Illustration : Révolution Énergétique.
Cet été, Révolution Énergétique se plonge dans les sites de production d’électricité bas-carbone les plus puissants du monde. Ces barrages, parcs éoliens, fermes solaires, centrales nucléaires, centrales à biomasse et autres systèmes de stockage peuvent afficher des dimensions considérables. Cette semaine, nous découvrons les 3 centrales à biomasse les plus puissantes du monde.
La biomasse, qui comprend le bois et résidus végétaux divers (forestiers, agricoles, élagage, déchets de bois manufacturé) est la plus exploitée des bioénergies. C’est une ressource renouvelable qui permet de générer de l’électricité et de la chaleur en émettant moins de gaz à effet de serre que les énergies fossiles, dans certaines conditions.
De nombreux pays considèrent la biomasse comme une filière indispensable à la transition énergétique et accélèrent son déploiement. L’Allemagne, par exemple, a généré 8,4 % de son électricité à partir de biomasse en 2021. La Grande-Bretagne a produit 7 %, l’Espagne 2,5 % quand la France n’a pas dépassé 1,4 %.
À lire aussi La conversion de cette centrale va faire bondir les renouvelables sur l’île de La RéunionL’utilisation de biomasse pour la production d’électricité reste toutefois controversée. Car, si la combustion du bois et de résidus végétaux en elle-même n’ajoute pas de CO2 d’origine fossile dans l’atmosphère, elle peut dans certains cas en augmenter la concentration.
Exploitée à très grande échelle, la biomasse ne permettrait pas de compenser la quantité de CO2 rejetée lors de la combustion des arbres par celle absorbée lors de leur croissance. La logistique, le transport et la transformation de la matière a également un impact carbone plus ou moins important.
Cette ressource pourrait aussi encourager des pratiques peu respectueuses de l’environnement comme la déforestation et l’exportation de bois sur de très longues distances par bateau et camion. Il est donc délicat d’établir une intensité carbone générale pour la biomasse et de cerner ses conséquences environnementales.
Selon le Groupe international d’expert pour le climat (GIEC), les émissions s’étalent de 130 à 420 g eqCO2/kWh, selon le type de végétaux utilisés, avec une moyenne à 230 g eqCO2/kWh. Un rapport commandé par le Ministère de la Transition écologique publié en 2018 évoque même une intensité carbone extrême de 883 g eqCO2/kWh lors d’une expérimentation menée sur une parcelle de forêt guyanaise. Un niveau d’émission supérieur à celui du fioul.
Notez que de nombreuses centrales à biomasse brûlent également des ressources fossiles dans les chaudières pour des raisons économiques, de disponibilité ou techniques, sans que la proportion soit toujours connue. Souvent, l’utilisation de petites quantités de charbon, gaz ou produits pétroliers est nécessaire afin de démarrer ou d’entretenir la combustion de la biomasse.
À lire aussi Cette centrale électrique au bois voudrait dévorer les forêts françaises1 – Centrale à biomasse de Drax, Royaume-Uni
Puissance (GW) | Prod. annuelle (TWh/an) | Type de biomasse |
2,595 | 14 | Granulés de bois, résidus agricoles |
L’immense centrale électrique de Drax au Royaume-Uni illustre la capacité de la biomasse à remplacer les énergies fossiles. Lancé en 1974, le plus grand site de production d’électricité du pays ne fonctionnait à l’origine qu’avec du charbon et du coke de pétrole. Une véritable usine à gaz à effet de serre, qui a été progressivement convertie à la biomasse à partir de 2004.
Sur ses 6 tranches, les 2 dernières au charbon ont été fermées en mars 2021. Seules subsistent 4 tranches totalisant 2 595 MW de puissance, brûlant exclusivement de la biomasse. Il s’agit essentiellement de granulés de bois importés d’Amérique du Nord, mais aussi de résidus agricoles et agroalimentaires comme du tourteau de colza, de la paille ou encore des coques et noyaux.
Chaque tranche engloutirait 2,3 millions de tonnes de matière organique chaque année. Selon un article de Bloomberg paru en 2012, la partie biomasse de la centrale de Drax consommerait une surface forestière d’environ 1,21 million d’hectares (soit 12 140 km²) annuellement. Pour se faire une idée, cela représente 7,4 % de la superficie de toutes les forêts françaises.
À lire aussi Biomasse : à Amiens, les feuilles mortes chauffent les habitants2 – Tranche MPP3 de la centrale de Maasvlakte, Pays-Bas
Puissance (GW) | Prod. annuelle (TWh/an) | Type de biomasse |
0,22 | Inconnue | Bois, farines animales, biopropane, déchets divers |
Sur les quais du port de Rotterdam, la centrale de Maasvlakte brûle du charbon depuis 1973. Une tranche ouverte en 2016 et baptisée « MPP3 » permet toutefois d’injecter 20 % de biomasse parmi la houille. Si elle dispose d’une puissance de 1 070 MW, la ressource renouvelable représente 214 MW.
Cela en fait donc la seconde centrale à biomasse la plus puissante au monde, même si elle consomme majoritairement du charbon. Le mélange de biomasse est constitué de bois, farines animales, biopropane et de « certains déchets d’entreprises voisines », explique Uniper, l’opérateur actuel.
À lire aussi De l’hydrogène bientôt fabriqué « sobrement » à partir des déchets de bois ?3 – Unité biomasse de la centrale de Polaniec, Pologne
Puissance (GW) | Prod. annuelle (TWh/an) | Type de biomasse |
0,205 | 0,77 | Résidus forestiers et agricoles |
La centrale à biomasse de Polaniec est implantée au cœur de l’immense centrale à charbon éponyme. Sur les 1 800 MW de puissance développés par le site, 205 MW proviennent de l’unité à biomasse. Inaugurée en 2012, elle carbure à 80 % à partir de résidus forestiers et 20 % de déchets agricoles selon l’opérateur. Cela représente respectivement 890 000 et 222 000 tonnes annuelles.
Les déchets agricoles proviendraient d’exploitations situées dans un rayon de 100 km autour de la centrale, quand les résidus forestiers sont essentiellement polonais. Le pays en produit autour de 35 millions de tonnes chaque année. L’utilisation de ces ressources à la place du charbon réduirait de 1,2 million de tonnes les émissions annuelles de CO2.
Bonus : La centrale à biomasse d’Alholmens Kraft, Finlande
Avec 265 MW, la centrale à biomasse d’Alholmens Kraf en Finlande aurait pu être la seconde la plus puissante du monde. Problème : elle brûle un mélange de déchets forestiers, de résidus de l’industrie papetière, de tourbe, charbon et fioul.
Ces trois dernières ressources, qui ne sont pas renouvelables, représentent 55 % des apports dans la chaudière. La biomasse ne participe donc qu’à hauteur de 119 MW de la puissance totale de l’unité.
Notre série sur les centrales électriques bas-carbone les plus puissantes du monde :
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Commentaire
Intéressant!
Le terme “consomme” 1.2M d’ha prête à confusion. On comprend qu’il faut couper 1.2M d’ha de forêt pour alimenter la centrale or une forêt contient entre 100 et 200t de bois par ha et grandit de ~5t/an. Donc il faut exploiter 1.2M d’ha en y récoltant 3 à 5% du bois par an.
Aussi 2.3Mt pour produire 14TWh semble optimiste: 1t de bois contient typiquement 4MWh thermique donc au mieux 1.6MWh électrique. Donc il faudrait au minimum 9Mt de biomasse (et sûrement plus car les autres biomasse ont une densité énergétique plus faible).
les ratios seraient alors similaires à la centrale polonaise.