Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? C’est légitimement ce qu’on peut se demander en passant devant la centrale photovoltaïque de Bourg-Saint-Pierre, construite en plein cœur du massif alpin. Pourtant, cette installation, construite en 2020, est porteuse d’espoir. 

Au creux du col du Grand-Saint-Bernard, à 1810 mètres d’altitude, se trouve une centrale photovoltaïque flottante pas comme les autres. Si le photovoltaïque flottant gagne en popularité en plaine et même en mer, l’installation de centrales flottantes en altitude reste rare, du fait des nombreuses difficultés à surmonter. Il aura donc fallu 6 années d’études aux équipes du Spisea, le bureau d’ingénierie de Wearth Group, pour installer 2 240 m² de panneaux sur le lac de Toules, réservoir du barrage portant le même nom.

À cette altitude, les conditions climatiques sont souvent très difficiles : le vent peut atteindre 120 km/h, tandis que la température peut venir chatouiller les -30 °C. L’hiver, le lac peut se couvrir d’une épaisse couche de glace approchant les 60 centimètres. Surtout, du fait de sa centrale hydroélectrique, le marnage du réservoir atteint les 15 mètres, ce qui peut entraîner l’échouage d’une éventuelle centrale photovoltaïque pendant plusieurs mois de l’année. De ce fait, les ancrages d’une éventuelle centrale doivent prendre en compte ce marnage, et assurer une sécurité maximale de l’ensemble pour ne pas endommager le barrage, et les turbines.

La centrale solaire flottante du lac de Toules / Images : Espazium.

Défier les éléments pour optimiser la production électrique

Mais mettre au point une structure capable de résister à ces conditions n’est pas un simple défi d’ingénieur, puisque le jeu en vaut largement la chandelle. D’abord, les lacs de barrage en altitude confèrent des surfaces planes et parfaitement dégagées, propices à l’installation de panneaux solaires. Les installations électriques nécessaires à la centrale hydroélectrique permettent une connexion facilitée des panneaux au réseau. Dans le cas de la centrale de Bourg-Saint-Pierre, les estimations avaient prévu un rendement de 50 % supérieur à une installation équivalente installée en plaine, grâce à l’importante réverbération de la lumière sur la neige et l’eau.

Finalement, 3 ans après leur mise en service, les panneaux du lac de Toules ont permis un gain de 30 % au lieu des 50 % espérés, du fait de congères importantes, et de panneaux photovoltaïques cassés à cause du poids de la neige. Le gain a néanmoins été suffisant pour que l’extension du parc soit en cours d’étude. Avec cette extension, la surface de celui-ci devrait passer de 2 240 à 67 000 m² !

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Ce type d’installation pourrait avoir du sens un peu partout dans le monde, en particulier en Afrique. En effet, le berceau de l’humanité ne manque pas d’eau, en témoignent ses quelque 17 fleuves d’envergure, et 160 lacs. En revanche, la forte variabilité des précipitations ne permet pas une production hydroélectrique homogène à longueur d’année. La mise en place de centrales photovoltaïques d’altitude sur des lacs de barrage permettrait d’en lisser la production, même quand les réserves d’eau sont faibles et ne permettent qu’une production hydroélectrique réduite.