25 °C et froide (Tf) 5 °C, le rendement est de 6,7 %.
Un potentiel important sous les tropiques
Comme l’énergie thermique marine est produite proche des côtes et avec des canalisations allant jusqu’à 1000 mètres de profondeur, il faut un emplacement avec des falaises sous-marines. Cela est possible entre les tropiques du Cancer et du Capricorne, c’est-à-dire entre -30° et +30° de latitude. Entre ces mêmes limites, l’eau y est aussi plus chaude en surface comme expliqué précédemment.
L’énergie thermique marine nécessite des volumes d’eau considérables pour être efficace. En raison du faible gradient de température, un très grand débit d’eau de mer est indispensable pour compenser cette inefficacité. De plus, pour minimiser les pertes de charge, les canalisations doivent avoir des diamètres extrêmement importants. Actuellement, les installations utilisent des tuyaux en polyéthylène haute densité (PEHD) d’un diamètre de 1,5 mètre. Toutefois, avec le développement prévu de centrales de grandes puissances à l’avenir, il sera nécessaire d’augmenter encore ces dimensions. On envisage ainsi l’utilisation de canalisations pouvant atteindre des diamètres de 15 mètres, afin de répondre aux besoins en eau massive et garantir une efficacité opérationnelle optimale.
Plotec, un premier projet commun
Sept pays européens unissent leurs forces pour mener le projet Plotec, aux îles Canaries. Soutenu financièrement par l’Union européenne, un démonstrateur à l’échelle un cinquième sera construit. Le consortium n’a pas encore communiqué sa puissance. Global Otec, un des membres du consortium, a déjà validé sa structure au cours d’essais menés en bassin à Londres, en mai 2023.
Selon les porteurs du projet, la cellule flottante doit facilement pouvoir être connectée et déconnectée du réseau afin de la rapatrier en cas d’évènement météorologique extrême. Elle doit produire de l’électricité et pourra aussi servir de production de froid. Elle est réversible, il n’y a qu’à inverser le cycle de Carnot.
Commentaires
Si l'énergie thermique des mers était rentable malgré une si faible différence de température... et malgré les importantes dépenses de pompage, alors le solaire thermique sans concentration, qui crée une différence de température bien plus grande avec beaucoup moins de consommations parasites, le serait.davantahe encore. Or personne n'en fait, parce que le PV, et même le PV avec batterie, sont incomparablement moins chers.
Un concept à oublier...
En revanche la mer peut servir de source de calories et de frigories pas chère. Mais pas de source d'électricité.
depuis les années 40 plusieurs installations ont été faite au USA et dans le pacifique. le rendement pratique est trop faible
Le rendement est trop faible pour une installation trop compliquée, quitte à utiliser les différences de températures il vaut mieux un système Stirling...
Jules Verne en parlait déjà dans vingt milles lieux sous les mers
Je me souviens qu'on en parlait déjà dans les années 80 dans les émissions TV scientifiques ; émissions de Laurent Broomhead (ingénieur) sur Antenne 2 (mercredi soir ?) par exemple. Ses émissions de vulgarisation scientifique étaient très bien pour l'époque.
En admettant que ça marche, je ne doute pas que les écolos s'y opposeront invoquant le réchauffement des eaux profondes et le refroidissement des eaux de surface qui vont déstabiliser l'écosystème. Et en plus en cas de fuite, l'ammoniac tuerait les poissons.
Réponse à prendre avec de l'humour... (je préviens, au cas où ce serait mal interprété...)
Décidément, y'a jamais rien qui va !
"l’ammoniac tuerait les poissons."
Des poissons, il n'y en a déjà plus, à cause de la surpêche.
Et puis l'ammoniac dans l'eau ça donne de l'ammoniaque, qui est une solution alcaline ce qui luttera contre l'acidification des océans.
NH3 + H2O ==> NH4+ + OH-
En effet n'importe quelle personne censée verrait le défaut.
On ne crée pas de l'énergie, on la transforme. Ici on va la déplacer (ce qui est une transformation), réchauffer le fond marin alors qu'on sait que cela est déjà en cours et nous amène à de sérieux problèmes.
Heureusement, cela est aussi compliqué et inexploitable que la séquestration de CO2 donc aucune chance de voir ces centrales devenir réalité.