L’énorme pollution cachée des « scrubbers », ces filtres à particules géants pour bateaux


L’énorme pollution cachée des « scrubbers », ces filtres à particules géants pour bateaux

Un navire à Port-Saint-Louis du Rhône / Image : Wikimedia - Roberto Venturini.

Face à des réglementations environnementales de plus en plus strictes, les scrubbers — ces filtres installés dans les cheminées de certains navires — ont été adoptés par l’industrie maritime comme solution pour réduire la pollution de l’air. Mais si ces dispositifs assainissent l’air, paradoxalement, ils peuvent polluer les mers selon la technologie employée. Cette contradiction a récemment conduit à un procès contre le capitaine d’un navire de marchandises, dont le bateau aurait déversé un million de litres d’eau polluée dans le golfe de Fos (Bouches-du-Rhône).

L’affaire implique le navire Seaforce appartenant à un armateur grec. En mars 2023, lors de son amarrage au port industriel de Fos-sur-Mer, le bateau a fait l’objet d’un contrôle réglementaire effectué par la gendarmerie et une inspectrice dédiée. Lors de l’inspection, il a été constaté que des eaux polluées provenant du « scrubber » ont été déversées à quai. Pour sa défense, le capitaine explique avoir coupé le système de scrubber à 1,5 mile nautique (2,7 km) des côtes. Or, cette distance ne respecte pas les normes en vigueur, car depuis 2022, la distance minimale autorisée est de 3 miles (5,5 km). La situation a conduit à l’ouverture d’un procès au tribunal correctionnel de Marseille, le premier en France à être consacré à l’utilisation de ces filtres.

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Un rejet de métaux lourds et d’hydrocarbures

Les scrubbers (ou épurateurs en français) sont des filtres utilisés pour réduire les émissions de soufre (SO2) par les moteurs des navires qui brûlent du fioul lourd. Pour fonctionner, ces dispositifs utilisent de l’eau de mer et parfois d’autres produits comme le bicarbonate pour « laver » les gaz d’échappement. Après avoir capturé les polluants, l’eau est ensuite rejetée en mer, souvent après un traitement pour réduire sa toxicité. C’est le principe dit « à boucle ouverte », comme celui qui a été adopté par le Seaforce.

Principe de fonctionnement d’un scrubber à boucle fermée (à gauche) et ouverte (à droite) / Schémas : DNV, traduit de l’anglais par Google.

Selon un expert appelé à témoigner dans le procès, relaté par nos confrères de Marsactu, l’eau rejetée via cette technique contiendrait des métaux lourds et des hydrocarbures. Ces polluants sont pourtant nocifs pour les organismes marins et risquent de causer des dommages à long terme lorsqu’ils s’accumulent dans les écosystèmes aquatiques. Par ailleurs, leur présence conduit à la diminution de l’oxygène dans le milieu marin, ce qui pourrait créer des « zones mortes ».

L’expert a également indiqué que l’eau rejetée par les scrubbers pouvait avoir une turbidité accrue à cause de sa teneur élevée en particules fines. Cela risque de réduire la quantité de lumière pénétrant dans l’eau, affectant ainsi la photosynthèse des plantes marines et perturbant l’habitat des organismes aquatiques.

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Une demande de requalification accordée

Selon le procureur Michel Sastre, aucune sanction adéquate n’est prévue dans la législation pour un cas de pollution de cette nature. Un article du Code de l’environnement qui pourrait traiter le dossier ne se concentre que sur la pollution par les hydrocarbures, mais ne tient pas compte des métaux lourds qui sont pourtant une composante significative de la pollution relatée dans cette affaire.

L’article en question prévoit une amende de 4 000 euros pour le capitaine de navire concerné, mais le procureur requiert une amende s’élevant à 80 000 euros. En effet, il considère cette somme plus appropriée vu la gravité de l’infraction, sachant que le bateau aurait déversé plus d’un million de litres d’eau polluée dans la mer. Face à ce désir du procureur, la défense a sollicité une requalification des faits pour mieux se préparer. Une demande que le tribunal accepte. L’audience est ainsi reportée en septembre 2024, donnant le temps à la défense d’organiser sa réponse et au tribunal d’approfondir son étude du dossier.

De leur côté, les associations de défense de l’environnement présentes lors du procès espèrent que le tribunal reconnaitra la nécessité d’une réponse juridique plus adaptée à l’impact des scrubbers. Cela impliquerait d’exposer les vraies conséquences de ces dispositifs, plus considérés comme de l’écoblanchiment (ou greenwashing), que de véritables solutions écologiques.

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