L’agriculture est souvent pointée du doigt comme l’un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES). En France comme ailleurs en Europe, elle serait responsable de 20% des émissions totales. Pourtant, un cinquième des énergies renouvelables est aujourd’hui produit par le monde agricole. Pas suffisant, souligne un rapport parlementaire présenté ce mardi 21 juillet par Jean-Luc Figit, député du Rhône, et Roland Courteau, sénateur et vice-président de l’OPECST[1], lesquels formulent une vingtaine de propositions pour développer la production d’énergie dans le secteur agricole.
En 2019, 50.000 exploitations agricoles généraient 96% de la production française de biocarburants, 26% du biogaz, 83% de l’éolien (via les surfaces agricoles mises à disposition pour la construction des parcs), et 13% du photovoltaïque. Au total, les agriculteurs fournissent 20% de la production d’énergies renouvelables du pays (soit 3,5% de la production nationale d’énergie).
Un chiffre qui devrait tripler au cours des trois prochaines décennies selon plusieurs associations environnementales, dans la perspective d’atteindre la neutralité carbone en 2050, « mais cela nécessite de mesurer les opportunités et les risques d’une telle évolution afin de recommander des politiques publiques adaptées », explique Jean-Luc Fugit, député LREM et co-rapporteur de cette étude.
Du biogaz, mais pas seulement
Une grande partie du potentiel d’accroissement des énergies renouvelables en milieu agricole reposera sur la production de biogaz puisque le 31 décembre 2023 entrera en vigueur l’obligation de la collecte des biodéchets dans les villes. Les villes françaises passeront alors de la microméthanisation à la biométhanisation à l’échelle urbaine.
Il reste également beaucoup de progrès à faire et à revoir nos ambitions en matière de valorisation des déchets organiques, car de nombreuses synergies entre producteurs d’effluents et utilisateurs de digestats sont sous-exploitées.
Par ailleurs, le rapport recommande d’encourager le raccordement des installations existantes au réseau national de gaz.
Pour le photovoltaïque, les deux députés invitent le gouvernement à adapter le seuil des appels d’offres et de promouvoir l’agrivoltaïsme (panneaux photovoltaïques orientables placés en hauteur afin de protéger les cultures des aléas climatiques).
Le rapport préconise aussi de « mieux protéger le foncier agricole » pour être attentif à produire de l’énergie en milieu agricole sans pour autant porter préjudice aux cultures alimentaires. Une mesure qui vise les productions de biocarburants et d’électricité photovoltaïque au sol qui sont, à ce sujet, fort consommatrices de terres agricoles.
Quel rôle réserver à l’agriculture dans la transition énergétique ?
Aujourd’hui, l’agriculture contribue à hauteur d’un cinquième des énergies renouvelables produites en France. Celles-ci représentent 15 % du mix énergétique, mais le gouvernement veut atteindre 32% d’ici à 2030. Pas d’inquiétude pour le secteur agricole qui, à travers la biomasse, la méthanisation, le photovoltaïque et l’éolien, dispose des atouts nécessaires pour apporter une contribution capitale. Sans exclure les produits biosourcés pour remplacer ceux qui proviennent du secteur pétrolier comme le plastique.
Nouveaux défis, nouveaux revenus
La production d’énergie renouvelable pose d’importants défis aux agriculteurs, tant en termes d’acquisition de nouvelles compétences techniques, de maintenance des machines, d’introduction de dossiers administratifs, que de réflexion sur le métier de base du cultivateur.
Mais s’ils sont appelés à venir en aide à la planète, les agriculteurs sont surtout les principales victimes du dérèglement climatique.
Hausse des températures, modifications du régime des pluies, multiplication des épisodes extrêmes affectent fortement les rendements agricoles, et entraînent un glissement dans le temps des périodes de vendange (jusqu’à trois semaines à l’avance dans certaines régions).
Si les rendements moyens montrent une évolution à la baisse relativement faible au cours des dernières années, les chutes de rendement sont souvent ponctuelles, très locales, et parfois spectaculaires. Un cultivateur peut enregistrer une chute de 30% de son rendement suite à une période de sécheresse, tout comme un vigneron peut perdre 100% de sa récolte après une seule chute de grêle.
C’est en ce sens que la production d’énergie renouvelable présente un double intérêt : outre l’impact environnemental positif qu’elle apporte, elle offre souvent une bouée de sauvetage à des agriculteurs dont les revenus n’ont fait que s’éroder au cours des dernières années.
Les propriétaires de hangars ou d’entrepôts agricoles peuvent ainsi, moyennant une installation d’une puissance égale ou inférieure à 100 kWc, générer un revenu annuel de 10.510 € garantis pendant 20 ans[2].
[1] Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
[2] Tarif EDF Obligation d’Achat du 1er trimestre 2020 : 0,1051 € par kilowattheure vendu.
Commentaires
Le topinambour est incomparable pour la production de méthane.
Concernant le biogaz, les agriculteurs ont plutôt intérêt à conserver leur biomasse ...
Non, pas du tout. Cette idée parfois répandue à tort par certains opposants aux énergies renouvelables est complètement fausse. La valeur fertilisante de la biomasse non traitée par la biométhanisation est inférieure à celle du digestat qui est issu du méthaniseur et peut être répandu sur les cultures. Le contenu des gaz récupérés dans le méthaniseur (essentiellement CH4 et CO2) n'a en effet aucune valeur fertilisante.
Par contre le digestat conserve la fraction ligneuse (non dégradée par la méthanisation) qui contribue à la formation d'humus. L'azote, très utile pour la fertilisation des sols, se retrouve aussi dans le digestat et sous forme ammoniacale, plus facilement assimilable par les plantes que dans la biomasse non méthanisée. En outre la méthanisation élimine bon nombre de germes pathogènes.
Voir par exemple ici : http://www.biogaz-energie-renouvelable.info/digestats_valorisation.html
En général les agriculteurs savent tout ça, raison pour laquelle ils sont friands de digestat issu de la méthanisation.
Alors, s'il vous plait, ne répandez plus de telles fausses rumeurs ...
Il ne reste 10% des intrants de méthanisation sous forme de digestat solide, et 80% sous forme de digestat liquide. De plus les ions ammoniums, principal constituant des digestats liquides, ne sont pas la forme la plus bioassimilable par les plantes, contrairement à ce qui est dit. D'où lixiviation et évaporation. Par conséquent, en produisant CH4+CO2, on perd la valeur amendement, en produisant NH4+, on rajoute du N dans les nappes qui fera des nitrates, et des particules fines dans l'air. La fraction ligneuse du digestat solide, ne sera décomposée dans le sol que s'il y reste des champignons. Malheureusement, ceux-ci sont détruits pas le digestat liquide épandu ...
Je ne suis pas agronome, mais ce que vous affirmez ici ne correspond pas aux avis des experts agricoles que j'ai pu lire notamment sur le site https://www.infometha.org/ qui rassemble les connaissances scientifiques à jour sur la méthanisation et ses effets.
Lisez par exemple cette étude réalisée pour l'Ademe : https://solagro.org/images/imagesCK/files/publications/f35_qualiteagrodigestatssolagro2004.pdf