L'hdrogène pour sauver le climat : une fausse bonne idée
Face à l’engouement actuel des gouvernements et des groupes industriels pour l’hydrogène, plusieurs équipes de scientifiques préviennent : cette énergie ne sera pas la solution universelle qui pourra lutter efficacement contre les changements climatiques. Pour la plupart des usages, l’utilisation directe de l’électricité, par exemple dans les véhicules électriques à batterie ou les pompes à chaleur, a plus de sens sur le plan économique.
L’hydrogène vert sera-t-il la recette miracle qui sauvera notre climat ? L’Europe et dans son sillage plusieurs gouvernements, semblent y croire. L’un après l’autre, ils ont élaboré des plans agrémentés de plantureux subsides pour développer la filière.
Cet engouement est-il justifié ? Nous vous avions déjà rapporté les résultats d’une étude sur le sujet publiée par l’agence Bloomberg New Energy Finance (BNEF). « L’hydrogène ne trouvera que des niches dans les transports terrestres et c’est une solution médiocre pour le chauffage, nécessitant cinq ou six fois plus de capacités renouvelables que les pompes à chaleur. Même la chaleur industrielle serait bien plus efficacement fournie directement par l’électricité », nous expliquait Michael Liebreich, son fondateur.
Et voilà que coup sur coup deux équipes de scientifiques indépendants publient des conclusions similaires.
Une idée idiote
Dans un premier rapport publié par le London Energy Transformation Initiative (LETI)[1], ses auteurs affirment que l’utilisation d’hydrogène vert pour le chauffage des bâtiments serait six fois moins efficace que l’utilisation de pompes à chaleur alimentées par des énergies renouvelables. Cette solution nécessiterait une augmentation de 150% de la production d’énergie primaire, estiment-ils en outre. Dès lors la conversion des réseaux de gaz pour qu’ils transportent de l’hydrogène pur est une idée « idiote » déclarent-ils.
« Nous avons constaté que le discours public sur l’hydrogène semble gravement déséquilibré, le secteur gazier, en particulier, s’acharnant à vendre du « gaz vert »aux décideurs politiques afin de protéger ses intérêts », indique le rapport.
L’étude souligne que l’hydrogène vert pour le chauffage des bâtiments affiche un rendement énergétique de 46%. En d’autres termes, si 100 kWh d’électricité renouvelable sont utilisés pour produire de l’hydrogène vert, seuls 46 kWh sont fournis pour chauffer le bâtiment, en raison des pertes d’énergie dans la production, le stockage et le transport du gaz. En revanche, le rendement énergétique des pompes à chaleur est de 270%, ce qui signifie qu’avec 100 kWh d’électricité l’installation produit 270 kWh de chaleur en puisant de l’énergie « gratuite » dans l’environnement.
L’utilisation directe de l’électricité a plus de sens
Ces conclusions rejoignent celles des scientifiques de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur les impacts climatiques (PIK). Dans un document intitulé « L’hydrogène au lieu de l’électrification ? Potentiels et risques pour les objectifs climatiques », ils expliquent que la production des énergies à base d’hydrogène est trop inefficace et coûteuse, et la disponibilité de celles-ci trop incertaine pour espérer qu’elles puissent remplacer largement les énergies fossiles, par exemple dans les transports routiers ou le chauffage des bâtiments. Dans la plupart des secteurs, l’utilisation directe de l’électricité, notamment dans les véhicules électriques à batterie ou les pompes à chaleur, a plus de sens sur le plan économique, estiment-ils.
Même si l’on suppose que l’électricité utilisée pour produire des carburants à base d’hydrogène est à 100% d’origine renouvelable, les coûts pour éviter une tonne d’émissions de CO2 en les utilisant seraient actuellement de 800 € pour les liquides et de 1 200 € pour les gaz, explique l’équipe de Potsdam. C’est beaucoup plus que les prix actuels du CO2, par exemple dans le cadre du système européen d’échange de quotas d’émission, ceux-ci étant actuellement inférieurs à 50 € par tonne.
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D’après les calculs des chercheurs, les coûts des vecteurs énergétiques à base d’hydrogène pourraient être compétitifs d’ici 2040, mais il sera alors trop tard pour compter sur l’hydrogène comme solution aux changements climatiques. Il existe déjà des alternatives d’électrification directe, explique le rapport qui précise qu’elles doivent être appliquées en priorité. L’hydrogène ne devrait être privilégié que dans les secteurs difficiles à électrifier, comme l’aviation, l’industrie chimique, la production d’acier et les processus nécessitant de hautes températures.
Le recours universel à l’hydrogène fait courir à l’humanité le risque de perpétuer l’usage des combustibles fossiles et les émissions de gaz à effet de serre, préviennent les scientifiques de Potsdam.
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Commentaires
Attention à ne pas confondre le rendement et le COP. Un rendement supérieur à 1 est impossible, car cela impliquerait que le système fournisse plus d'énergie qu'il n'en reçoit et ce serait une violation des lois de la thermodynamique. Ceci dit je pense que si l'on arrivait, et c'est possible, à réaliser l'électrolyse à partir d'énergies renouvelables alors ce pourrait être une des composantes d'une solution plus globale. Pour l'heure, c'est une solution à l'étude, potentiellement efficace, mais compte tenu de la technologie actuelle, des pb de coûts et de sécurité, ce n'est pas pour demain matin.
Considérer l'intérêt de l'Hydrogène seulement au point de vue de la comparaison avec l'électricité est très réducteur, d'autant qu'est considérée uniquement la production par électrolyse de l'eau ( quid de l'hydrogène bio, entre autres ?). Par exemple, d'autres intérêts de l'hydrogène sont son stockage, et sa diversification pour produire des produits de grande valeur , par exemple l'ammoniac. De toute façon, la RD est en plein développement, et vues les sommes engagées, la situation actuelle, si elle est défavorable, ne risque pas de perdurer, d'autant que, en attendant des améliorations de coûts, on peut quand même produire de l'hydrogène à partir du méthane qui est lui même en partie bio. Certes il y a alors actuellement production de CO2, mais ceci peut être évité directement ( production de carbone amorphe) ou indirectement en le faisant réagir, par exemple avec ... justement de l'hydrogène. De toute façon , avec le réchauffement climatique, le coût du CO2 ne peut qu'augmenter, et rapidement, facilitant la production d'hydrogène vert. Un autre aspect tendant à minorer ces prises de position contre l'hydrogène , est qu'elles se situent dans le type d'organisation territoriale actuelle de concentration urbaine : certes les pompes à chaleur sont intéressantes, mais pour la plus valable ( air-eau) elle est peu utilisables dans les villes: le chauffage électrique s'y fait par effet Joule, (évidemment au grand bénéfice du nucléaire, surdimensionné de ce fait) alors qu'il est beaucoup plus rentable d'utiliser des réseaux de chaleur .Quant à la voiture électrique certes là aussi le rendement du moteur est meilleur, mais elle a un coût de construction bien plus important que celles avec un moteur à explosion ( en l'occurence celui à l'hydrogène, qui, de plus, peut être amélioré).
Pour la production électrique, on ne demande pas à une seule énergie renouvelable de fournir toute l’électricité ; on fait appel à un mix d’énergies, chaque territoire produisant avec ses meilleures ressources.
Pour le stockage, c’est pareil, et il serait insensé de se priver de l’hydrogène (de l’hydrogène vert, obtenu à partir d’énergie renouvelable). Ce n’est pas parce que l’hydrogène n’est pas judicieux pour la production de chaleur ou pour nos voitures, qu’il faille le bannir ainsi.
Il est intéressant de l’utiliser dans l’industrie pour remplacer l’hydrogène obtenu par vaporeformage ; dans l’aviation, pour produire du kérosène de synthèse ; pour des transports à longue distance (commande par un opérateur allemand de 27 trains à hydrogène). Quant à son injection (sous forme pur ou après méthanation) dans le réseau de gaz : mieux vaut cela plutôt que de l’électricité se perde.
Batteries et hydrogène : ces solutions de stockage ne sont pas concurrentes, elles sont complémentaires. Elles sont à choisir au cas par cas, soit l’une ou l’autre, soit l’une et l’autre. Deux exemples :
Exemple de l’équipement en bus à Pau – après une analyse globale détaillée, la communauté d’agglomération a opté pour 8 bus à hydrogène (plus grande autonomie), plutôt que pour 14 bus électriques à batterie (ou 10 avec biberonnage).
Exemple aussi du petit data center d’Avignon – Après études, a été choisi un système hybride, avec stockage par batterie (de court terme) et stockage par hydrogène (de long terme).
L’hydrogène ne sauvera pas le climat à lui seul, mais assurément peut y contribuer.
L'hydrogène porte une image de pureté qui plaît bien aux pétroliers et à l'industrie automobile historique. Et bien sûr aussi aux producteurs d'hydrogène, qui utilisent pour cela du gaz "naturel" mais fossile cependant.
Avec cette image il est facile et tentant de faire du lobbying auprès des politiques et du grand public, qui l'un comme l'autre ne connaissent pas les lois de la physique et trouvent les discours des scientifiques ennuyeux.
Dans le petit monde des véhicules électriques on sait tout cela depuis des lustres, mais bon, ce monde est encore petit et inaudible.
Voili voilà, c'est bien de remettre l'H² à sa place. Dans les fusées!
Il semble plus urgent de mettre le paquet sur le PV, l'éolien offshore, les interconnexions et les batteries que sur l'hydrogène, qui devrait servir d'abord à la chimie et à l'aviation.
Que certains pays payent également pour sortir le plus tôt possible du charbon, comme l'a fait le RU.
Dans les pays les plus densément peuplés, le nucléaire a également sa place.
L'électricité produite à partie d'hydrogène (rendement du stockage 30%) ne peut coûter que beaucoup plus cher que celle sortant des interconnexions (rendement 97% pour 1000km) ou des batteries (rendement 90%).
L'hydrogène sera probablement produite principalement en dehors de l'Europe, en Australie, aux États-Unis, au Mexique, au Chili, à partir du PV, moyen le moins cher de produire de l'électricité.