En offrant un prix de l’électricité fixe quel que soit l’horaire de la journée, l’option base n’incite pas les abonnés à décaler leur consommation aux moments où le réseau est le moins sollicité. L’option heures pleines / heures creuses censée récompenser les utilisateurs qui font cet effort, n’est plus aussi avantageuse qu’auparavant. Et si l’on supprimait purement et simplement l’option base pour créer une vraie incitation chez tous les consommateurs d’électricité, sans les pénaliser ?

Avez-vous déjà observé la courbe de consommation nationale d’électricité ? Elle fluctue brutalement, en s’effondrant la nuit puis en décrivant des pics en milieu et fin de journée. Les centrales électriques jouent donc aux équilibristes, afin que la quantité d’électricité produite soit toujours égale à celle consommée. Ce mode de fonctionnement ne permet pas d’exploiter au mieux le potentiel de celles qui génèrent l’électricité la moins carbonée, comme les centrales nucléaires et solaires.

La nuit, les réacteurs nucléaires réduisent leur puissance alors qu’ils pourraient fonctionner à plein régime 24h/24 sans impact majeur sur leur consommation de combustible. Le jour, du printemps à l’automne, les centrales solaires voient parfois leur production bridée faute de débouchés. Enfin, ce sont les centrales hydroélectriques, mais également celles au gaz fossile, au fioul et au charbon qui sont mises à contribution pour réagir rapidement aux fluctuations de la consommation nationale. Si les premières sont bas-carbone, une grande part utilisent un stock d’eau qui gagne à être économisé.

Stocker l’électricité, l’échanger avec les pays voisins et décaler ses consommations

Un gaspillage auquel il est pourtant possible de remédier. Si le stockage d’énergie de grande ampleur comme les stations de pompage-turbinage (STEP) et batteries représente un moyen efficace, il nécessite des investissements colossaux et beaucoup de volonté politique. Les échanges d’électricité avec les pays voisins permettent aussi d’exporter efficacement les excédents et d’importer en cas de déficit, mais questionnent notre souveraineté énergétique, en plus d’exiger également de grands investissements dans les lignes transfrontalières. Reste la flexibilité : inciter les consommateurs à « lisser » la courbe de consommation nationale, en reportant la mise en marche d’appareils énergivores aux moments les plus adaptés. Une flexibilité idéalement non punitive.

Exemple d’un jour où la production d’électricité solaire est écrêtée faute de consommation / Image : RE.

En France, les particuliers en sont timidement incités à travers l’option heures pleines / heures creuses proposée sur chaque contrat de fourniture d’électricité. Elle s’oppose à l’option base, qui, elle, offre un tarif de l’électricité immobile, quelle que soit l’heure de la journée. Toutefois, l’option heures pleines / heures creuses souffre actuellement d’un manque d’attractivité, car elle impose un prix d’abonnement plus élevé et un tarif du kilowattheure en heures pleines plus couteux qu’en option base. Deux inconvénients pour accéder à un maigre avantage : un prix du kilowattheure durant les huit heures creuses quotidiennes 17,8 % moins cher qu’en base.

Écart de prix par rapport à l’option base

kWh en heures pleines

+ 7,3 %

kWh en heures creuses

– 17,8 %

Abonnement annuel HP/HC 9 kVA

+5,1 %

Les heures creuses actuelles, avantageuses seulement si l’on possède un ballon d’eau chaude classique

Pour économiser significativement avec l’option heures pleines / heures creuses, il est donc indispensable de reporter au moins 60 % de sa consommation totale durant les plages d’heures creuses. Ces huit heures quotidiennes à prix relativement bas sont généralement placées entre 22 h et 6 h du matin, mais elles peuvent varier d’un abonné à l’autre. Il n’est donc pas toujours possible de connaître à l’avance les plages d’heures creuses qui nous seront attribuées à la souscription d’un contrat HP/HC.

Cette option est surtout avantageuse pour les utilisateurs de ballon d’eau chaude électrique classique « à accumulation ». Cet appareil extrêmement gourmand en énergie peut facilement être configuré pour se déclencher automatiquement durant les heures creuses. Comme il représente une part importante de la consommation totale d’un foyer, planifier son démarrage sur cette plage tarifaire permet parfois de la rentabiliser sans contraintes. L’intérêt de l’option HP/HC s’évanouit dès lors que l’on chauffe son eau par un autre moyen (ballon d’eau chaude thermodynamique, chaudière, réseau central…), ou que l’on consomme peu d’eau chaude sanitaire.

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Pourquoi l’option base n’est pas pertinente

Ainsi, l’option base est souvent plébiscitée par les foyers, d’autant plus s’ils se chauffent à l’électricité (radiateurs ou pompe à chaleur, à l’exception des rares et couteux radiateurs à accumulation capables de stocker la chaleur durant les heures creuses). Avec l’option base, ces foyers se retrouvent sans aucune incitation à lisser leur consommation. Le prix de l’électricité est identique, même s’ils lancent la pyrolyse de leur four électrique en même temps que la recharge de leur voiture électrique, un cycle de lave-linge et de lave-vaisselle un soir d’hiver glacial à 19h30. Pile au moment où le réseau électrique national sue à grandes gouttes pour maintenir l’équilibre, en activant les coûteuses et polluantes centrales thermiques et en important de l’électricité potentiellement très carbonée de pays voisins.

Du printemps à l’automne, l’option base n’incite pas non plus les consommateurs à exploiter le pic de production des centrales solaires. L’électricité y est pourtant bas-carbone en plus d’être terriblement bon marché, voire gratuite. Supprimer purement et simplement l’option base pourrait donc être une solution afin de créer une « tradition », un réflexe ancré chez tous les consommateurs d’électricité. Aujourd’hui, seuls les très gros consommateurs ayant souscrit à une puissance supérieure à 15 kVA sont bannis de l’option base. Mais cela représente une faible part des ménages.

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Réfléchir à une nouvelle formule pour les heures creuses ?

Concrètement, l’option base serait remplacée par une nouvelle formule de l’option heures pleines / heures creuses, où le prix de l’abonnement serait identique à l’option base, tout comme le prix du kilowattheure en heures pleines. Le tarif du kilowattheure en heures creuses pourrait être maintenu au niveau actuel. Six mois par an, d’avril à septembre, une plage d’heures creuses méridienne serait ajoutée, en plus de l’habituelle plage nocturne.

Il s’agit d’une forme d’incitation efficace à décaler ses usages, sans risques ni contraintes, que l’on peut retrouver ailleurs dans le monde, comme au Québec. Chaque consommateur aurait tout à gagner à programmer le démarrage de ses appareils en heures creuses, sans être pénalisé s’il ne le fait pas. Particulièrement dans le contexte actuel de perte de pouvoir d’achat, il est probable qu’une grande part des ménages adopterait le réflexe. Les pouvoirs publics n’auraient plus à demander aux foyers de faire un effort l’hiver sans aucune contrepartie.