C’est un fameux pavé dans la marre qu’à lancé il y a quelques jours le Conseil Supérieur de la Santé (CSS). Ce groupe d’experts de haut niveau chargé d’éclairer les autorités belges en matière de santé publique a publié un rapport très critique sur le nucléaire. « L’énergie nucléaire pose des questions environnementales, éthiques, de santé et de sécurité. En sortir est possible pour la Belgique, y compris en matière climatique. Prolonger deux réacteurs n’est pas sans risque », peut-on y lire en substance.
La publication de l’avis du CSS intervient alors que le gouvernement belge doit décider dans le courant du mois de novembre de la fermeture partielle ou totale des réacteurs nucléaires belges à l’horizon 2025.
Pour rappel, l’accord de majorité concocté par l’exécutif belge actuellement en place prescrit l’arrêt progressif entre 2022 et 2025 des sept réacteurs nucléaires du royaume, répartis dans les deux centrales de Doel et de Tihange. Le texte précise toutefois que le gouvernement se réserve la possibilité de retarder l’arrêt des 2 réacteurs les moins âgés si, à fin 2021, il apparaissait que la sécurité d’approvisionnement électrique du pays n’était pas assurée.
Au sein de l’équipe au pouvoir, les positions sont tranchées : aux yeux des uns (pour faire court, les deux partis écologistes), il faut acter définitivement la sortie du nucléaire. Pour les autres (pour faire court, les libéraux francophones), il faut prolonger de 10 à 20 ans la vie de deux réacteurs.
Dans ce contexte particulièrement tendu, l’avis rendu public par le CSS jette un fameux pavé dans la marre.
Un panel d’experts de haut niveau
Le rapport a été concocté et rédigé par un panel d’experts de haut niveau, composé de spécialistes en sûreté nucléaire, en radioprotection, en ingénierie géologique, en génie des matériaux, mais aussi de philosophes, d’un climatologue ou encore d’un spécialiste des relations internationales. Il comprend notamment d’anciens experts de l’agence belge de contrôle nucléaire (l’équivalent de l’ASN en France) et de l’organisme de gestion des déchets radioactifs.
Ces scientifiques ont travaillé pendant 6 mois, tenant des réunions tous les quinze jours, pour aboutir à une synthèse de 146 pages qui aborde la question du nucléaire sous plusieurs angles : l’impact sur la santé en cas d’accident, l’enjeu de la gestion des déchets, la balance des avantages et inconvénients d’une sortie du nucléaire à court terme et la durabilité de cette source d’énergie.
Le nucléaire n’est pas durable
Peu émettrice de gaz à effet de serre, le nucléaire est régulièrement présenté (surtout en France) comme une alternative idéale pour remplacer les combustibles fossiles dans la production d’électricité, mais « la réalité est plus complexe », prévient le CSS qui pointe notamment la question des déchets radioactifs de très longue durée de vie, « susceptibles d’impacter plusieurs générations, ainsi que les risques terroristes et d’accident grave ».
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Le risque d’un accident nucléaire grave ne peut être exclu, « même dans les meilleures centrales nucléaires« , précise le rapport. Et « la Belgique présente à cet égard une vulnérabilité spéciale en raison des caractéristiques des sites concernés : situés près de grandes villes et axes de trafic international, réseau routier saturé et populations denses ». Le CSS estime dès lors que « la poursuite de ce risque pendant 10 ou 20 ans supplémentaires pose des questions d’ordre environnemental, sanitaire et éthique ».
Les experts évoquent aussi les « développements technologiques accélérés pour réaliser des réacteurs plus petits » comme les SMR dont le président Macron s’est récemment fait l’apôtre. « Mais ils sont pour la plupart encore en phase de développement et des évaluations approfondies doivent encore être réalisées entre autres en matière de sûreté », note-t-ils. « Ces réacteurs ne constituent pas une solution aux choix actuels à réaliser par la Belgique », conclut le CSS.
En résumé, « l’énergie nucléaire, telle qu’actuellement déployée, ne répond pas, sur le plan environnemental, éthique et sanitaire, aux principes du développement durable », précise le rapport. Se fondant sur les études menées notamment par le Bureau Fédéral du Plan, le CSS ajoute que « l’arrêt des centrales nucléaires est possible en Belgique pour un coût relativement limité, y compris en termes d’impact CO2 ».
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« La crise du coronavirus nous a appris à prendre au sérieux les avis des experts et à mener une politique fondée sur des preuves », a réagi la ministre de l’énergie, Tinne Vandestraeten. « L’avis du Conseil Supérieur de la Santé est d’autant plus précieux qu’il a été préparé par un groupe diversifié d’experts. La politique énergétique fédérale repose sur des faits et des chiffres et cet avis contribue à objectiver davantage le débat » a-t-elle ajouté. Quant à Zakia Khattabi, la ministre du climat et du développement durable, elle estime dans un communiqué que « cet avis est extrêmement éclairant dans le débat sur la transition énergétique de notre pays ». Selon elle, « le débat sur l’énergie nucléaire a été erronément réduit à l’enjeu climatique en faisant de facto l’impasse sur les très nombreux effets pervers et dangereux d’une telle technologie ».
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Dommage que les yeux soient toujours braqués sur les technos nucléaires actuelles, alors que les Réacteurs à Sels Fondus (RSF) répondent à nombre des critiques formulées contre les réacteurs à eau pressurisée actuels. D’autres sont en train de développer cette technologie, dans laquelle la France et l’Europe auraient pu s’engager il y a plus de 20 ans. Certes, on est encore loin de l’exploitation en production, mais il faut considérer que les combustibles sont beaucoup mieux utilisés, que les déchets sont beaucoup moins abondants et leur durée de vie beaucoup plus faible, que ces RSF sont auto-stables et ne risquent… Lire plus »
Difficile d’y voir clair dans le nucléaire. J’ai regardé la dernière vidéo de Jancovici (moins anti-ENR que d’habitude, il a dû finir par se faire à l’idée qu’elles faisaient partie de la solution !). Il dit que le processus industriel relatif à l’uranium 238 et au thorium n’est aujourd’hui pas maîtrisé, que ce processus fonctionne durant quelques temps, mais qu’il y a ensuite des problèmes d’évacuation des déchets (qui finissent apparemment par bloquer la réaction en chaîne) et un problème de corrosion des sels fondus. On verra combien de temps est-ce que les Chinois réussissent à faire fonctionner leur prototype… Lire plus »
Je rentente vu que mon précédent commentaire n’a pas passé le filtre
J’y expliquais mon étonnement de ne pas voir un seul article sur le rapport chiffré de RTE qui me semble ô combien plus intéressant que celui qui nous est conté la
Révolution énergétique est une bonne source d’infos sur les EnR mais le parti pris antinucléaire est gonflant et va trop loin quand il mène a sélectionner ainsi les infos
D’autant que ce rapport de RTE montre que le 100% EnR en 2050 est possible !
Pour info, aucun de vos commentaires n’a été « filtré »…
Ok, merci de votre réponse !
Est-ce que vous comptez en parler du coup ? Ça m’intéresserait de voir ce que vous en avez pensé et je ne dois pas être le seul
Ce rapport m’a tout l’air d’être du marketing politique déguisé.
Il mise sur un coût de l’électricité, qui sur le long terme, ne serait que 15% supérieur à celui d’aujourd’hui… Je dirais plutôt qu’il sera au moins le double de celui d’aujourd’hui (que ce soit par rapport au nouveau nucléaire ou aux ENR auxquelles il faudra intégrer le stockage journalier et à long terme).
Le nucléaire, dans sa forme actuelle, n’est pas durable, c’est vrai. Mais le solaire et l’éolien (+interconnexions), dans leur forme actuelle, non plus, car ils ne peuvent couvrir que 60% de la demande, le reste devra être couvert pendant un certain temps, par le gaz fossile, dont les ressources planétaires vont bientôt se raréfier. Solaire et éolien doivent être accompagnés de moyens de stockage à grande échelle, au moins, dans un premier temps, en ce qui concerne le stockage journalier, le plus « facile » car le rendement est bon, contrairement au rendement du stockage à LT. La Belgique a t-elle un… Lire plus »
Enfin un rapport bien étayé dont les rédacteurs ont le courage et l’honnêteté de dénoncer toutes les externalités négatives du nucléaire, toutes les dépenses stériles non productives liées à la sécurité et la gestion des déchets; pour une fois tous les coûts de tous ces services de sécurité, de surveillance et de contrôle que le nucléaire impose et pour la France c’est : 1000 gendarmes en permanence, des centaines d’ingénieurs et d’experts pour l’ASN et l’IRSN, et un mur d’investissements à venir dont nul ne connait le coût à la différence des ENR, les projets de futurs EPR n’ont sûrement pas été… Lire plus »
Mouais, tant qu’on ne démontre pas par quoi on remplace les sources de prod. d’électricité pilotables, c’est du rien, au même niveau que certains commentaires. A moins que dans l’idée des Belges, ce soient les autres pays d’Europe qui la lui fournissent. J’espère que le rapport est un peu plus exhaustif que l’article.
Loin de moi de critiquer le choix des experts (visiblement, ils ont ratissé large et ça m’a l’air assez béton niveau compétence) mais ça ne choque personne que ce soit le Conseil Supérieur de la Santé qui produise le rapport ?
M’enfin, un rapport est un rapport, quelque soit le commanditaire, tant que le panel d’experts est bon, ça reste valable. Cela dit, j’attends de lire ledit rapport avant de me faire un avis.
Il est évident que le rapport est une commande des ministres antinucléaires. Même le rapport RTE l’est. Demandez-vous pourquoi RTE a testé des proportions de nucléaire allant de 0% à 50%. Pourquoi n’avoir pas envisagé un maintien à 75%?
Critiquer les belges est facile mais la France et son nucléaire chéri est beaucoup plus dangereuse, il est cancérigène et beaucoup plus dangereux que le charbon ou le gaz.mais les Belges réfléchissent.
Je ne vois pas de critique à l’encontre des Belges. Au mieux, on peut estimer que le manque de nuance de Karim puisse être offensant mais c’est aller chercher loin. Cependant, je me dois de corriger certaines erreurs. Cette, la radioactivité n’est pas un jeu d’enfant mais de là à dire que c’est plus cancérigène que le charbon est au mieux de la bêtise et au pire de la malhonnêteté. Charbon qui fait des millions de morts chaque année du fait des particules rejetées dans l’atmosphère, particules qui soit dit en passant contienne du Radon. Celui-ci est présent naturellement en… Lire plus »
Car, lors des nombreuses réunions de consultations, les acteurs de la filière nucléaire ont indiqués que le scénario N03, qui suppose déjà de prolonger le parc nucléaire existant, de construire des paires d’EPR tous les 3 ans si ma mémoire est bonne et développer les SMR, était déjà très ambitieux et que la filière ne pouvait pas s’engager à davantage…
Non la réponse est que Macron veut absolument avoir des écolos au ministère de l’environnement et que ceux-ci ne peuvent accepter qu’à la condition qu’on leur promette une réduction du nucléaire.
J’ai beau être pro nucléaire et détester Macron, il y a un moment si la filière(que d’autres appellent « lobby ») elle même dit qu’elle n’est pas capable de faire mieux il semble plutôt logique de les croire
A moins que vous ayez des éléments allant dans le sens d’un biais politique, dans ce cas la ça m’intéresse !
2 EPR tous les 3 ans à 1,65 GW, ça fait 3,3 GW tous les 3 ans, donc 1,1 GW par an.
Le parc actuel a été construit au rythme de 2,5 GW par an pendant 25 ans.
Dans le « meilleur » des cas pour le nucléaire, le parc actuel serait renouvelé à hauteur de 44%, c’est-à-dire qu’il perdrait 56% de sa capacité nominale.
Le monde remercie les Belges pour les milliers de morts qu’ils s’apprêtent à causer avec l’ouverture de nouvelles centrales à gaz et les émissions massives de particules fines qui en découlent.
Ils ont semble-t-il trouvé un panel d’experts inestimable, qui détiendrait le secret pour baisser les émissions de CO2 tout en fermant des sources massives d’électricité bas-carbone. C’est vrai que c’est quelque chose qu’un pays qui, comme bien d’autres, ne respecte pas les jalons climatiques peut se permettre.
C’est parce que les Belges n’ont encore pas réussi à « réinventer le nucléaire »!