Image : Révolution Énergétique
Décarboner le transport maritime. Transporter l’hydrogène vert. Les promesses de l’ammoniac sont nombreuses. Mais attention aux effets collatéraux de la généralisation de son usage.
Quand il brûle, l’ammoniac n’émet pas de dioxyde de carbone (CO2). Et pour cause, il ne contient pas de carbone. Seulement de l’hydrogène et de l’azote (NH3). Sa production est maîtrisée. Il est plus facile à stocker et à transporter que l’hydrogène. Quant à sa densité énergétique, elle est de l’ordre de dix fois supérieure à celle d’une batterie lithium-ion. Autant de caractéristiques qui l’ont propulsé au rang des favoris d’une industrie du transport maritime en quête de solutions propres pour alimenter ses navires sur de longues distances tout à y préservant suffisamment de place pour le fret.
Ces derniers mois, plusieurs initiatives visant à développer des pétroliers ou des porte-conteneurs alimentés à l’ammoniac ont été lancées. Les moteurs doivent être adaptés. Les réservoirs résistants à la corrosion doivent aussi être environ trois fois plus grands que ceux d’un bateau utilisant du fioul. Malgré ces contraintes, la Norvège vient par exemple de valider un soutien financier de l’ordre 100 millions d’euros à six projets de navires à ammoniac.
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Mais l’ammoniac n’est pas seulement envisagé comme le carburant du futur transport maritime. Certains le voient aussi comme un moyen efficace de transporter de l’hydrogène sur de longues distances. L’idée serait de produire un hydrogène vert par électrolyse de l’eau dans un pays riche en soleil, par exemple. Comme la Namibie. Et, pour l’importer jusqu’en Europe par bateau — l’Allemagne compte beaucoup là-dessus —, il pourrait être converti en ammoniac. Ce dernier, en effet, se liquéfie à seulement -33 °C alors qu’il faut porter l’hydrogène à -253 °C pour qu’il devienne liquide. Sa densité énergétique est aussi meilleure. Un camion-citerne d’ammoniac liquide peut transporter 2,5 fois plus d’énergie que le même camion d’hydrogène.
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À l’arrivée, l’ammoniac est reconverti en hydrogène (H2). Et en azote (N2). Mais seul l’hydrogène est alors valorisable de manière rentable. Des chercheurs de la University Alliance Ruhr (Allemagne) ont voulu optimiser les choses. Ils viennent de mettre au point un procédé qui combine la réaction inverse de Haber-Bosch — celle classiquement utilisée pour l’opération — avec une seconde électrolyse de l’eau. Ils obtiennent ainsi à partir de l’ammoniac, non seulement de l’hydrogène — deux fois plus —, mais aussi du nitrite (NO2—) qui peut être employé pour la production d’engrais. Le secret, des électrodes à diffusion gazeuse et des catalyseurs multimétalliques. La démonstration est faite au laboratoire. Les chercheurs reconnaissent toutefois être encore loin d’une mise en œuvre à l’échelle industrielle.
L’ammoniac, une menace pour notre santé
L’avenir de l’ammoniac semble donc brillant. Mais des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), eux, avertissent. L’utilisation de l’ammoniac comme carburant maritime pourrait détériorer la qualité de l’air et entraîner des « conséquences dévastatrices sur la santé publique, à moins qu’il ne soit adopté parallèlement à de nouvelles réglementations renforcées sur les émissions ». Parce que si brûler de l’ammoniac n’émet pas de CO2, sa combustion, faute d’être précisément contrôlée, peut produire du protoxyde d’azote (N2O). La mauvaise nouvelle, c’est que c’est également un gaz à effet de serre. Et la très mauvaise nouvelle, c’est que c’est un gaz à effet de serre persistant et 300 fois plus puissant que le CO2 ! Alors même si pour l’heure, des études montrent que l’effet global de l’azote émis par les activités humaines est plutôt rafraichissant — de -0,34 watts par mètre carré alors que le réchauffement climatique sur la dernière décennie était de 2,7 watts par mètre carré —, la prudence devrait être de mise pour l’avenir.
Les chercheurs du MIT rappellent surtout que de l’ammoniac non brûlé peut s’échapper des moteurs. Et que la combustion de l’ammoniac émet également des oxydes d’azote, les fameux NOx, qui finissent en fines particules dans notre atmosphère. Lorsqu’elles sont inhalées, elles peuvent provoquer de graves problèmes de santé. L’impact est estimé à plus 680 000 décès prématurés chaque année si la flotte mondiale devait passer à l’ammoniac. Des réglementations plus strictes et des moteurs plus efficaces pourraient cependant rétablir le bénéfice. « Toutes les solutions climatiques ne sont pas égales. Il y a presque toujours un prix à payer. Nous devons adopter une approche plus holistique et considérer tous les coûts et les avantages des différentes options plutôt que simplement leur potentiel de décarbonation », soulignent les chercheurs.
Commentaires
Bonne (?) réponse au commentaire "La vérité vous rendra libre" : in vino, veritas ! ...
Concernant la toxicité, effective, du protoxyde d'azote, on peut renvoyer à l'article du 15-12-22 paru dans Reporterre intitulé "La hausse spectaculaire de méthane enfin élucidée" : Les oxydes d'azote ( le protoxyde n'en est-il pas un ?) se dégradent en éliminant du méthane. > Ne devrait-on pas mesurer l'effet de serre d'un gaz, pas tout seul , mais en association avec les autres gaz présents ?
Ou comment passer son temps à créer des peurs pour obtenir indéfiniment les populations dociles sous un total contrôle.
Il est évident que des moteurs thermiques fonctionnant au NH3 ne peut être perçu que comme une situation de transition, le temps que ces moteurs d'occasion qui ont démarré leur vie au fioul lourd arrivent en fin de vie (20 ans environ). Un bateau nativement NH3 à moteur thermique n'a pas grand intérêt : amorcer la filière de production NH3 en créant de la demande serait de tout façon visible avec la reconversion de navires en cours de vie.
La vérité vous rendra libre.