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Dans une étude publiée le 7 juin dernier, le gestionnaire du réseau électrique français RTE actualise son bilan prévisionnel sur l’avenir de notre système électrique. Et la consommation électrique devrait être en nette hausse dès 2035, par rapport aux prévisions initiales.
La France s’est engagée dans la transition énergétique, en se fixant un objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Mais quelle voie emprunter pour la réussir ? En février 2022, RTE a publié son « Futurs énergétiques 2050 » qui détaillait plusieurs trajectoires envisageables pour y parvenir. Mais depuis, la guerre en Ukraine a bouleversé le marché de l’énergie européen, incitant les États à accélérer leur politique en matière de souveraineté énergétique… et notamment d’électrification.
+ 60 TWh de consommation électrique attendue d’ici 2035
Pour tenir compte de ce contexte, RTE a actualisé son étude sur l’avenir du système français énergétique en juin 2023 en publiant ce que l’on pourrait considérer comme une mise à jour, intitulée « Comprendre et piloter l’électrification d’ici 2035 ». Ceci en attendant son bilan prévisionnel prévu en septembre 2023. Il en ressort que les besoins en électricité vont être plus importants que prévu dès 2035.
En effet, la consommation électrique pourrait finalement s’élever entre 580 et 640 TWh en 2035, alors qu’elle était estimée à 546 TWh en 2030, 636 TWh en 2040 et 700 TWh en 2050, dans l’étude « Futurs énergétiques 2050 », selon la variante « électrification renforcée ». Pour mieux saisir, en 2022, la consommation nationale d’électricité s’est établie à 459 TWh. La France pourrait donc dépasser dès 2035 les seuils prévus pour 2040 en matière de consommations électriques, si les objectifs de décarbonation et de renforcement de la souveraineté industrielle étaient atteints.
Selon RTE, ce besoin électrique accru s’explique, d’une part, par une politique européenne exigeante avec une volonté de réduire de 55 % les émissions nettes de l’UE d’ici 2030 (le fameux « Fit for 55 »). D’autre part, le potentiel de la biomasse devrait être moins important que prévu alors qu’il devait compléter le mix électrique comme moyen de production décarbonée. L’accélération de l’électrification se fera en priorité dans les secteurs de la mobilité, avec la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035, du chauffage et de l’industrie avec notamment les relocalisations de certaines activités stratégiques.
Hausse de la consommation de 10 TWh par an entre 2025 et 2035
Pour avoir une idée de l’ampleur de la hausse des besoins en électricité, il faut savoir qu’une consommation de 580 à 640 TWh d’ici 2035 reviendrait à l’augmenter de plus de 10 TWh par an entre 2025 et 2035. C’est énorme. D’ailleurs, cette cadence n’a plus jamais été atteinte depuis les années 80. Le système électrique français est donc face à un véritable défi, qu’il devra relever pour que le pays atteigne ses objectifs climatiques.
Ces chiffres correspondent toutefois à un seul des nouveaux scénarios établis par le gestionnaire du réseau électrique dans sa nouvelle étude. D’autres impliquent une consommation plus faible, comprise entre 500 et 600 TWh en 2035. Autre point important dans la publication de RTE : l’augmentation des besoins en électricité ne devrait pas être réellement visible sur la période 2025-2030. C’est entre 2030 et 2035 que l’accélération sera nette, car les politiques publiques lancées ces dernières années dans différents secteurs nécessitent du temps pour se mettre en place et produire leurs effets.
4 leviers pour répondre à la demande grandissante en électricité
L’étude se veut toutefois rassurante sur les capacités de la France à affronter la croissance de la consommation d’électricité. Pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande, quatre leviers ont été identifiés à moyen terme : l’efficacité énergétique et la sobriété d’un côté, le nucléaire et les énergies renouvelables de l’autre.
Concernant la sobriété énergétique, l’hiver 2022/2023 a été un vrai test dans le domaine, révélant qu’il s’agissait d’un levier efficace. Une baisse historique de −9 % a en effet été enregistrée sur la période. S’agissant du nucléaire, RTE retient « une hypothèse prudente de 350 TWh par an pour la production moyenne annuelle du parc de deuxième génération actuel, auxquels s’ajoutera une dizaine de TWh supplémentaires pour la production du réacteur de Flamanville 3 à l’issue de son démarrage en mode nominal ».
Du côté des énergies renouvelables, la production annuelle devra atteindre 250 TWh d’ici 2035 (contre 120 TWh environ aujourd’hui). À cette date, elle pourrait même atteindre 300 TWh par an. Pour son développement, le secteur peut compter sur la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Nucléaire et énergies renouvelables devraient donc œuvrer dans le même sens, conformément aux intentions du président de la République évoquées lors de son discours de Belfort en février 2022. En outre, le système devra bénéficier de nouveaux moyens de flexibilité « dès la prochaine décennie » selon RTE.
Une enquête sur le ressenti des Français, menée par IPSOS
En parallèle, RTE a fait appel à IPSOS pour sonder le ressenti des Français face à l’avenir du système. Ainsi, les consommateurs seraient globalement conscients du changement climatique, qui devrait entraîner une modification de nos modes de vie. Les Français seraient plutôt ouverts à la transformation du secteur de la mobilité, avec le recours à la voiture électrique et du secteur du chauffage avec les pompes à chaleur. Les actions en faveur de la sobriété énergétique sont également acceptées.
Mais dans d’autres domaines, il sera nécessaire d’offrir un accompagnement aux ménages qui ne sont pas prêts, pour l’heure, à opérer certains changements comme la baisse du recours à la voiture ou encore la réduction de la taille de leurs véhicules. Le secteur de la rénovation des bâtiments pose également un problème au niveau du coût des travaux évoqué comme un frein par 94 % des Français interrogés.
Commentaires
Ce constat de RTE n'est pas rassurant. Aujourd'hui on mise tout sur électricité, tant pour la mobilité que pour le chauffage (interdiction prochain des chaudières au gaz remplacées par des PAC).
Mais notre producteur principal, EDF, est complètement à genou. Sa dette dépasse 64 milliards d'€!
Il est plombé par les problèmes techniques découverts dans les centrales mais aussi par l'ARENH qui l'oblige à vendre aujourd'hui 30% de sa production, soit 120 TWh, à tarif réduit à des 'concurrents' (des traders qui n'investissent rien). La seule augmentation de 25% à 30% imposée en 2022 coute 8 milliards d'€ par an à EDF! EDF a du acheter de l'électricité à 300 euros le MWh pour la revendre à 46,20 euros à ses concurrents qui la revendent à 300 euros !
Donc le constat est qu'il faut augmenter la production mais le principal contributeur est endetté jusqu'au cou. Espérons que les projets en cours vont rapidement démarrer.
En l'état le déficit d'EDF ne peut que continuer à se creuser. Ce n'est pas rassurant sur sa capacité à continuer à investir dans toutes les formes de production. Ce qui est certain, c'est qu'à un moment il faudra rembourser la dette et que c'est de la poche des contribuables que ça sortira.
Ce qui me pose question dans l'article c'est la part réservée au nucléaire dans le mixte énergétique envisagé. Est il raisonnable de compter sur les fleuves et les rivières pour en assurer le refroidissement? En effet la fonte des glaciers terrestres semble devoir avoir un impact sur les sources, à cela peut s'ajouter une raréfaction de la pluviométrie.
Je me trompe ou 10 TWh de production supplémentaire par an correspond à environ 400 véhicules supplémentaires par an si on considère 15 kWh/100 km et 10000 km par an par véhicule? Cela me parait très peu.
Attention, 1 TWh = 1 milliard de kWh, donc 670 000 véhicules plutôt.
Dur dur les unités et les maths... 10TWh / (15kWh/100×10000) = 10×10^12/(15x10^3×100) = 10^(1+12-3-2)/15=10^8/15=6 700 000, soit 6.7 millions de véhicules par an, soit 1/6 du parc actuel ou encore 1 EPR quand il fonctionnera. ;-)
L'accélération du déploiement du photovoltaïque (PV) en France ne passera que par le fait de ne plus consulter les Architectes des Bâtiments de France (ABF) lors des déclarations de travaux. Ces gens ne savent que soit refuser un projet (même invisible d'un monument historique) soit imposer l'intégration au bâti (IAB), solution dangereuse (voir site d'Engie (entre autres) qui indique que sur 100 sinistres (incendie ou dégât des eaux) de panneaux solaires PV, 99 concernent des IAB) et plus coûteuse en plus d'être moins efficace (rendement diminué), moins écologique (puisque diminue la durée de vie des panneaux du fait qu'ils ne peuvent pas refroidir efficacement) et j'en passe. Il faut donner aux mairie la compétence et le droit de choisir par elles-mêmes si une solution de surimposition est acceptable ou non. Les ABF sont des murs avec qui il est impossible de discuter (on peut leur démontrer par A+B que l'IAB est une aberration, ils s'en moquent - et encore une fois, même lorsque le projet est invisible depuis le monument historique - et très peu depuis l'espace publique).
Voilà qui est une très mauvaise nouvelle pour le changement climatique qui ne peut plus être ignoré.
Avec la première loi de la thermodynamique on sait qu'utiliser plus d'énergie ne peut qu'exacerber les effets du changement climatique.
Donc si on ne réduit pas notre consommation quel que soit le moyen de transformation de l'énergie on va encore plus vite droit au désastre.
Euh...
Dans le cas des énergies renouvelables, il n'y a pas de création d'énergie. On prend du rayonnement solaire qui touchera de toute façon la terre et on en convertit une partie en électricité pour le solaire, on ne crée rien. Même principe pour l'éolien, l'hydroélectricité...
Le problème c'est que la croissance de la consommation est pour eux inéluctable peu importe l'efficacité énergétique et la sobriété... cela à cause de l'usage de l'électricité à la place des autres énergies... mais il faut le faire avec les autres énergies climato compatibles et fortement réduire les fossiles émetteurs de CO2 et sur les usages peu efficients (30% en mobilité voir moins du puit à la roue)... mais il faut changer les usages... remplacer toutes les thermiques par des électriques à grande autonomie pour continuer de parcourir autant de km annuels c'est mort... le problème d'une transition trop rapide c'est la dette CO2 de tout ce que l'on fabrique en Chine avec du charbon... on sera dans le mur avant d'avoir compensé l'émission de la fabrication... vu que tout n'est que business je n'ai aucun espoir d'une solution globale intelligente pour l'humanité. On sera dans le mur avant que la majorité prenne conscience qu'il faut changer de paradigme.
Je ne dis pas le contraire, on ne créé jamais d'énergie.
Mais transofrmer de plus en plus en électricité signifie qu'on ne reduit pas notre consommation, bien au contraire.
L'ENR ne doit pas venir en plus, mais doit remplacer. Dans l'article pour atteindre cette surconsommation même avec de l'ENR il va falloir sortir les équipements, les produire.
Avec un mois de juin 2023 qui est l'équivalent d'une augmentation moyenne de 1,5°c on voit les résultats: avril en Tahilande à 45°c, Juin en Sibérie à 40°c et incendie monstrueux au Canada.
Consommer toujours plus d'énergie nous fera obligatoirement accélérer le tout.
Je suis le premier à plaider continuellement pour la réduction des consommations, cependant dire "quel que soit le moyen de transformation de l’énergie", et donc mettre dans le même panier Enr et fossiles, me semble un raccourci difficilement acceptable.
Si on résume le sondage c'est donc "Les français sont conscient du problème mais n'ont absolument rien envi de faire pour l'éviter". Ça va bien se passer...
C'est d'accord pour l'efficacité mais hors de question de changer nos habitudes qui sont pourtant la cause du problème.
Par exemple pour réduire les émissions du transport on a le choix entre la voiture électrique (efficacité) ou le vélo (changement d'habitude), Evidament que tout le monde est d'accord pour la voiture électrique dans ce cas. Et voila pourquoi on se retrouve avec des prévisions délirantes qui, j'en suis persuadé, ne seront jamais atteinte.
C'est un bon résumé de ce travail de RTE, qui a déjà publié des choses plus intéressantes...
Ils sont aller demander aux industriels français comment ils pensaient faire pour répondre aux enjeux du changement climatique. Du coup les fabricants d'avion ont dit pas de problème, on aura des carburants de synthèse (même si tous les observateurs sérieux savent que c'est une impasse, mais ça leur permet de ne rien remettre en question aujourd'hui). Ils ont posé le même genre de questions aux entreprises françaises de la tech, qui ont dit on va rapatrier les data center, mais il y a plein de raisons pour lesquelles ces data center sont peu construit en France et il est illusoire de penser qu'on en rapatriera beaucoup. Tout ça fait des consommations électriques énormes, qui sont très improbables au final.
A mon avis le principal vecteur de l'augmentation de la consommation d'ici 2035 sera l'électrification des transports terrestres et de certains process industriels, et les consommations en 2035 resteront bien en dessous de ce qu'envisage ce rapport.