Pourquoi l’avenir des énergies renouvelables en France tient à ces 3 boutons ?


Pourquoi l’avenir des énergies renouvelables en France tient à ces 3 boutons ?

Illustration : Révolution Énergétique, Wikimedia, Pexels/Canva.

C’est la semaine de tous les espoirs, mais aussi de tous les dangers, pour les énergies renouvelables. L’Assemblée nationale examine en séance publique, du 5 au 9 décembre, le projet de loi d’accélération de leur développement. Un texte dicté par la double urgence des dérèglements climatiques et des risques de rupture d’approvisionnement énergétique dans les mois et années à venir. Mais l’Assemblée nationale, très divisée, saura-t-elle se hisser à la hauteur de l’enjeu ? Y aura-t-il une majorité pour voter ce texte – et si oui, sera-t-il en mesure d’atteindre son objectif ?

La faible disponibilité actuelle du parc nucléaire résulte tant des besoins de maintenance lourde des réacteurs parvenant à quatre décennies de fonctionnement que de la découverte inopinée de « corrosion sous contrainte » dans les réacteurs plus jeunes. De nouveaux réacteurs ne produiraient pas d’électricité avant 2037 au plus tôt. La guerre en Ukraine a multiplié par cinq les prix du gaz en Europe, entraînant ceux de l’électricité.

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Résultat, dans les quinze ans qui viennent, seules les énergies renouvelables peuvent compenser le manque à produire du nucléaire et faire reculer les énergies fossiles dans la production d’électricité en Europe, voire dans les bâtiments, les industries, les transports, afin de respecter nos engagements en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Même le médiatique polytechnicien Jean-Marc Jancovici, qui dénigre depuis vingt ans les énergies renouvelables, a fini par en convenir. De plus, devenues très rentables, elles contribuent largement aux finances publiques, ce qui n’est évidemment pas le cas des achats d’électricité ex-gaz sur les marchés européens. Elles réduisent donc la facture énergétique du pays.

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Accélérer les renouvelables en facilitant leur déploiement

Le projet vise à agir sur quatre leviers : accélérer les procédures, par exemple, en entamant les démarches de raccordement aux réseaux sans attendre que le projet soit achevé, afin de gagner une ou plusieurs années ; libérer le foncier, en mobilisant en priorité des terrains déjà artificialisés ou dégradés ; promouvoir une plus grande concertation ; enfin, renforcer l’acceptabilité et l’appropriation des projets, notamment en organisant un meilleur partage de la valeur des énergies renouvelables, désormais très compétitives et contributrices nettes au budget de l’État.

Le projet de loi a d’abord été examiné au Sénat, qui l’a considérablement enrichi avant de l’adopter à une confortable majorité de 320 sur 348. Mais ce texte transmis à l’Assemblée, débarrassé in extremis de l’exigence d’un accord des maires sur tous projets (dont ceux-ci ne veulent d’ailleurs pas), et d’une distance minimale de 40 km au large pour l’éolien maritime, contient encore des pièges, comme le besoin d’un avis conforme des architectes des bâtiments de France sur la quasi-totalité du territoire. Il fait surtout la part belle à une « planification ascendante » censée permettre aux élus locaux de définir des « zones prioritaires » pour développer les renouvelables.

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La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a tenu à le souligner d’emblée : « Notre combat, ce n’est pas d’opposer le nucléaire au renouvelable ; ce n’est pas non plus d’opposer la biodiversité au climat, tant la biodiversité est affectée par le dérèglement climatique. Notre combat, c’est celui des énergies bas-carbone contre les énergies fossiles, car ce sont ces dernières qui sont à l’origine du réchauffement climatique et des principales atteintes à la biodiversité.(…) Il importe, à court terme, de lever les verrous administratifs et de procédure pour diviser par eux les délais de déploiement des projets de production d’énergies bas carbone. »

Quels partis s’y opposent ?

Sans surprise, les groupes Renaissance, Démocrate, Horizons et apparentés, soutiens habituels du gouvernement, voteront le projet. Le Rassemblement National s’y opposera dans tous les cas, ce qui n’est pas vraiment une surprise, même si on peine à voir en quoi cela répond à son objectif « d’assurer notre indépendance énergétique pour baisser la facture des Français ».

Le parti de Mme Le Pen, qui voulait il y a dix ans « sortir du nucléaire », en rajoute aujourd’hui tellement dans son enthousiasme pour l’atome qu’il combat férocement tout ce qui pourrait en limiter l’expansion, jusqu’à vouloir démanteler les éoliennes existantes, quoiqu’il en coûte aux Français, à leurs entreprises, collectivités territoriales et services publics dans les vingt prochaines années.

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Les Républicains ne font guère mieux, à dire vrai. Il suffit de jeter un œil aux comptes rendus des débats de la Commission des Affaires économiques sur le projet de loi pour être édifié. Pour Emmanuel Marquet, orateur au nom du groupe LR, les « renouvelables sont allemands ou chinois » et « l’intermittence doit être compensée par le recours au gaz » : ce projet « ne nous rendra pas moins dépendants des pays exportateurs de gaz ».

Il trace des lignes rouges : les élus locaux doivent non seulement approuver la définition de zones prioritaires, mais valider les projets. Il faut augmenter les distances d’éloignement des éoliennes sur terre et sur mer, sans quoi « nous ne pourrons pas soutenir votre texte ». Un autre député LR, Vincent Descoeur, rejoint par Jérôme Nury et d’autres, souhaiterait qu’au-delà des zones prioritaires pour le développement des renouvelables, initialement « zones propices », tout déploiement d’éoliennes soit interdit, ou fasse l’objet d’un moratoire de 5 ou 8 ans.

Croyances infondées

Les socialistes sont plus positifs, mais veulent, comme les communistes, que le partage territorial de la valeur s’effectue exclusivement au profit des collectivités territoriales (c’est déjà le cas avec la fiscalité), pas des riverains. Ils s’inquiètent beaucoup du risque – infondé – que le photovoltaïque menace la sécurité alimentaire. Il est vrai que la préoccupation est partagée par la FNSEA et la Confédération paysanne. Les communistes du groupe Gauche démocratique et républicaine, si l’on a bien compris, ne voteront de toute façon le projet qui repose largement sur les initiatives des entreprises du secteur privé.

Restent les groupes écologistes et « insoumis », qui feront pencher la balance dans un sens ou l’autre au moment du vote final. Les députés insoumis, de loin plus nombreux, hésitent entre l’abstention, qui pourrait laisser passer le texte, et le vote contre. Les députés écologistes se prétendent les meilleurs défenseurs des énergies renouvelables… mais ne cessent de leur mettre des bâtons dans les roues, ou plutôt les rotors, des éoliennes.

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Ainsi, avec le soutien des Républicains et du Rassemblement National ont-ils éliminé du texte original l’article déclarant que tous les projets d’énergie renouvelables répondent à une « raison impérieuse d’intérêt public majeur » (RIIPM). Selon eux, le retard français en matière d’énergies renouvelables ne tient en rien à la complexité du processus administratif, mais doit tout au « manque de volonté politique » du gouvernement, et au manque d’effectifs dans les préfectures chargés d’instruire les projets. Or ces freins s’additionnent, et il convient de les lever tous.

La difficulté des projets renouvelables, surtout les plus modestes, à démontrer qu’ils répondent à une « RIIPM », conduit certains d’entre eux à l’échec, d’autres à affronter des procédures juridiques longues. Les écologistes craignent que proclamer les renouvelables d’intérêt public majeur n’affaiblisse la protection de la biodiversité.

C’est oublier d’abord que le dérèglement climatique est une cause majeure d’érosion de la biodiversité, ensuite que d’autres solides verrous sont en place pour protéger les espèces protégées – ce que démontrent a contrario les récents déboires juridiques de développeurs négligeant cette protection. Ainsi les développeurs doivent-ils démontrer l’absence d’alternative satisfaisante, et surtout que les mesures prises pour éviter, réduire ou compenser les impacts de leurs projets « ne porte pas atteinte au maintien en état de conservation » de ces espèces.

Des écologistes qui ne veulent ni renouvelables, ni nucléaire

Nul doute que le gouvernement réintroduira par amendement cette « RIIPM »… qui est par ailleurs au cœur du projet européen « Fit for 55 » de révision de la Directive renouvelables, et plus récemment d’un projet de régulation qui devrait être formellement adopté en Conseil des ministres de l’Énergie avant la fin de l’année, et qui s’imposera directement pendant dix-huit mois dans tous les États de l’Union européenne.

Avec l’absence de majorité au sein de l’Assemblée nationale, l’espoir était grand de voir enfin se mettre en place dans la plus jacobine, voire monarchique, des démocraties européennes, un esprit de coopération et de responsabilité qui permette d’authentiques négociations entre différents courants. Les postures adoptées par les uns et les autres sur ce projet de loi n’en portent pas la trace, du moins pour l’instant.

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Que retiendra l’opinion de l’attitude leurs élus écologistes ? Ils ne veulent pas d’énergie fossile, pas de nucléaire, mais pas non plus d’énergies renouvelables, ou seulement du bout des lèvres, ce n’est pas pour eux un « intérêt public majeur ». Restent les économies d’énergie et la sobriété, mais elles ne peuvent suffire.

À tort ou a raison, les Français risquent de les assimiler aux prix très élevés des énergies et aux coupures d’électricité. Au-delà des effets sur la loi du refus de la « RIIPM », que l’Union européenne pourra corriger, l’affichage risque d’être désastreux. Les écologistes ont raison de se préoccuper des espèces menacées, mais en refusant ainsi de soutenir franchement les énergies renouvelables, ils pourraient bien eux-mêmes devenir une espèce en voie de disparition.

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