L'hydrogène vert bientôt moins cher que les énergies fossiles ? Oui, mais ...
Une fois de plus, l’agence Bloomberg New Energy Finance (BNEF) secoue le cocotier en révisant à la baisse ses prévisions de coûts de l’hydrogène « vert », produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable.
Selon BNEF, l’hydrogène « vert » généré par l’électricité photovoltaïque ou éolienne onshore coûtera moins cher dès 2030 que l’hydrogène produit à partir du gaz naturel avec capture et stockage du CO2. Dans la moitié des 28 pays modélisés, dont le Brésil, l’Inde, et la plupart des états européens, l’éolien sera l’option la moins chère, tandis que dans les pays les plus ensoleillés, Afrique du Sud, Australie, Chili, Emirats, Etats-Unis et… la France, le solaire sera préférable. Car même lorsque le photovoltaïque est moins cher que l’éolien, les électrolyseurs sont mieux rentabilisés avec l’éolien dont le facteur de charge est plus élevé[1].
La baisse des coûts se poursuivant, l’hydrogène vert deviendra meilleur marché que l’hydrogène « gris » (produit à partir de gaz naturel sans capture du CO2) dès 2050. Dans quinze pays, il sera même moins cher que le gaz naturel lui-même. A ce moment-là, sauf au Brésil et en Europe du Nord, le soleil sera la source d’électricité la moins chère pour produire l’hydrogène.
Oui, mais …
Si ces prévisions se vérifient, ce sont évidemment de bonnes nouvelles pour la lutte contre les changements climatiques. Mais les fans de l’hydrogène auraient tort de se voir confortés dans leur opinion : l’hydrogène ne sera pas l’alpha et l’oméga de la transition énergétique.
Sur quoi repose en effet cette compétitivité accrue de l’hydrogène vert ? D’un côté, certes, sur la perspective d’une baisse rapide et forte du prix des électrolyseurs de type alcalins, qui chuterait dans le monde occidental, de quelque 1000 dollars par kilowatt ($/kW) à 115 $/kW en dix ans à peine. Selon BNEF, ce coût ne serait pas plus élevé que 200 $/kW en Chine aujourd’hui.
Mais le facteur majeur de la baisse des coûts de l’hydrogène vert, c’est celle du prix de l’électricité renouvelable. Disons plutôt « la poursuite de la baisse », puisqu’en dix ans le coût du photovoltaïque a été divisé par dix, celui de l’éolien terrestre ou maritime par trois.
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Sauf si les électrolyseurs ne fonctionnent que sur des durées très courtes, le coût de l’hydrogène vert c’est avant tout celui de l’électricité. Avec des électrolyseurs installés à 1000 $/kW et un facteur de charge de 50%, une électricité à 70 dollars par mégawattheure ($/MWh) représente 85% du coût de l’hydrogène. Avec une électricité à 20 $/MWh c’est encore 61%. Pour des électrolyseurs installés à 200 $/kW et ce même facteur de charge, l’électricité à 70 $/MWh représente 93% du coût de l’hydrogène, et celle à 20 $/MWh encore 78%.
Or si l’hydrogène fabriqué à partir d’électricité renouvelable, avec un rendement d’environ 70%, devient une énergie moins chère, non seulement que l’hydrogène extrait du gaz naturel, mais même que le gaz naturel lui-même, cela signifie a fortiori que l’électricité renouvelable devient aussi moins chère que le gaz naturel comme source de chaleur (et beaucoup moins chère que le gaz naturel comme source d’électricité avec un rapport chaleur/électricité de 60%).
Autrement dit, si les renouvelables et l’hydrogène vert vont devenir plus rapidement et plus fortement compétitifs avec les énergies fossiles qu’on ne le prévoyait auparavant, c’est évidemment une bonne chose, mais cela ne change pas fondamentalement la hiérarchie des usages. La question qui se pose est la suivante : dans quel cas convient-il d’électrifier un usage de l’énergie, et dans quel cas vaut-il mieux utiliser l’hydrogène ?
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Or voici ce que le fondateur de BNEF, justement, Michael Liebreich, écrivait récemment à ce sujet : l’hydrogène « fait sens pour les fertilisants et la chimie, peut-être l’acier, l’aviation, le transport maritime et le soutien des réseaux électriques. Mais il ne trouvera que des niches dans les transports terrestres. C’est une solution médiocre pour le chauffage, nécessitant cinq ou six fois plus de capacités renouvelables que les pompes à chaleur, et même la chaleur industrielle serait bien plus efficacement fournie directement par l’électricité. »
Nous y reviendrons très prochainement dans un dossier sur l’hydrogène.
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Commentaires
Il n'y a pas 50 solutions pour pallier aux périodes sans vent ni soleil, une fois que les connexions entre pays et les solutions de stockage à court terme ont été utilisées.
Il reste la biomasse et l'hydrogène. La biomasse étant en quantité limitée, il ne reste in fine que l'hydrogène, d'où son importance. Son coût sera probablement abordable si elle est produite à partir du PV en zone tropicale, avant d'être éventuellement produite à partir des excédents éoliens et solaires dans les autres régions.
Robin,certes "le pétrole à énormément d’avantage et est utilisé dans plein de domaines différents" mais,- c'est rédhibitoire-, sa combustion produit du CO2, Gaz à effet de serre majeur . Dans certains cas l'hydrogène est "facile à stocker et transporter". Stocker: sans surpression , en milieu souterrain directement dans des anciennes mines de sel ou indirectement dans des anciens gisements de gaz naturel après méthanation. Transporter: en utilisant le réseau de gaz de ville. Dans d'autres cas cela n'est pas effectivement facile, mais c'est la situation actuelle: d'autres systèmes sont en R &D, notamment sa fixation sur billes de verre, ou sur l'azote ( ammoniac) .
Il semble que l'hydrogène doivent principalement servir de back up lorsque: il n'y a pas de vent ni de soleil, et les capacités de compensation par hydraulique, biomasse, STEP et batteries sont épuisées.
La seule solution pour fabriquer cet hydrogène à un coût soutenable est avec du PV en zone tropicale.
L'hydrogène n'est pas uniquement produit par électrolyse : par exemple à partir de la biomasse. De plus, pour être accessible il ne nécessite pas l'utilisation d'un système aussi étendu, comme actuellement, de distribution, qui a un coût important ( voir RTE) ( sans compter les pertes inhérentes). Ainsi c'est un avantage pour une utilisation hors de mégapoles, en harmonie avec la Nature.
Quant à son utilisation pour les transports/"la mobilité" , on peut éviter, par combustion directe (moteur à explosion),- certes avec un moindre rendement-, d'utiliser des moteurs électriques ( et donc le gaspillage de ressources pour les batteries)et les piles à combustible ( d'ailleurs d'une durée de vie limitée).
Pour le chauffage , certes les pompes à chaleur, sont très intéressantes, mais il n'est pas nécessaire de passer par elles et l'hydrogène, produit sans électrolyse de l'eau,apporte une alternative valable ( ~3 fois plus d'énergie à poids égal) à l'utilisation du gaz ou du pétrole, évidemment sans production de CO2.
L'hydrogène est loin d'être facile à stocker et transporter c'est d'ailleur son principal problème. Il y a pas que le poid il y a le volume et le contenant. Soit pression extrême soit froid extrême pour le liquéfié. Dans ce cas pourquoi ne pas chercher à crée de pétrole à partir de biomasse (kérosène de synthèse créé par shell) ? On a déjà les infras pas besoin de changer le parc actuel (moteurs). Car le problème pour la France c'est le secteur de transport et il faut l'avouer le pétrole à énormément d'avantage et est utilisé dans plein de domaines différents.
Quelqu'un a-t-il pris la machine à calculer pour éclaircir les quantités nécessaires à tel ou tel secteur (des centaines de millions de tonnes) qu'il va falloir produire...
Une production qui va rentrer en concurrence pour d'autres utilisations de l'électricité...
Il est difficilement concevable que dans cette bataille qui va s'engager sur l'énergie, les coûts diminuent fortement. Ou alors, il y a des baguettes magiques....
Pour remplacer intégralement la production d'hydrogène française d'origine fossile par de l'hydrogène produit par électrolyse cela demande 50 Twh.
Ce qui pour la France représente 13000 éoliennes terrestre, soit le double de ce que nous possédons actuellement.
En sachant que l'hydrogène que nous produisons actuellement n'est pas utilisé pour le transport, donc si on voulait utiliser l'hydrogène pour le transport il faudrait des centaines de milliers d'éoliennes exclusivement dédiés à cela.
Autant dire que c'est totalement irréalisable.
Dans certains cas, la production ne va justement pas rentrer en concurrence avec d'autres usages, notamment quand la production dépasse la demande, et c'est d'ailleurs pour cela que les pays très avancés dans l'éolien et le PV le sont aussi dans l'hydrogène (Allemagne, RU, pays nordiques...)
Vous avez une position résolument optimiste. Mais la prise en compte des changements d'orientation dans tous les secteurs rend cette position fragile, sans compter les effets Jevons.
Autant dire que je n'y croie pas une seule seconde. Le rapide calcul de Neutron conforte mon premier commentaire...