Le silence des éoliennes


Les éoliennes génèrent de moins en moins de nuisances sonores. Assez paradoxalement, alors qu’elles gagnent en hauteur, en puissance et en diamètre de rotor, chaque génération d’éoliennes est plus silencieuse que la précédente.

La première explication tient à l’évolution technologique de nos moulins à vent. De nombreux éléments d’une éolienne ont connu un changement important aux cours des dernières années : les composants de la nacelle, les pales de l’éolienne, mais également leur taille ont subi une grande métamorphose.

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Innovation acoustique et biomimétisme

La plupart des éoliennes sont à présent équipées de « peignes » ou de « serrations » (mot anglais provenant du latin ‘serrati’, qui signifie dentelé).

Il s’agit de pièces allongées en forme de « dents de scie », qui se fixent sur le bord de fuite des pales. elles permettent de d’abaisser le bruit aérodynamique de 2 à 3 décibels en moyenne, en réduisant les turbulences créées par le frottement de l’air en bout de pale. A vitesse nominale, les pales de 70 mètres voient leur extrémité souvent taquiner les 400 km/h, de quoi créer de sérieuses turbulences !
Si une réduction de 3 décibels pourrait paraître insignifiante, la différence est néanmoins capitale, car, la perception des sons n’est pas linéaire et le décibel est une échelle de mesure logarithmique. Un bruit de 40 décibels est donc perçu comme étant notablement inférieur à un niveau de 43 décibels.

Au départ, les « serrations » ont fait l’objet d’un brevet déposé par le turbinier allemand Enercon, mais à présent, toutes les marques proposent la fixation de peignes à la demande de leurs clients.

Pour mettre au point les « serrations », les ingénieurs se sont inspirés des rapaces nocturnes.
Ils constatèrent que les hiboux pouvaient aisément s’abattre sur leurs proies dans le silence de la nuit, sans que le battement de leurs ailes n’éveille l’attention de leurs victimes. Ces animaux arrivent à voler dans un silence parfait grâce à l’écartement de leurs plumes en bout d’aile, lesquelles laissent passer l’air en réduisant ainsi les turbulences.

Les « serrations » fixées sur les bords de fuite des pales imitent les ailes des rapaces nocturnes

Des pales et des nacelles mieux conçues

En marge des serrations, le profil des rotors a également considérablement évolué au cours des dernières années. Leur design permet un écoulement plus fluide de l’air le long des pales, devenues plus souples et plus aérodynamiques. Elles offrent une moindre résistance à l’air et engendrent moins de turbulences, ce qui se traduit par un niveau de bruit inférieur.
Dans les nacelles, les composants les plus bruyants ont été remplacés par des matériaux plus silencieux, et leurs parois équipées d’un isolant acoustique renforcé.


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Plus hautes, donc plus éloignées

Un autre phénomène a réduit la perception du bruit des moulins à vent modernes.
La hauteur totale des éoliennes ayant tendance à augmenter, leur distance par rapport aux zones d’habitation est souvent plus élevée, même si, paradoxalement, l’élévation des mâts entraîne une plus grande diffusion du bruit. La Wallonie, qui impose une distance égale à quatre fois la hauteur totale de l’éolienne, voit ainsi des machines de 200 mètres de haut s’installer à 800 mètres des zones d’habitat, alors qu’il y a quelques années, les parcs éoliens se trouvaient au minimum à 600 mètres des premières maisons.
On assiste donc à une réduction du bruit perçu, directement liée à la distance accrue de la source de bruit.

Quel niveau de bruit ?

De manière simplifiée, la limite sonore des éoliennes se situe en France à 35 dB (A)[1], augmentés de 3 à 5 dB (A) en fonction du bruit émergent. En Wallonie, les normes en vigueur (qui devraient bientôt être revues) tolèrent un niveau maximum de 45 dB (A) en journée et de 43 dB (A) la nuit, sauf pendant les nuits estivales, lorsque la température extérieure est supérieure à 16 degrés, où le niveau de 40 dB (A) ne peut être dépassé.


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Au pied d’une éolienne, à 10 mètres de hauteur, le niveau acoustique d’une machine moderne se situe entre 103 et 107 dB (A) avec une vitesse de vent de 9 m/s (mètres/seconde). Notez qu’à partir de cette vitesse les émissions sonores des éoliennes n’augmentent plus.

Au point d’immission (c’est-à-dire au point de perception du bruit, à l’extérieur des habitations), le niveau sonore s’établit généralement entre 40 et 46 dB (A), selon le type de machine. En cas de dépassement des niveaux autorisés, celles-ci sont alors simplement bridées[2], de manière à respecter les normes en vigueur.

Un contrôle acoustique post-construction rigoureux

Actuellement, la construction d’un parc éolien nécessite une étude acoustique qui doit assurer la tranquillité des riverains et le respect de la réglementation en vigueur. Mais des discordances ont parfois été constatées entre les modélisations et les impacts sonores réels. Lorsque la construction du parc est achevée, des mesures acoustiques sont dès lors réalisées par un organisme agréé pendant une période d’environ deux semaines.
Durant ces mesures, des cycles de marche et d’arrêt des éoliennes sont réalisés afin d’établir la différence de niveau sonore entre le bruit ambiant (éoliennes en fonctionnement) et le bruit résiduel (éoliennes à l’arrêt). Un plan de bridage des turbines est alors calculé et fourni à l’exploitant afin de l’intégrer dans le système de pilotage des éoliennes (SCADA). Ce plan est fixé par des algorithmes qui tiennent compte des conditions météorologiques et des périodes de la journée.  


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Un effet cumulatif désormais pris en compte

Mais si toutes ces évolutions technologiques vont généralement dans le sens d’une réduction du bruit émis par les éoliennes, elles ne doivent pas occulter un épiphénomène dont il était jusqu’ici rarement tenu compte : l’effet cumulatif de l’impact sonore des plusieurs parcs éoliens proches, lequel peut générer des nuisances sous-estimées. Dans le sens des vents, deux parcs voisins peuvent en effet engendrer un niveau de bruit qui, pris isolément, répond aux normes réglementaires, mais crée un impact acoustique cumulé sensiblement supérieur.

Ce phénomène doit à présent être pris en compte dans les études environnementales et les modélisations d’impact acoustique de chaque nouveau projet, afin que les normes en vigueur soient respectées en toutes conditions.


[1] Le dB (A) est l’évaluation en décibels d’un niveau sonore avec une pondération qui tient compte de la sensibilité de l’oreille humaine

[2] Brider une éolienne consiste à limiter sa puissance et donc sa vitesse de rotation, par exemple pour réduire le bruit.

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