La centrale nucléaire de Cattenom / Illustration : Wikimédia, modifiée par RE.
Depuis l’origine, le parc nucléaire français a pour vocation de fournir à la France, et notamment à ses industries, une électricité à prix stable, indépendant des fluctuations des marchés des hydrocarbures. C’est dire si la fixation de ce prix est un enjeu important pour notre politique économique et pour notre souveraineté. Et depuis quelques années, c’est à un véritable feuilleton auquel nous assistons. Si un accord avait été trouvé en fin d’année dernière, le gouvernement tape aujourd’hui du poing sur la table. Quitte à le renverser.
Récapitulons. Le prix de l’électricité d’origine nucléaire est aujourd’hui fixé par le dispositif ARENH, pour « Accès régulé à l’électricité historique ». Il permet au gouvernement de fixer ce prix par décret, après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). L’ARENH concerne un volume de 100 TWh, soit environ 20 % de la production du parc, à un tarif fixé à hauteur de 42 €/MWh depuis le 1ᵉʳ janvier 2012.
La loi prévoit que ce dispositif soit arrêté à fin 2025. Les acteurs se mobilisent donc pour trouver un nouveau mécanisme pour le remplacer, et surtout pour trouver un nouveau prix. Et la tâche est épineuse. En effet, le dispositif a été fortement critiqué. En premier lieu par EDF, qui estime le tarif trop bas pour couvrir ses coûts de maintenance et ses investissements dans de nouveaux systèmes de production. Ensuite, par les autorités publiques, comme la CRE, qui, en 2018, relève que le dispositif n’a pas permis aux concurrents d’EDF d’investir dans des moyens de production de base. Un objectif manqué et la crainte, donc, que l’ARENH n’ait conduit qu’à un effet d’aubaine.
Un accord trouvé en 2023, presque immédiatement menacé
Après de tumultueuses négociations fin 2023, un accord avait été trouvé entre EDF et l’État français. Ainsi, en novembre 2023, Bruno le Maire avait pu annoncer un tarif fixé aux alentours de 70 €/MWh, et qui concernerait cette fois 100 % de la production nucléaire. Cet accord avait conduit à de fortes réactions, car le tarif proposé était nettement plus élevé que les montants envisagés précédemment. La CRE avait en effet proposé en septembre 2023 un prix de l’ordre de 60 €/MWh. Valeur elle-même bien supérieure à l’estimation de 2020 de cette même CRE, qui se situait alors plutôt autour de 50 €/MWh.
Une très importante augmentation donc, qui reflète en principe des tendances lourdes bien identifiées par la CRE : inflation, hausse des coûts de maintenance, hausse des coûts d’investissement dans la gestion des déchets de combustibles nucléaires, et investissements à venir dans les nouvelles capacités de production. Et cette hausse des coûts se retrouve confrontée, par ailleurs, aux fluctuations brutales des prix de l’électricité.
Des accords remis en cause par les fluctuations du marché
En effet, les prix des marchés ont connu dernièrement des variations très importantes : à la hausse, fortement, puis à la baisse, fortement elles aussi. Prenons les contrats de type CAL (pour Calendar), qui se négocient sur les marchés à terme de l’électricité comme l’EEX (European Energy Exchange). Dans le cadre de ces contrats, une entreprise peut acheter de l’électricité sur une année future complète à un prix fixé à l’avance. Par exemple, un contrat CAL-27 peut être conclu aujourd’hui pour une fourniture d’électricité en 2027, et ce, pour un prix fixé aujourd’hui-même.
Un contrat CAL-27 atteignait 150 €/MWh en juin 2023, dans le sillage des tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine. Il se négociait encore à plus de 100 €/MWh en novembre 2023, au moment de l’accord entre EDF et le gouvernement. Cela permettait à EDF de négocier à la hausse le prix d’accès à son électricité nucléaire, en arguant d’un niveau élevé du prix de marché.
Toutefois, à fin juin 2024, le prix d’un contrat CAL-27 est de l’ordre de 82 €/MWh, réduisant significativement l’écart entre le prix du marché et le prix du nucléaire historique. Les distributeurs d’électricité, et finalement les consommateurs, ne trouvent plus qu’un faible avantage financier à accéder au nucléaire historique, et ce, à 70 €/MWh. Avantage qui semble en outre s’amenuiser avec le temps : les CAL-28, pour de l’électricité livrée en 2028, sont aujourd’hui sous la barre de 80 €/MWh.
Le gouvernement revient sur l’accord de fin 2023
Les conséquences de ces baisses de prix ne se sont pas fait tarder. En effet, EDF a rencontré des difficultés pour négocier ses contrats de vente en gros et à long terme, les CAPN (pour Contrats nucléaires à long terme). Ces contrats, fixés sur 10 à 15 ans, sont destinés aux clients dits électro-intensifs, c’est-à-dire les industries très consommatrices d’électricité. Sur un objectif de 20 à 24 TWh/an, EDF n’aurait ainsi réussi à conclure que 10 TWh/an, soit environ 50 %. Les électro-intensifs, en effet, anticipent ces baisses de prix du marché et ne voudraient pas être liés par des contrats long terme qui pourraient être plus coûteux que les prix du marché futurs.
Tirant parti de cette baisse de prix, et des difficultés commerciales d’EDF qui lui sont liées, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Notamment au travers des propos de Bruno Le Maire qui s’est exprimé lors d’une conférence du Medef à Paris : « Nous rouvrirons la négociation des contrats avec EDF parce que le prix de sortie n’est pas satisfaisant et pas suffisamment compétitif pour l’industrie française. Si nous voulons être compétitifs, il faut qu’on vous offre un tarif d’électricité qui soit le plus compétitif possible. Je pense que nous n’y sommes pas encore tout à fait. » La baisse constatée des prix de l’électricité a donc permis au gouvernement de défendre la cause de la réindustrialisation, pour laquelle un prix de l’énergie aussi bas que possible est bien entendu favorable vis-à-vis de la compétition internationale. Ces déclarations tendent donc à remettre en cause l’accord de novembre 2023. Et il est très probable que les élections législatives anticipées des 30 juin et du 7 juillet l’enterreront définitivement, et ce quel que soit le résultat.
Pourquoi une stabilité des prix à long terme est souhaitable
Pourtant, au-delà de la valeur du prix de l’électricité nucléaire et des prix des marchés de l’électricité eux-mêmes, l’ensemble des acteurs s’accordent sur la grande importance d’une stabilité des prix. En effet, si des hausses du marché permettent conjoncturellement de négocier des prix contractuels à la hausse, et si des baisses de ces mêmes marchés permettent de négocier ces mêmes prix à la baisse, les très fortes hausses des années passées nous en montré que des prix élevés pouvaient causer des dommages colossaux à notre économie. Et ces dommages n’auront pas que des conséquences conjoncturelles.
Ainsi, les acteurs tendent aujourd’hui vers une nouvelle formulation des prix d’accès au nucléaire historique : les contrats sur la différence (CFD, en anglais « Contract for difference »). Ces contrats garantiraient à EDF un prix plancher, nécessaire à la maintenance pérenne de son parc, indépendant des fluctuations internationales, tout en assurant un plafond de prix qui sécuriserait les approvisionnements des entreprises consommatrices d’énergie. Ces CFD seront donc peut-être bien le prochain épisode de notre feuilleton.
Commentaires
D’un côté, BLM voudrait que l'électricité nucléaire soit vendue à un prix bas pour que nos industriels l'achètent à un prix bas. De l’autre, la CRE et le producteur, EDF donc, voudraient la vendre à un prix plus élevé. L’acheteur veux toujours sortir moins d’argent et le vendeur voudrait en récupère plus : normal dans un monde économique. C’est l’éternel problème ou dilemme d’EDF, qui est détenu à 100 % par l’Etat, c’est-à-dire par BLM. Le mélodrame en cours permet, une fois de plus, qu’un organisme sérieux, la CRE, calcule un cout de production élevé (donc plus de 70 €/MWh) de l’électricité nucléaire dans des conditions où lorsqu’on prend un maximum de paramètres (et encore, on ne compte pas la recherche publique sur le nucléaire depuis 50 ans, les impacts sur le réchauffement des rivières après centrales, les radionucléides émis dans l’environnement, …). Vendre un kWh nucléaire moins cher que son cout de production est l’éternel boulet du nucléaire français et d’EDF. Oublions l'intelligence économique : vive la Politique, vive le nucléaire français !
Pendant de nombreuses années, EDF a dégagé de confortables excédents. C'est donc qu'il gagnait correctement sa vie tout en vendant une électricité (nucléaire) peu chère.
Revenons donc au système ancien , qui fonctionnait bien, donc sortir du système européen régulé de l'électricité et les bonnes années réapparaitront.
Si EDF sort du système européen, c'est quasiment un demi Frexit. Donc la France devra longuement négocier les conditions pour pouvoir garder un accès au marché de l'électricité européen et pouvoir vendre son électricité. De la même manière qu'avec le Brexit, EDF ne pourra plus vendre son électricité au même prix et même conditions qu'avant, c'est plutôt les années sombre qui vont arriver.
La fixation technico-politique du prix de l'électricité en France déconnecte de toute manière complètement le prix réel de production du prix de vente: c'est un système institutionnalisé de subvention juste pour faire essayer de faire gober la pilule à Bruxelles (mais qui n'est pas dupe d'ailleurs).
Y a un truc simple pour edf pour faire remonter les prix: mettre volontairement à l'arrêt la moitié de ses réacteurs
..
C'est d'ailleurs exactement ce que fait EDF ces temps ci, cela a quand même un effet pervers, cela augmente aussi le coût du nucléaire en faisant baisser encore son facteur de charge.
Dans l article # eolien flottant offshore bretagne sud # ,
on apprends que en 2023, concernant le Round 5 des projets éoliens offshore au Royaume-Uni. Le gouvernement avait fixé un prix du MWh maximum trop bas pour de l’éolien offshore posé (52,20 €/MWh), entraînant une absence totale de candidats.
Donc , on a donc deja des negociations aux environs de 60 euros le Mwh eolien offshore.Les couts ayant tendance a baisser pour l eolien. Comment va faire EDF pour vendre son Mwh nucleaire a 70 euros ??
Le parc dont vous parlez, ne représente même pas le 1/4 d'un réacteurs nucléaire,
Même si il tournait 100% du temps, il serait incapable de d'alimenter la moitié de la Bretagne.
Donc ne vous inquiétez pas pour edf.
Mais même lorsque le ru et son nouveau gvt ecolo disposera de 500 GW de parcs éoliens et photov le problème de l'intermittence restera insoluble.
Si, les futures heures pleines creuse modulées en fonction de la production a 80 cte du kilowatt la conso baisse radicalement. Il faut juste les instituer a presque tous le monde.
Voilà une curieuse manière de raisonner...
S’il n’y a eu aucune enchère pour un prix max de 50€ au Royaume-Uni, c’est que l’éolien offshore vaut beaucoup plus cher, alors que les appels d’offre sont en CFD, donc sans trop de risque... quoi que, pas sûr qu’il couvre les prix négatif de marché. (En france, ils sont couvert, au delà d’un petit seuil) +66% nous amène à plus de 80€ au Royaume-Uni.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/17/eoliennes-en-mer-le-gouvernement-britannique-augmente-de-66-le-prix-garanti-a-cette-technologie_6200719_3234.html
https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Actualites/import/CL_-_CRE_-_Benchmark_eolien_en_mer_-_Version_publique.pdf
Lol c'est dingue... On vous l'a déjà expliqué 100x : l'éolien est intermittent, le nucléaire produit en continu.
Exact même quand on n’en a pas besoin….c’était bon lorsque le combustible et les coûts de maintenance bas. Actuellement avec les tensions sur le marché de l’uranium et le vieillissement des centrales, c’est du gaspillage, donc des surcoûts. Pour l’EPR anglais on dépasse les 110€ le MWh
c est pour cela que l on utilise l hydroelectricite des barrages pour reguler la production nucleaire ( la nuit, personne ne consomme d electricite)
Oui exactement le nucléaire produit en base et en continu et l'hydro apporte le complément lors des pics de conso du soir. Dans les autres pays la base est apportée par des centrales gaz ou charbon.
La base en France est très largement inférieure à 40 GW et une partie est déjà produite par de l'hydraulique au fil de l'eau. Le nucléaire français est dimensionné dès l'origine pour l'export qui seul peut assurer sa rentabilité ( depuis des décennies nous sommes le premier exportateur mondial d'électricité, sauf accident. ) . Exporter nos surplus devient de plus en plus complexe et notre production est toujours insuffisante lors des pointes . Votre modèle ne fonctionne pas !
Le modèle ENR fonctionne très bien...sous GROSSE perfusion !
Demandez aux allemands si c'est facile pour eux d'exporter leur surplus enr à -100€ le mwh
Peut être pendant les 80% du temps ou l’éolienne ne produit presque rien… ça laisse beaucoup, en plus comme les 60€ le Mwh des éoliennes sont le prix de rachat au niveau de l’injection dans le réseau il faut ajouter le coût du réseau et des pertes… au final même les 20% ou les éoliennes produisent vont couter plus que 70€ le Mwh…
En plus comme l’électricité nucléaire est 60% moins émettrice de gaz à effet de serre les industriels vont pouvoir présenter un meilleur bilan carbone qu’avec les éoliennes.
Pour rappel, le problème à court terme c’est les gaz à effet de serre et pas la gestion des déchets nucléaires qui est déjà planifiée et donc ne posera pas de problème dans le futur.
Le but de l’Europe et du marché de l’électricité est d’avoir le même prix partout, peu importe où sont les moyens de production (en développant toujours plus les interconnexions). Donc évidemment qu’avec cet axiome de base l’électricité ne pourra pas être plus compétitive en France qu’ailleurs en Europe.
Si on veut l’électricité à prix coûtant en France il faut donc changer ce principe de base.
Plusieurs solutions sont envisagées comme: supprimer la concurrence en France et retourner à un monopole de fourniture, tout en CFD, avoir un acheteur unique pour le commerce extérieur, ... bref un retour comme avant l’ouverture des marchés de détail.
Pour les ENR, y a quasi rien à changer, ça marche déjà comme ça dans la pratique.