Fin janvier, la compagnie néerlandaise KLM a effectué le premier vol commercial au monde avec du kérosène synthétique vert. Le scoop a été annoncé ce 8 février lors de la conférence internationale sur les carburants d’aviation durables (SAF) qui se tient à La Haye.

Parti de l’aéroport de Schiphol-Amsterdam pour relier Madrid avec des passagers à bord, le Boeing 737-800 avait embarqué 500 litres de carburant synthétique « durable » dans ses réservoirs. Il était évidemment mélangé à du kérosène fossile puisque cet avion en consomme près de 50 litres par minute.

Le kérosène « vert » dénommé aussi SAF[1] a été fabriqué par Shell dans son centre de recherche d’Amsterdam à partir de dioxyde de carbone (CO2), et d’hydrogène. Celui-ci est produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité verte. Le CO2 peut être extrait de l’air ou provenir des émissions de l’industrie. Combiné à haute température avec de l’hydrogène il forme un gaz synthétique appelé « syngas », lequel est ensuite transformé en hydrocarbure de synthèse par le procédé Fischer-Tropsch bien connu des chimistes. Ce « pétrole synthétique » est finalement raffiné pour obtenir du kérosène de synthèse appelé aussi parfois e-kéosène car il est produit avec de l’électricité.
Shell affirme que toute l’énergie utilisée est d’origine renouvelable.
Le processus est expliqué en détail dans cette vidéo (en anglais).

Un nouveau chapitre dans l’histoire de l’aviation

L’aviation est responsable d’environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Nous sommes confrontés à un défi international : celui de rendre les transports aériens plus durables. Aujourd’hui, avec cette première mondiale nous ouvrons un nouveau chapitre dans l’histoire de l’aviation » a déclaré Cora Van Nieuwenhuyzen, la ministre néerlandaise des transports lors de la conférence de La Haye. « Cette innovation prometteuse sera d’une grande importance dans les décennies à venir pour réduire les émissions de CO2  des avions » a-t-elle ajouté.

Les Pays-Bas sont l’un des principaux pays d’Europe à vouloir stimuler le développement et la production de kérosène vert pour rendre l’aviation plus durable, l’objectif étant d’éliminer son recours aux énergies fossiles d’ici 2050.
Contrairement à d’autres moyens de transport, l’aéronautique semble confrontée à des difficultés technologiques qui rendent peu probable la possibilité de faire voler les long-courriers avec des moteurs électriques et des batteries ou de l’hydrogène. Le gouvernement néerlandais soutient dès lors différentes initiatives visant la production à grande échelle de kérosène vert, et à rendre son utilisation économiquement compétitive.

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Deux nouvelles usines pour la production de SAF

Il existe deux technologies différentes pour produire du kérosène renouvelable. Outre l’e-kérosène, il est aussi possible d’en produire à partir de biomasse. On l’appelle alors biokérosène.

La première usine européenne de fabrication à grande échelle de biokérosène est en construction à Delfzijl, dans le nord des Pays-Bas. Dès 2022 elle produira chaque année 100.000 tonnes de SAF à partir de déchets et d’huiles usagées. La compagnie nationale KLM (associée à Air-France) et l’aéroport de Schiphol-Amsterdam ont également investi dans ce projet.

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Pendant la Conférence internationale de La Haye consacrée aux SAF, un autre scoop a été annoncé : la création d’un partenariat dont l’objectif est de construire une usine pilote pour la production à grande échelle de kérosène synthétique. Le consortium est composé notamment de l’aéroport de Rotterdam – La Haye, de l’énergéticien allemand Uniper et de SkyNRG, une entreprise hollandaise qui se présente comme pionnière et leader dans le domaine des carburants durables pour l’aviation. Les partenaires projettent la fabrication journalière de 1000 litres de SAF à partir de CO2, d’eau et d’électricité verte, par un procédé semblable à celui qu’à utilisé Shell pour fabriquer l’e-kérosène embarqué par la KLM.

En France aussi

En France, Engie s’est allié à Sunfire, une entreprise allemande d’électrolyse, et à des partenaires de premier plan du secteur aéronautique (le groupe ADP, Airbus, Air France et Safran) pour créer une filière nationale de production d’e-kérosène.  La première unité de production sera localisée en Normandie. Une partie du SAF produit sera utilisé à des fins de recherche et de certification par les acteurs français du secteur de l’aéronautique


[1] SAF : Sustainable Aircraft Fuel (carburant durable pour l’aviation)

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