L'entrée de la STEP de Montézic en France / Image : Révolution Énergétique.
C’est bien connu, les français ne font rien comme les autres, en particulier en matière d’énergie. Fort d’un mix électrique unique au monde, la France continue de cultiver sa différence en faisant fi des objectifs de stockage d’électricité pour les 10 prochaines années, contrairement au reste du monde.
En cette fin d’année 2024, le gouvernement vient de soumettre à consultation publique les troisièmes versions de deux documents faisant figure de feuille de route vers la neutralité carbone :
- La stratégie nationale bas-carbone (SNBC),
- La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Cette consultation publique, lancée le 4 novembre pour une durée de 6 semaines, devrait aboutir sur un simple décret. Celui-ci devrait être publié d’ici la fin du premier trimestre 2025, avec plus d’un an de retard par rapport à l’objectif initial. Contrairement à ce qu’avait promis Emmanuel Macron en 2019, ces documents ne passeront donc pas par l’Assemblée Nationale.
Le stockage d’électricité aux abonnés absents
Pourtant, il y a matière à débat, en particulier en matière de programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce document est destiné à écrire dans le marbre les objectifs de la France en matière de production d’énergie à l’horizon 2035. On retrouve de nombreux thèmes concernant la production et la gestion de l’énergie. Le nucléaire fait office de tête de proue de la stratégie française, suivi, pêle-mêle, du photovoltaïque, des biocarburants, de l’hydroélectricité ainsi que de l’éolien. Pour chaque sujet, des objectifs de production ou de déploiement ont été fixés pour 2030 puis 2035.
Voici les principaux objectifs fixés dans le document soumis à consultation :
2022 | 2030 | 2035 | |
60 % d’énergie finale fossile consommée | 42 % d’énergie finale fossile consommée | 29 % d’énergie finale fossile consommée | |
Production électricité décarbonée | 390 TWh | 560 TWh | 640 TWh |
Relance du nucléaire | 56 réacteurs 279 TWh |
57 réacteurs 360 TWh |
|
Photovoltaïque | 16 GW 19 TWh |
54-60 GW 65 TWh |
75-100 GW 93 TWh |
Éolien terrestre | 21 GW 38 TWh |
33-35 GW 64 TWh |
40-45 GW 80 TWh |
Éolien en mer | 0,6 GW 1 TWh |
4 GW 14 TWh |
18 GW 70 TWh |
Hydroélectricité | 26 GW (avec STEP) 43 TWh (Hors STEP) |
26 GW 54 TWh |
29 GW 54 TWh |
Chaleur et froid renouvelable et de récupération | 172 TWh chaleur 1 TWh froid |
276-326 TWh chaleur 1 TWh froid |
330-419 TWh chaleur 2,5-3 TWh froid |
Biogaz | 17,7 TWh dont 7 TWh injecté dans les réseaux | 50 TWH dont 44 TWh injecté dans le réseau | 50-85 TWh |
Biocarburants | 38,5 TWh | 50-55 TWh | 70-90 TWh |
Hydrogène | 0 GW | 6,5 GW | 10 GW |
Consommation d’énergie finale | 1556 TWh | 1243 TWh | 1100 TWh |
Si ce tableau est plein de promesses, il présente un absent majeur : le stockage de l’électricité. Dans ce document de travail soumis à la consultation publique, la notion de stockage est, en effet, très peu présente. Cette position a de quoi surprendre, tant le stockage de l’électricité accélère dans le reste du monde, et se positionne comme allié indispensable des énergies renouvelables.
Miser sur la flexibilité plutôt que le stockage
Pour sécuriser l’approvisionnement en électricité malgré la hausse des énergies non pilotables dans le mix électrique français, le gouvernement préfère parler de la mise en place d’un « bouquet de flexibilités ». Il est ainsi question d’augmenter la flexibilité de la demande. Cela consiste à réduire ou augmenter la consommation d’électricité d’un site pour répondre aux besoins du système. Cette solution est vue comme « un axe prioritaire qui permet de réduire les risques de déséquilibre de courte durée à moindre coût ». Le document fait également mention de baisses de consommations plus structurelles grâce à des offres de fourniture horo-saisonnalisées, des offres à points mobiles ou la modification des heures pleines/heures creuses.
Pour aller plus loin que ces solutions de flexibilités, quelques objectifs ont tout de même été fixés concernant le stockage par batterie et par STEP. Ils se résument ainsi : « Aux horizons 2030 et 2035, les batteries et les STEP combinées aux flexibilités de la demande pourront assurer les trois quarts des besoins de modulation intra-journalière ». Concrètement, cela se traduit par les deux objectifs suivants :
- Adapter le cadré réglementaire et économique pour atteindre 1,7 GW de STEP supplémentaire d’ici 2035,
- Consolider la filière industrielle de production de cellules de batteries avec l’objectif de 100 GWh/an.
Alors que, sur les 10 ans de la programmation, les capacités de production d’énergies renouvelables non pilotables devraient augmenter d’au moins 95 GW, le seul objectif de flexibilité chiffré se résume à augmenter les capacités des STEP de 1,7 GW. Dans ces conditions, difficile de savoir comment EDF va réussir à maintenir l’équilibre du réseau sans un recours massif à des systèmes pilotables comme des centrales thermiques.
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