L'éolienne sans poil peine à convaincre
Vortex Bladeless entend « réinventer les éoliennes ». Les moqueurs évoquent un vibromasseur, on dirait plutôt un poil, voire un… pal, et d’une certaine manière c’est malgré tout un genre de pale. Mais pour disposer de la même puissance qu’une éolienne terrestre moderne de 2 à 3 MW, il faudrait une forêt de … 20.000 à 30.000 «poils».
On voudrait croire à une révolution puisque le concept élimine tout ce qui tourne dans une éolienne : les pales, le rotor, l’alternateur. Il s’agit donc plutôt d’une vibration : un cylindre vertical de trois mètres de haut articulé sur son embase, oscillant en résonnance avec les turbulences du vent, alimentant un alternateur linéaire.
C’est bien connu : la production électrique des petites éoliennes près du sol, et surtout en milieu urbain, ou proche de bâtiments est très faible, car le vent est trop turbulent. C’est ce qui rend les éoliennes de pignon ou de toiture si peu rentables, quand leurs vibrations ne détruisent pas les maisons sur lesquels des naïfs les installent, cédant à la pression de margoulins insistants. De cette faiblesse ne peut-on faire une force, et utiliser précisément ces turbulences ? C’est le pari de Vortex Bladeless.
Pour la jeune entreprise espagnole, la technique serait « hautement compétitive non seulement avec les autres énergies renouvelables mais même par rapport aux technologies conventionnelles ». Toutefois « il faudra faire davantage de recherches pour le dire avec certitude ». Les inventeurs admettent que l’optimum n’est pas encore atteint, mais il est en vue : n’a-t-on pas supprimé le besoin d’une nacelle, d’un mat, et de pales, d’ordinaire les éléments les plus chers des éoliennes normales ?
Une légère inquiétude saisit pourtant le lecteur qui découvre sur le site un graphique montrant le prix du MWh photovoltaïque à près de 300 dollars : trop occupés à développer leur procédé, les inventeurs de Vortex Bladeless semblent avoir oublié de regarder autour d’eux ces dix dernières années.
Une forêt de poils
Admettons que la conception ne manque pas d’astuces. Pour permettre à la structure d’osciller en résonnance avec un vent qui fluctue en force, il faut en varier la fréquence propre, pour cela modifier soit sa masse, soit sa rigidité. Les concepteurs ont imaginé un moyen, à base d’aimants permanents, d’accroître la rigidité apparente du cylindre selon son degré de flexion. Pour récupérer l’énergie de l’oscillation sans la transformer en rotation, ils installent dans le creux du cylindre un stator fixé au sol et un alternateur solidaire du cylindre. L’ensemble devrait pouvoir fonctionner avec des vents de 3 à 12 mètres par seconde, et produire jusqu’à… 100 watts.
Pour disposer de la même puissance qu’une éolienne terrestre moderne de 2 à 3 MW, il faudrait donc une forêt de 20 000 à 30 000 « poils ». On peut les espacer d’un mètre et demi disent les promoteurs, les « turbulences » croisées ne seraient pas gênantes, mais si c’est le cas sur le front du vent, à l’arrière il en va sans doute autrement, l’énergie prise au vent n’est plus disponible immédiatement derrière : il faut laisser à l’air tout autour le temps de « remplir les creux » du flux d’air qui a traversé l’éolienne et reprendre de la vigueur. Pour 2 à 3 MW il faudrait donc des hectares…
Un coût de l’électricité prohibitif …
Quelle serait la production annuelle ? Même si le système sans pale est – peut-être – moins perturbé qu’une petite éolienne classique par les turbulences induites par la proximité du sol et des obstacles qui s’y dressent… il n’en reste pas moins que la vitesse du vent est d’autant plus faible qu’on se situe près du sol. Ce n’est pas une mince différence, car la puissance du vent est proportionnelle au cube de sa vitesse. Autrement dit, à 5 m/s (moyenne européenne au niveau du sol) la puissance disponible est huit fois moindre qu’à 10 m/s… et à 8 m/s elle est encore deux fois moindre. Les turbulences ne sont pas le seul problème de la petite éolienne, la faiblesse du vent en est un autre, peut-être encore plus incontournable.
L’analyse économique que propose Vortex Bladeless le révèle ingénument : en prétendant montrer la supériorité du concept sur l’éolienne classique, la start-up limite prudemment la comparaison avec des petites éoliennes à axe horizontal (HAWT) ou vertical (VAWT), montrant des performances économiques à peu près similaires… rapportant 1,6 kWh/€ dans les meilleures zones (vent moyen de 7,5 m/s), soit un coût de l’électricité de 62,5 c€/kWh, et quatre fois plus à 5 m/s. Entre dix et quarante fois le coût de production des éoliennes d’aujourd’hui, cinq à vingt fois le coût du solaire en toiture.
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Et encore la démonstration, en l’absence de données chiffrées sur les coûts d’investissement, peine-t-elle à convaincre : même la minuscule éolienne prise en comparaison balaie une surface de vent trois fois plus importante, sa puissance nominale est quadruple, et elle produit à son maximum au-delà de 12 m/s quand l’éolienne Bladeless cesse de fonctionner. On peut installer l’éolienne classique à 10 ou 15 mètres du sol. En sites isolés, la petite éolienne peut être économiquement pertinente, quoique plutôt à partir de 3 kW de puissance, l’équivalent de trente Vortex Bladeless, avec un kWh nettement plus raisonnable, de l’ordre de 20 c€/kWh à 5 m/s de vent moyen pourvu que l’investissement reste inférieur à 3000 €/kW.
Ne pourrait-on pas concevoir de grandes éoliennes sans pale, captant des vents plus importants ? Bladeless rêve d’en dresser jusqu’à 150 mètres de hauteur… assurément mieux exposées. Mais la forte atténuation des turbulences à cette hauteur risque de faire perdre au concept son principal prétendu avantage, et l’on saisit mal l’intérêt de l’entreprise, ni comment ni pourquoi l’éolienne sans pale pourrait devenir plus performante que les modèles actuels.
À lire aussi Wind Catcher : une éolienne en kit, à emporter dans ses bagagesLe projet semble aller à rebours de l’évolution constante de la technologie éolienne, vers des tailles croissantes permettant à la fois des surfaces balayées plus grandes et l’accès à des vents plus forts et plus réguliers, avec toujours moins de matériaux. Le schéma de l’éolienne à axe vertical et trois pales en avant du mat n’est pas nécessairement indépassable en tous lieux, l’éolienne bipale, l’installation de pâles plus flexibles en arrière du mat, voire l’éolienne à axe vertical ont peut-être un avenir dans certaines situations. Mais si l’on devait parier sur une révolution, plutôt que d’un retour au rase-mottes, elle irait à l’inverse dans le sens d’un affranchissement plus grand des contraintes du sol, vers l’éolienne « volante ». Reliée par un câble qui ramène au sol l’électricité produite en hauteur, ou bien transmet la force mécanique du vent à un alternateur resté à terre, cette éolienne dont la mise au point s’avère difficile se réduit peu ou prou à l’essentiel à savoir… une pale.
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Commentaires
Un concept à rebrousse-poil...
Pourquoi plutôt ne pas utiliser une section triangulaire orientable suivant les vents dominants qui créera alors des vortex de karman, et en les associant en "V" comme pour un vol doiseaux, d'avoir des vortex accrus en aval ?
Pour quiconque s'intéresse un peu à l'éolien... c'était très amusant :) De la au battage médiatique... Pourquoi pas un proto...
Je n'en attendais pas grand-chose, je pense que l'on sera servi.
Cela me rappelle la fameuse (fumeuse) "révolution" de l'arbre à vent. Au moins cela tournait quelque part 😄
L'arbre à vent, oui, une jolie foutaise, mais qui ressemblait au moins à une déco de Noël. Les arbres en bois vivant sont quand même nettement plus utiles et meilleurs pour la santé mentale des citadins!
Effectivement, il fallait juste être conscient que cela allait produire... pas grand chose
Et être prêt à débourser... un peu trop!
Même l’éolienne « volante » n'a pas d'avenir, il suffit de peser le pour et le contre pour s'en rendre compte.
L'intêret de l'éolienne volante est de ne pas prendre beaucoup de place au sol. C'est le point positif.
Sauf que pour générer de l'éléctricité ces éolienne volante sont obliger de balayer une surface gigantesque ce qui oblige à éspacer grandement chacunne de ces éoliennes.
Au final ce qu'on l'on gagne en encombrement au sol on le perd grandement en encombrement au ciel.
Le futur est déjà connue, des éoliennes au sol (ou en mer) de plus en plus haute et de plus en plus puissante.
Les 20MW par turbine off-shore ne seront qu'une formalité.
Ce n'est, en effet, pas très convaincant. Je reste surpris que l'idée ait tout de même dépassé le stade "papier". A moins que, comme je l'espère, la photo d'en tête ne soit qu'une image de synthèse et non une véritable installation expérimentale.
Toutes les idées doivent être étudiées, et expérimentées, mais par simulation avec un modèle algorithmique avant de passer à un prototype matériel.
On peut en dire autant de la route recouverte de panneaux solaires, cela semblait pourtant évident, on connait la suite...
En l'occurrence l'essai aurait pu se limiter à mettre un PPV à la place du paillasson devant l'entrée d'un magasin genre supermarché très fréquenté par les caddys et les godillots bien boueux, et cela aurait suffit pour quelque sous, et c'est le cas de bien d'autres choses encore :- )
Le greenwashing de notre copine Ségo, gestionnaire de finances hors paire n'est pas surprenant. Mais elle a l'impression de faire quelque chose et des gens vote pour elle grâce à ça! La est l'essentiel pour elle.