Le barrage de Tumut Pond en Australie, une des installations du complexe hydroélectrique Snowy / Image : Snowy Hydro
Vous n’en avez peut-être pas encore entendu parler, mais l’Australie bâtit actuellement le plus grand site de stockage d’énergie au monde. « Snowy 2.0 », c’est son nom, est une future centrale hydroélectrique de pompage-turbinage d’une puissance de 2000 MW pour 350 GWh de capacité de stockage. Débuté en 2020, ce chantier devait se terminer en 2026. Une opération titanesque qui enchaîne hélas les retards et surcoûts.
S’inscrivant comme une extension du vaste complexe hydroélectrique Snowy Mountain Scheme, « Snowy 2.0 » est une STEP (Station de Transfert d’Énergie par Pompage). L’installation, située en Nouvelle-Galles du Sud, reliera le lac de Talbingo (544 mètres d’altitude) au lac de Tantangara (1229 mètres d’altitude).
Comme toutes les STEP, elle fonctionne sur le principe suivant : lorsque la production d’électricité est supérieure aux besoins, l’excédent est utilisé pour pomper l’eau du lac inférieur vers le lac supérieur : c’est le stockage. Lorsque la production d’électricité est trop faible, l’eau fait le trajet inverse et entraîne des turbines, ce qui permet de générer de l’électricité. Cette technologie astucieuse permet de valoriser au mieux la production éolienne, solaire et nucléaire et de stabiliser la fréquence et tension du réseau. Elle dispose d’un rendement qui oscille entre 70 et 80 %, et a l’avantage de coûter beaucoup moins cher qu’un parc de batteries.
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Il existe un grand nombre de STEP dans le monde, de tailles et capacités très différentes. Nous en possédons 6 en France. La centrale de Montézic, dans l’Aveyron (voir notre reportage au cœur de cette usine) est par exemple la seconde plus grande du pays. Elle dispose d’une puissance installée de 910 MW et d’une capacité de stockage de 38,8 GWh.
De son côté, la Snowy 2.0 se distingue par une puissance impressionnante de 2 000 MW et surtout une capacité de stockage de 350 GWh, ce qui la classera en tête des plus grandes installations de stockage au monde. Elle pourra ainsi fournir de l’énergie pendant 175 heures sans interruption. Déployer une telle STEP nécessite des travaux d’envergure. Ainsi, on compte près de 40 km de tunnels, dont 27 km destinés à la circulation de l’eau. La centrale hydroélectrique et ses 6 turbines d’environ 350 MW seront installées à 800 mètres de profondeur, à mi-chemin entre les deux lacs. Elle nécessitera le percement de deux salles souterraines de 200 mètres de long et 50 mètres de haut.
Des retards et surcoûts
Malgré plus de 2 000 ouvriers et 3 tunneliers mobilisés (machines qui permettent le forage des tunnels), le chantier prend un retard important. La mise en service, d’abord prévue en 2021, avait une première fois été décalée à 2026. On parle désormais de décembre 2027. Actuellement, seul le tunnel d’accès à la future centrale est terminé. Un premier tunnelier est utilisé pour le forage des tunnels de secours à proximité de la centrale, tandis qu’un second est en cours d’installation pour lancer le forage du tunnel qui servira à renvoyer l’eau vers le lac Talbingo.
C’est au niveau du tunnel du lac Tantangara que les problèmes se multiplient. En effet, en décembre 2022, les équipes ont été confrontées à des sols meubles après seulement 150 m de forage, entraînant un affaissement à la surface d’un diamètre de 4 mètres et d’une profondeur de 9 mètres. Si cet affaissement n’a pas menacé l’intégrité des ouvrages déjà réalisés, le tunnelier a dû être arrêté afin de permettre des opérations de stabilisation du sol. Pour pallier ce problème, l’entreprise chargée des travaux a prévu une vingtaine de sondages pour vérifier la consistance du sous-sol et consolider d’éventuelles zones plus fragiles. En parallèle, des mesures ont été prises pour permettre au tunnelier de fonctionner en toute sécurité, même dans des sols meubles.
Ces retards s’ajoutent aux problèmes de surcoûts auxquels fait face le projet, suscitant de nombreuses critiques. Initialement estimé à moins de 5 milliards de dollars australiens (environ 3 milliards d’euros), le coût total de l’opération ne cesse de croître et pourrait dépasser les 8 milliards de dollars australiens (environ 5 milliards d’euros).
Une centrale pour soutenir les énergies renouvelables
Depuis longtemps, l’Australie est dépendante du charbon et du gaz fossile pour sa production d’électricité. Mais, face au dérèglement climatique, le développement des énergies renouvelables est devenu un enjeu majeur du pays. Preuve de cette prise de conscience, la part du renouvelable dans son mix énergétique a triplé en 10 ans pour atteindre 32,5 % en 2021. L’Australie compte exploiter le potentiel de son immense territoire pour développer sa production d’énergie solaire et éolienne. Dans ce cadre, la centrale Snowy 2.0 aura un rôle déterminant afin de compenser la variabilité de ces moyens de production d’énergie.
Commentaires
Ce n est rien si on compare a l EPR de Flamanville, 20 milliards d euros et 6 fois le cout initial estime
A la différence que l´EPR est une tête de série, un prototype, qui débouchera sur des ventes en série. Qui amortiront les frais de recherche sur ce type d´équipement multipliable en grand nombre. Et pourvoyeur d´emplois en France.
La STEP d´Australie n´apporte aucune innovation et est un équipement non multipliable : essayez de noyer une vallée en France, vous vous heurterez à l´acceptation sociale nulle de ce genre d´équipement.
D'après la presse australienne (Sydney Morning Herald), le coût initial du projet était de 2 milliards de dollars australiens et avait déjà atteint les 10 milliards début 2022, auxquels il faut ajouter le coût des lignes à haute tension, estimé à une dizaine de milliards supplémentaires.