Le tunnel de la future STEP de Redenat / Capture d'écran CESER Limousin
Long de 700 mètres, ce souterrain situé dans les entrailles de la Corrèze ne mène nulle part. Il n’a jamais servi à quoi que ce soit depuis son percement en 1982. EDF continue pourtant à l’entretenir. La raison est simple : il s’agit d’un projet de station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP) suspendu depuis près de 40 ans.
De nos jours, une seule technologie permet de stocker de gigantesques quantités d’électricité : la station de transfert d’énergie par pompage-turbinage, aussi appelée « STEP ». Imaginé au début du XXe siècle, le concept bénéficie depuis quelques décennies d’un regain d’intérêt dans le cadre de la transition énergétique.
Ce système permet en effet de stocker l’électricité lorsqu’elle est excédentaire pour la redistribuer plus tard, pendant les pics de consommation. Il est parfaitement adapté aux pays dotés de moyens peu ou pas pilotables comme les parcs solaires et éoliens mais aussi les centrales nucléaires.
Comment fonctionne une STEP ?
Une STEP nécessite deux réservoirs situés à différentes altitudes pour fonctionner. Dans un premier temps, des pompes consomment le surplus d’énergie du réseau afin de remplir le bassin supérieur. Puis, selon les besoins, l’eau est turbinée dans le bassin inférieur. Dans sa chute, elle entraîne des alternateurs qui produisent de l’électricité.
La STEP permet ainsi d’accumuler d’importantes quantités d’électricité pour un coût parmi les plus faibles. La France en exploite six, développant une puissance totale de 4,9 GW et 184 GWh de stockage. C’est peu compte tenu de son gisement, qui est évalué à 4 000 GWh.
A Redenat, un projet de STEP jamais achevé
Les projets ne manquent pourtant pas. A Redenat (Corrèze), une STEP attend son feu vert depuis près de 40 ans. Les travaux avaient bien commencé, mais ils ont été stoppés en 1982 suite à un important coup de rabot sur le budget d’EDF. Seule subsiste une galerie souterraine longue de 700 m, murée et inondée durant plusieurs décennies. Un tunnel dont l’énergéticien a repris l’entretien en 2008, dans l’espoir d’un redémarrage du projet.
Redenat est en effet parmi les plus simples des projets de STEP à réaliser. Il possède déjà son bassin inférieur, constitué par le barrage de Chastang sur la Dordogne et bénéficie de la proximité avec des lignes 225 kV et 400 kV, limitant les coûts de raccordement au réseau. L’opération requiert tout de même un investissement aujourd’hui estimé à environ 1 milliard d’euros.
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L’aménagement prévoit un réservoir supérieur perché à 300 m au-dessus du fleuve, ainsi qu’une salle des machines et un réseau de galeries souterraines. Le bassin doit engloutir 360 hectares d’espaces naturels pour contenir 36 millions de m³ d’eau, soit potentiellement plus de 20 GWh d’électricité selon nos calculs*. Situé dans une petite cuvette, il nécessite l’aménagement d’un barrage de 41 m de haut pour 740 m de long et d’une digue longue de 1,4 km pour 15 m de haut.
La centrale, invisible puisque enfouie sous terre, développera une puissance de 1 200 MW, soit presque autant qu’un réacteur nucléaire récent. Elle sera capable de pomper à un débit de 260 m³/s avant de turbiner à 400 m³/s. Des volumes conséquents, qui provoqueront un marnage maximal de 25 m dans le bassin supérieur et de quelques mètres dans le bassin inférieur.
Plan de la future STEP de Redenat / Document EDF publié par xaintrie-passions.com
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Pourquoi le projet n’est toujours pas réalisé ?
Malgré ses atouts, le projet de STEP à Redenat reste au point mort. L’embryon de tunnel avait pourtant reçu la visite de François Hollande, à l’époque président du conseil général de la Corrèze (2008-2012). Devenu président de la république, il n’était pas parvenu à relancer les travaux durant son mandat.
La principale raison du blocage reste l’ouverture à la concurrence des installations hydroélectriques françaises, demandée par la Commission européenne. Avant d’investir, EDF veut en effet s’assurer de conserver la gestion des grands barrages de l’hexagone. La concession de la centrale de Chastang, dont la retenue constituera le réservoir aval de la STEP de Redenat, expire par exemple en 2026. En attendant que le dossier soit ressuscité, les surplus solaires, éoliens et nucléaires continueront d’être sporadiquement dilapidés à des prix négatifs.
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*Selon l’Ineris, 1 m³ d’eau chutant de 100 m possède une énergie potentielle de 0,272 kWh. La STEP de Redenat prévoit un puits de chute profond de 300 m. Nous avons considéré un rendement de 80 %.
Commentaires
Ne peut-on pas envisager un pompage turbinage pour autoconsommation en maison individuelle. Je pompe avec du solaire photovoltaique et je turbine la nuit ?
Le pompage-turbinage semble sous-utilisé en France.
Mais, il y a sans doute, à cela, des raisons que je ne connais pas.
Souvent, le nucléaire est réduit durant la nuit, et la production à partir de gaz est significative durant la journée, alors que du pompage-turbinage aurait peut-être permis de diminuer la consommation de gaz.
Le pompage-turbinage semble calé sur un cycle hebdomadaire au lieu de l'être davantage sur un cycle journalier.
Il faut également distinguer la puissance disponible de pompage et celle de turbinage.
La puissance maximale de pompage utilisée sur ces dernière années dépasse rarement les 3 GW et la puissance maximale utilisée a été de 3,4 GW, ce qui est nettement moins que les 4,9 GW de turbinage.
Enfin, la croissance du PV, partout, devrait finir par solliciter les STEP au maximum, durant la moitié de l'année, avec des prix de gros du PV en milieu de journée qui devraient être de plus en plus souvent négatifs.
Nucléaire, hydraulique... La France se fait piétiner par la Commission Européenne. Jusqu'où ?
"Il est parfaitement adapté aux pays dotés de moyens peu ou pas pilotables comme les parcs solaires et éoliens mais aussi les centrales nucléaires."
Pour le solaire, les STEP font partie des moyens de stockage adaptés
Pour l'éolien, je ne sais pas, à l'échelle de l'année, quelle proportion d'excédents est-ce que les STEPS peuvent stocker, par rapport à ce qui doit faire l'objet d'un stockage par hydrogène.
En ce qui concerne le nucléaire, elles étaient adaptées aux anciennes centrales, les plus récentes fonctionnant en suivi de charge.
L'état doit être malin pour les grandes infrastructures, faire un bail à construire de 70 ans par exemple (le terrain est toujours sa propriété) et jouer le rôle de banque pour une part de l'investissement dans dépasser les 50%.
Il doit aussi régulièrement évaluer le coût du démentellement et faire mettre sous séquestre la provision de ces montants.
Il y a moyen aussi de mettre de petites centrales à neutrons rapides au fluor près des consommateurs...
Centrales au fluor? Ah oui, pour faire briller les dents!
Les concessions a EDF pour les barrages doivent être réévaluée. On voit combien coûte la construction d'une simple step qui a déjà de gros travaux financé. Si d'avabture d'autre opérateur souhaite exploiter les barrages pas de problème faudra juste réévaluer le chèque d'entrée des dizaines de milliards par barrage. Trop facile de dire cela coûte rien, EDF et l'état on fait les investissement il y a 50 ans et aujourd'hui le prix serait presque nul...arnaque