En France comme en Belgique des enfants sont co-propriétaires d’une éolienne. Si l’idée a probablement germé pour la première fois en 2001 à Mesnil-Eglise, un petit village de l’Ardenne wallonne, de nombreuses coopératives citoyennes proposent aujourd’hui la possibilité d’offrir des parts à des enfants. Un geste symbolique et idéologique mais aussi une façon concrète de participer à la transition énergétique tout en investissant pour la prochaine génération.
A l’occasion de sa naissance, Zelda, 3 ans, a reçu une part de la coopérative HesbEnergie. La petite fille est ainsi devenue co-propriétaire de l’éolienne et de la petite centrale hydroélectrique exploitées par la coopérative. « J’ai trouvé que cela avait du sens d’offrir ce cadeau » explique son oncle, « d’autant que cet investissement est abordable : 125 € la part ». Aujourd’hui Zelda n’est pas encore consciente de la portée de ce geste, « mais j’espère que plus tard elle pourra l’apprécier et qu’elle s’en souviendra chaque année lorsqu’elle percevra les dividendes que la coopérative distribuera grâce aux bénéfices de la vente de l’électricité verte qu’elle produit » poursuit-il. « Jusqu’à sa maturité, c’est Matthieu, son papa, qui représentera Zelda à l’assemblée générale des coopérateurs » nous confie Jean-Paul Halloy, le président d’HesbEnergie. « Parmi nos coopérateurs il y a plus d’une centaine d’enfants mineurs », ajoute-t-il. Les parts qu’ils détiennent ont été offertes par leurs parents, mais aussi un parrain, une marraine, des grands-parents ou des amis. « Ils veulent leur léguer une énergie propre, locale, inépuisable et non spéculative » précise encore Jean-Paul Halloy. « C’est une démarche militante mais aussi d’éducation populaire : une excellente manière de conscientiser plus tard les adolescents qu’ils deviendront à l’importance de la transition énergétique. C’est mieux qu’une action dans le pétrole ou le nucléaire », s’exclame Serge Fontaine, un des membres fondateurs d’HesbEnergie, lequel nous signale la participation de la coopérative aux chantiers de deux nouvelles centrales hydroélectriques et la construction, cet été, d’une nouvelle éolienne sur les hauteurs de Liège. « La première éolienne citoyenne de la région liégeoise » explique-t-il fièrement.
L’éolienne des enfants
L’idée de construire une « éolienne des enfants » a probablement vu le jour en 2001, à Mesnil-Eglise, un petit village de l’Ardenne wallonne, lorsqu’un de ses habitants, Bernard Delville, ingénieur de formation, a projeté la construction d’une éolienne « pour produire une énergie écologique et décentralisée dans le but de laisser entre les mains des générations futures une planète dont nous pouvons être fiers », peut-on lire aujourd’hui sur le site d’Allons en Vent, la coopérative qui a été créée pour financer cette initiative. « Puisque nos enfants en seront les principaux bénéficiaires, pourquoi ne pas mettre dès aujourd’hui la propriété de cette éolienne entre leurs mains » s’est dit Bernard Delville. Après plusieurs mois de souscription ouverte au grand public – à une époque où l’internet était encore balbutiant – la coopérative comptait 850 enfants dont les parents ou « parrains » ont apporté un capital de 200.000 €. Une somme suffisante pour permettre l’obtention d’un crédit bancaire de 600.000 € et boucler le budget nécessaire.
Le 12 février 2006, la première Éolienne des Enfants (une turbine Enercon de 800 kW et d’une hauteur de 100 mètres en bout de pale) était inaugurée en fanfare sur le « Tienne du Grand Sart ». Afin de renforcer le côté symbolique de cette initiative, une fresque en céramique représentant les pièces d’un puzzle a été réalisée au pied de l’éolienne. Chacune d’elles est signée par un des enfants coopérateur. Aujourd’hui, près de quinze ans plus tard, beaucoup d’entre eux sont devenus adultes et ils peuvent contempler avec fierté « leur éolienne ». Elle tourne toujours et produit en moyenne 1.000 MWh par an, ce qui correspond à la consommation d’environ 325 ménages.
Le parc éolien des Ailes des Crêtes
En France, c’est à Chagny près de Charleville-Mézières dans le département des Ardennes qu’une autre Éolienne des Enfants a été inaugurée en juillet 2016. Elle fait partie du parc éolien citoyen des Ailes des Crêtes qui compte 3 turbines de 800 kW.
L’initiative est née grâce au concours de la fondation Kids & Wind, fondée également par Bernard Delville, et dont l’objectif est d’implanter une éolienne de ce type dans chaque pays. « Il s’agit d’agir aujourd’hui et concrètement sur nos choix énergétiques et de léguer un avenir sans fardeau ni dette à nos enfants » explique Ingrid Julien, l’une des responsables du projet. « Financièrement, pour que les enfants soient propriétaires d’une éolienne, il faut rassembler 1 million d’euros ». Un sacré défi ! Pour y parvenir, une société dédiée aux enfants a été créée en 2015, la SAS Eolienne des enfants du parc des Ailes des Crêtes. « Les parents, grands-parents, oncles et tantes ont pris des parts du capital social au nom de leurs enfants, la part étant à 100 euros » précise Ingrid Julien.
Le projet s’accompagne d’une sensibilisation des bambins aux enjeux environnementaux et énergétiques : cela peut prendre la forme d’événements comme la Fête de l’éolienne des enfants organisée chaque année.
Les autres initiatives citoyennes
Outre ces deux projets symboliques, de nombreuses autres coopératives citoyennes actives dans la production d’énergie renouvelable proposent la possibilité d’offrir des parts aux enfants. « En Wallonie une quinzaine de coopératives sont fédérées par l’association Rescoop-Wallonie », explique Jean-Paul Halloy. « La plupart, si pas toutes, permettent la souscription de parts au nom d’un enfant ». En France, Enercoop ou Energie Partagée sont des réseaux similaires.
Très bel article
Amusant et exemplaire, mais le mieux serait que les parcs éoliens ouvrent leur capital au grand publique à travers le système des crowdfunding, comme cela existe déjà pour les fermes solaires