Le géant français du pétrole cherche à réduire l’empreinte carbone de ses raffineries européennes, en remplaçant l’hydrogène fossile par de l’hydrogène vert. Un choix stratégique critiqué, mais qui pourrait finalement avoir son utilité.
TotalEnergies vient de lancer un appel d’offre pour acheter 500 000 tonnes d’hydrogène vert par an destinées à ses raffineries. Mais que vient faire cette énergie si acclamée dans le cadre de la transition énergétique, au milieu du raffinage d’hydrocarbures fossiles ? L’hydrogène est largement utilisé dans les raffineries pour ôter le soufre naturellement présent dans le pétrole. Car, lorsque celui-ci est laissé dans le pétrole, il engendre lors de sa combustion du dioxyde de soufre, un gaz nocif tant pour la santé que pour l’environnement.
Aujourd’hui, TotalEnergies utilise de l’hydrogène produit à partir d’énergies fossiles, mais ce procédé est extrêmement polluant. On parle de 10 à 30 tonnes d’émissions de CO2 pour la production d’une seule tonne d’hydrogène. Ainsi, pour poursuivre la décarbonation de son industrie, TotalEnergies souhaite passer à l’hydrogène vert pour ses raffineries européennes (5 en France et 3 dans le reste de l’Europe). Selon Jean-Marc Durand, directeur du raffinage et des sites de pétrochimie européens de TotalEnergies, cette opération permettrait une réduction des émissions de CO2 de l’ordre de 5 millions de tonnes par an.
Produire autant d’hydrogène engloutirait d’énormes quantités d’électricité
Néanmoins, la publication de cet appel d’offre a soulevé quelques critiques, notamment de la part de Jean-Marc Jancovici, Président de The Shift Project et auteur de la bande dessinée « Le monde sans fin », le très médiatique polytechnicien souligne notamment les besoins en électricité que cela va générer. Avec les technologies actuelles, la quantité d’électricité nécessaire à la production d’un tel volume d’hydrogène vert s’élèverait à 30 TWh, soit seulement 10 TWh de moins que l’ensemble de la production électrique issue des éoliennes en France en 2020. Pourtant, il ne s’agira là que d’une petite part des raffineries européennes, puisque l’Europe en compte, au total, plus de 180.
Pourquoi donc dédier de tels moyens à une industrie qui est censée disparaître dans les années à venir ? N’y a-t-il pas des priorités plus importantes comme la décarbonation directe du transport, des industries ou même de la mobilité lourde ?
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Si décarboner les raffineries paraît étrange au premier abord, il s’agit en fait d’une bonne nouvelle. D’abord, la route vers un monde sans énergie fossile est encore longue et les raffineries ont encore plusieurs années devant elles. Ces raffineries ne produisent d’ailleurs pas uniquement des carburants pour les transports, mais également des matériaux et molécules qui entrent dans la composition d’un grand nombre de produits, du bibelot en plastique jusqu’aux médicaments. Réduire leur consommation en CO2 reste donc une bonne nouvelle.
De plus, face aux gigantesques investissements financiers qui sont requis pour réussir la transition énergétique, il est aujourd’hui inenvisageable de se passer de l’engagement de grands acteurs privés tels que TotalEnergies, même si les solutions mises en place ne sont pas parfaitement alignées avec les priorités de l’Europe ou de la France.
Enfin, les quantités d’hydrogène évoquées sont telles qu’elles pourraient servir de véritable pied d’appel pour un véritable développement de la filière de l’hydrogène vert en Europe. À l’heure actuelle, celle-ci peine encore à se développer, en particulier en France, malgré de nombreux projets, y compris certains qui sont soutenus par le gouvernement.
Quelle gaspillage tous ce fric de subventions publiques pour l’h2 !!!